2- LE POIDS ET L'INFLUENCE DES GRANDS DONATEURS
« La Conférence générale, [...] fixe
la participation financière de chacun des États Membres [...], le
Directeur Général peut, avec l'approbation du Conseil
exécutif, recevoir directement tous dons, legs et subventions provenant
de Gouvernements, d'institutions publiques ou privées, d'associations ou
de particuliers »466. Bien qu'étant
considérée comme une organisation « apolitique
»467, cette dépendance financière de l'Unesco
vis-à-vis de l'extérieure fait en sorte qu'aujourd'hui, cette
dernière est de plus en plus marquée par des enjeux politiques
internationaux d'où, sa politisation. « Devenue une tribune
d'intérêts divergents, l'UNESCO ne peut plus guère
462 UNESCO, La position de l'Union européenne sur
la réforme et le développement de l'Unesco, 15
décembre 1999, rapport en vingt-sept points, cité par
Chloé MAUREL, l'Unesco aujourd'hui, Vingtième
Siècle. Revue d'histoire 2009/2, (n° 102), P. 131-144, op.cit. ,
p.141
463Déclaration de la présidence
française à la 160ème session du conseil exécutif
de l'Unesco, 3 octobre 2000. 464Interview d'A. G. ; Vers les
sociétés du savoir, rapport mondial de l'Unesco, Paris,
Unesco, 2005.
465 CAMEROUN, Le Président de la république,
son S.E Paul Biya, à la 38ème session de la
conférence générale et au 70ème
anniversaire de l'Unesco, Paris, 16-18 novembre 2015, op.cit.
466 Voir article IX de la constitution de l'Unesco.
467 René Maheu, « Quel peut être notre
rôle dans un débat politique ? », cité par
Chloé MAUREL, l'Unesco de 1945 à 1974, thèse de
doctorat, op.cit. p.
Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de
l'obtention du diplôme de Master recherche en
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2016-2017
La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et
la sécurité au Cameroun
mener sa tâche à bien, ni dans le domaine de la
science, de l'éducation et de la culture, ni dans celui de la paix et de
la sécurité »468.
L'Unesco est une institution des nations unies qui est
née, dans une période post guerre mondiale. Elle s'est vite
transformer en une arène de rendement de compte politique et
idéologique, par les différents États qui l'a constituent.
Selon Chloé MAUREL, « Une perspective chronologique s'impose pour
saisir l'évolution des tensions politiques à l'Unesco au fil de
ces trente années. Trois périodes peuvent être
distinguées. De 1945 à 1953, l'institution est constituée
presque exclusivement d'États occidentaux ; États du Tiers Monde
et États socialistes n'en font pas partie. De 1954 à 1959, la
crise maccarthyste ainsi que l'entrée de l'URSS plongent l'organisation
dans la tourmente de la guerre froide : toute la vie de l'organisation est
influencée par le conflit Est-ouest. À partir de 1960,
l'entrée massive des États africains nouvellement
indépendants modifie complètement la physionomie de l'Unesco :
agrandie, elle devient le théâtre d'un conflit nord-sud ; La
régionalisation s'affirme de manière croissante
»469. Ces enjeux politiques vont contribuer à paralyser
l'institution de l'intérieur.
Il faut noter que, si les États Unis ont
participé activement au processus de création de l'Unesco entre
1942 et 1945, c'était tout simplement pour, « répondre
à des motivations politiques et économiques »470.
Voilà pourquoi BENTON « n'hésite pas à
déclarer qu'il conçoit l'Unesco comme une « force politique
de première magnitude »471, c'est-à-dire, «
une force majeure pour le programme de sécurité des
États-Unis et pour l'accomplissement des objectifs de la politique
étrangère américaine »472. ALLEN, lui
aussi conçoit l'Unesco comme, un instrument servant à diffuser
dans le monde l'idéologie américaine473. « Les
États-Unis dominent financièrement l'Organisation, et le Tiers
monde la domine numériquement »474, ce qui fait que, les
État du Tiers monde ayant la majorité à la
conférence générale, utilisent l'institution comme un
levier pour exister sur la scène internationale. Pour leurs part, «
les États-Unis, responsable de cette politisation font sans cesse planer
la menace du retrait et de couper ainsi les ressources, (ils
468Vincent CITOT, « Du juste
équilibre entre technocratie et démocratie dans une organisation
internationale. L'exemple de l'Unesco », Le Philosophoire
2008/2 (n° 30), p. 177-190.
