La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun.par Aliou GARGA Université de Ngaoundé - Master 2 2016 |
SECTION I : UNE CONTRIBUTION À L'IMPLÉMENTATION DE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ AU CAMEROUN PAR LA PROMOTION ET LA PROTECTION DU PATRIMOINE CULTURELLES« Constatant que le patrimoine culturel et le patrimoine naturel sont de plus en plus menacés de destruction non seulement par les causes traditionnelles de dégradation, mais aussi par l'évolution de la vie sociale et économique qui les aggravent par des phénomènes d'altération ou de destruction encore plus redoutables »281, l'Unesco adopte le 23 novembre 1972, la Convention pour la protection du patrimoine mondiale culturel et naturel qui, vise à sa protection. En 2003, elle adopte la Convention pour la Sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel séparant ainsi le patrimoine culturel matériel du patrimoine culturel immatériel. Vue leur importances tant en ce qui concerne l'identité des peuples et leurs avantages économiques, l'Unesco s'engage de promouvoir et de sauvegarder le patrimoine mondial culturel immatériel (PARAGRAPHE I) et le patrimoine mondial culturel et naturel (PARAGRAPHE II). PARAGRAPHE I: LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL : UN INSTRUMENT DE PAIX, DE RECONCILIATION ET DE VALORISATION DE LA DIVERSITE CULTURELL'importance accordée à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, remonte aux années 70 « avec le premier texte soulignant la nécessité d'instaurer un instrument international sur la sauvegarde du patrimoine vivant [...], le document282 intitulé Opportunité d'assurer au plan international une protection du folklore283, rédigé par le secrétariat de l'UNESCO [...] »284. En 2003, l'Unesco va finalement adopter la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, et plusieurs instruments vont se succédés faisant ainsi avancer la notion de `patrimoine 281 Voir Préambule de la Convention pour la protection du patrimoine mondiale, culturel et naturel de 1972. 282 C'est un document rédigé par le secrétariat de l'UNESCO, rendu publique en 1975 à la suite de la communication du ministre des relations extérieures et des cultures de la République de Bolivie de 1973, qui met en garde contre les exploitations illicites des cultures populaires traditionnelles et suggère l'élaboration d'un texte contraignant sur la protection du folklore. 283 Le folklore de l'Anglais folk qui signifie peuple et Lore qui signifie tradition, est l'ensemble des productions collectives émanant du peuple et se transmettant d'une génération à l'autre par voie orale (contes, récits, chants, musiques, danses et croyances), ou par l'exemple (rites, savoir-faire). Source Wikipédia en ligne, consulté le 03/02/2018, www.fr.m.wikipedia.org. 284 Caecilia Alexandre, L'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Mémoire présenté pour l'obtention du grade de Maitre de droit (L.L.M), Université Laval, 2013, p.168. Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 78 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun culturel immatériel. « Dès les prémisses de la réflexion sur ce que l`on appelle aujourd`hui PCI et auparavant de diverses façons telles que, les cultures traditionnelles et populaires ou simplement sous couvert du terme culture »285. Ce processus de sauvegarde doit tout d'abord tenir compte de la subjectivité du patrimoine culturel immatériel (A) et par la suite, de l'objectivité du patrimoine culturel immatériel (B). A- LA SUBJECTIVITE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL (PCI)Avant d'être considéré comme un bien matériel national, puis mondial et universel, le PCI est d'abord la propriété privée d'un groupe, d'une communauté, d'un individu286 dont la contribution à faire connaitre leur savoir et leur savoir-faire est utile (1) dans la mesure ou, la valorisation de leur identité non seulement en dépend, mais parce qu'elle est aussi une source de richesse (2). 1- L'IMPLICATION DES COMMUNAUTES AUTOCHTONES A LA SAUVEGARDE DU PCI « La participation des communautés est en effet prévue dans les activités d'identification et de définition des éléments du patrimoine culturel immatériel »287. Avant de parler de sauvegarde du PCI, il est tout d'abord nécessaire de faire allusion à sa transmission car, « cette notion est au coeur de l'identification du PCI et de sa sauvegarde »288. Les éléments objectifs du PCI tels que : les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire, ainsi que, les instruments objectifs tels que : artefacts et espaces culturels qui leur sont associés, sont créés par les individus, puis transmises aux générations suivante289. Ce PCI « est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interactions avec la nature et de leur histoire »290. Ce rôle de transmission continu que joue la communauté est essentielle dans la mesure où, ce n'est que par cela et par elle que dépend la viabilité du PCI. 285 Ibid. 286 Cf. Art. 15 de la convention de l'Unesco sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatérielle de 2003 qui, à son article 15 reconnait le PCI comme étant ceux-là qui « créent » ce dernier. 