469 Chloé MAUREL, l'Unesco de 1945 à 1974,
thèse de doctorat, p. 172, op.cit.
470 Cf. William A. Scott et Stephen B. Whitey, The United
States and the United Nations: the public view, 1945-55, New York,
Manhattan Publishing Company, 1958.
471 EU, box 2241: statement by the honorable William Benton,
broadcast over the Columbia broadcasting system, 23 Dec. 1946, 7 p., p. 2.
« a political force of the first magnitude »
472 Ibid. , pp. 2-3.: « a major force in the security
program of the US, and in the furtherance of the objectives of American foreign
policy ».
473G.V. Allen, « The Place of Unesco in American
Foreign Policy », 3 Oct. 1949, article cité par G Archibald, p.130.
474 Vincent CITOT, « Du juste équilibre entre technocratie et
démocratie dans une organisation internationale. L'exemple de l'Unesco
», Le Philosophoire 2008/2 (n° 30), p. 177-190.
Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de
l'obtention du diplôme de Master recherche en
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2016-2017
La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et
la sécurité au Cameroun
financent, depuis 1945, entre 30 et 45% du budget de
l'Organisation) »475. L'Unesco qui est censée construire
la paix et la sécurité, devient plutôt le pourfendeur de
celle-ci, elle « ne pense plus guère : on gère plutôt
des conflits d'intérêt et des rapports de pouvoir
»476. C'est la raison que justifie d'ailleurs Israël, afin
de se retirer de l'organisation en 2018. Comme le dit si bien CITOT, «
Tout est politique, et tout est politisé. Il faut que les intellectuels
rendent des comptes à un peuple, même si ce peuple
(l'humanité) est seulement représenté de très loin
et par des chefs d'États. Mais la politisation de l'Organisation, c'est
le fait que son statut politique dérive en querelle
d'intérêts et que des groupes de pression puissent tirer à
eux, l'ensemble du projet unesquien, par la simple force du nombre
»477.
Le Royaume-Unis qui était considéré comme
le 2èmecontributeur du budget de l'Organisation après
les USA, se serait cependant, selon Elhem CHNITI, « rapidement
désintéressé de l'Unesco, à partir de
l'installation de celle-ci à Paris. Selon elle, il aurait renoncé
à utiliser cette organisation comme un instrument de prestige national,
préférant compter sur le Commonwealth et sur son
alliance bilatérale avec les États-Unis »478.
L'Unesco depuis sa création est victime des guerres de
clan qui se déroulent à son sein. D'un côté,
l'hégémonie Américaine, le chauvinisme Français, le
nationalisme Britannique, et de l'autre, la solidarité des pays du tiers
monde. Les plus grand perdant et les plus affectés de cette guerre
silencieuse ne sont autre que les Pays les moins influents tels que, le
Cameroun. L'Unesco à travers son bureau de Yaoundé,
réalise des projets concrets dans le pays. Cependant, si l'organisation
mère fonctionnait normalement en dehors de tout intérêt
déguisé des États qui la constitue, les États comme
le Cameroun devaient davantage encore plus profiter d'elle.
B- L'IRRATIONALITE BUDGETAIRE
Nous entendons ici par irrationalité budgétaire,
la mauvaise gestion et la mauvaise répartition du budget alloué
à l'organisation mère dont le siège est à Paris.
Autrement dit, l'on constate tout simplement que, le budget de l'Unesco, au
lieu de servir au financement des programmes
475 Vincent CITOT, « Du juste équilibre entre
technocratie et démocratie dans une organisation internationale.
L'exemple de l'Unesco », Le Philosophoire 2008/2
(n° 30), p. 177-190, op.cit. p.
476 Ibid.
477 Ibid.
478 Elhem Chniti, thèse, janvier 1997, Paris I, dir R.
Girault, La Grande-Bretagne et l'Unesco, 1942-1957, 12 ans de relations
entre une institution des Nations-Unies et une puissance fondatrice, p.
687-688, 138-139, 258-259, cité par Chloé MAUREL, op.cit. p.
Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de
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La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et
la sécurité au Cameroun
d'éducation, de science, de culture et de
l'information, sert plutôt à financer le fonctionnement des
multitudes de bureau de l'organisation (1) et à payer le salaire de son
personnel très pléthorique (2).
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