287 Convention de l'Unesco su la sauvegarde du PCI (2003), article 11, cité par Ahmed SKOUNTI et Ouidad TEBBAA, De l'immatérialité du patrimoine culturel, UNESCO, 2011, P.40. 288 Ibid. 289 Voir art. 2 de la convention sur la protection du patrimoine culturel immatériel de 2003. 290 Ibid. Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 79 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun À cet effet, l'Unesco encourage l'État du Cameroun à prendre les dispositions nécessaires en impliquant les communautés et les groupes, afin de pouvoir assurer la sauvegarde du PCI dans la mesure où, « Toutes les composantes du patrimoine culturel impliquent un rôle accru des individus `'qui leur donn?ent? leur sens»291 »292. « Censés être à l`origine de la reconnaissance patrimoniale prévue par la convention, les porteurs et les praticiens du PCI sont donc appelés à s`investir activement dans les actions de sauvegarde que les États signataires se sont engagés à mettre en oeuvre »293. Cette participation est clairement reconnue par la convention sur la protection du PCI à son article 15 qui stipule que, « Dans le cadre de ses activités de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, chaque État partie s'efforce d'assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus qui créent, entretiennent et transmettent ce patrimoine, et de les impliquer activement dans sa gestion. »294. « Le rôle des communautés est donc essentiel à la sauvegarde du PCI à la fois sur le plan de la perpétuation d`un héritage que pour la communauté elle-même »295. Ces derniers ne « transmettent pas uniquement un savoir, une création ou une connaissance. Ils communiquent un message culturel, une histoire »296. Ce PCI, transmis de génération en génération à travers les traditions et expressions orales et la langue, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers, et les savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel, procurent à ces derniers297 « un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine »298. Par le partage de traditions au sein d`une même communauté, les individus se sentent appartenir à une même nation, à un même peuple, à une même culture. « Tous ensembles, ils construisent le PCI. Et par l`identité culturelle que ce partage leur confère, ils sont les garants de la viabilité et donc de la sauvegarde du PCI»299. 291Bories Clémentine, Le patrimoine culturel en droit international. Les compétences des Etats à l'égard des éléments du patrimoine culturel, Paris, Fondation Marangopoulos pour les droits de l`homme, A. Pedone, 2011, p.51, cité par Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Mémoire présenté pour l'obtention du grade de Maitre de droit (L.L.M), Université Laval, 2013, p.18. 292 Ibid. 293 Ahmed SKOUNTI et Ouidad TEBBAA, de l'immatérialité du patrimoine culturel, UNESCO, 2011, op.cit. , P.40. 294 Voir art. 15 sur la sauvegarde du PCI. 295 Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Mémoire présenté pour l'obtention du grade de Maitre de droit (L.L.M), Université Laval, 2013, , op.cit. p. 296 Ibid. 297 Convention sur le PCI (2003), article 2.2. 298 Convention sur le PCI (2003), article 2.1. 299 Ibid. Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 80 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun Plus explicite encore, la politique du patrimoine culturel vise à, « [...] établir un lien direct entre la mise en valeur du gisement de richesse que constitue le patrimoine culturel du pays et la création de revenus, d`emplois, de perspectives de vie meilleures, pour les plus démunis, pauvres, femmes, jeunes en particulier »300. De ce qui précède, bien « que la créativité des générations présentes, inspirée des traditions ancestrales et prenant en compte l`intérêt des générations futures, garantit une sauvegarde sur le long terme d`un héritage »301, le PCI demeure aussi une source de revenu économique considérable. 2- UNE CONTRIBUTION A LA PROTECTION DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL Le premier traité définissant la notion du PCI, encadrant l'action des États en la matière est bel et bien la convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003). En vertu de cet instrument, le patrimoine culturel immatériel désigne des « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire, ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés, que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine »302. Dans la mesure où le PCI « n'est pas une donnée dès le départ »303, des chercheurs comme Regina BENDIX pensent que, « le patrimoine culturel n'existe pas, il est fabriqué »304. Voilà pourquoi, « cette construction du patrimoine qui donne parfois lieu à un véritable culte, nourrit une 300Programme sur le patrimoine culturel et les industries créatives (2008), supra note 409 à la p 16, cité par Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Mémoire présenté pour l'obtention du grade de Maitre de droit (L.L.M), Université Laval, 2013, op.cit. , p. 107. 301 Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Mémoire présenté pour l'obtention du grade de Maitre de droit (L.L.M), Université Laval, 2013, op.cit. , p. 33 302 Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, 17 octobre 2003, article 2.1. 303 Ahmed SKOUNTI et Ouidad TEBBAA, de l'immatérialité du patrimoine culturel, UNESCO, 2011, op.cit. , P.22. 304Regina BENDIX. In Search of Authenticity: The Formation of Folklore Studies. By Regina Bendix.(Madison: University of Wisconsin Press, 1997), p. 3, cité par Ahmed SKOUNTI ET Ouidad TEBBAA, de l'immatérialité du patrimoine culturel, UNESCO, 2011, op. cit., P.22. Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 81 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun grande nostalgie ou exacerbe les identités, voir des formes de chauvinismes pouvant alimenter ou provoquer des conflits [...] »305. Cette protection passe par, « les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l'identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l'éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine »306. « L`action normative de l`UNESCO vise à accompagner et aider les États membres et les communautés détentrices du patrimoine culturel immatériel, à sauvegarder leur héritage qui devient de facto celui de toute l`humanité »307. Cette « nécessité de faire davantage prendre conscience, en particulier parmi les jeunes générations, de l'importance du patrimoine culturel immatériel et de sa sauvegarde »308, a amené le gouvernement Camerounais à inscrire dans son système éducatif l'enseignement sur les sciences et l'éducation à l'environnement qui, permettent aux apprenants de reconnaitre la manifestation de la vie animale et végétale et d'apprécier le vivant dans son unité et sa diversité. Cela développe également chez l'élève le gout et le respect de la nature, les pratiques de contrôle et de gestion rationnelle des ressources, de conservation et d'amélioration de l'environnement309. Le gouvernement Camerounais a toujours soit signé, soit ratifié les recommandations des institutions internationales en générale et ceux de l'Unesco en particulier, chaque fois qu'il y trouve un intérêt certain pour sa population. Il a toujours accordé un intérêt particulier à la protection et à la sauvegarde de l'environnement. À partir de la loi du 19 décembre 2000310, un intérêt est accordé au PCI, et en 2013, une nouvelle loi311 votée sur la question du patrimoine culturel du pays prend définitivement en compte la notion de PCI. Il donnera à cet effet une définition 312qui s'inspire de l'article 2.1 de la convention de l'Unesco sur la sauvegarde du PCI. Le Cameroun a adopté une définition très large des biens culturels faisant notamment référence, aux fêtes militaires, aux intrants culinaires locaux, aux psychothérapies traditionnelles, les acquis théoriques et pratiques dans les domaines des 305 Ibid. 306 Voir art. 2.3 De la Convention sur la sauvegarde du PCI (2003). 307 Ahmed SKOUNTI et Ouidad TEBBAA, de l'immatérialité du patrimoine culturel, UNESCO, 2011, op.cit. , P.30. 308 Convention de l'Unesco sur la sauvegarde du PCI, voir préambule. 309 Cf. loi n°98/004 du 4 avril 1998d'orientation de l'éducation au Cameroun. 310 Voir, Loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et aux droits voisins. 311 Loi n° 2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine culturel au Cameroun. 312 À l'issue de l'article 2 de la loi n° 2013/003, les biens culturels immatériels sont définis comme « tout événement, représentations, style, expression et pratique ainsi que les instruments, objets, artefacts, personnages et/ou espaces culturels qui leur sont associés, fondé sur les croyances, les connaissances et les savoirs faires de communautés, de groupes ou d'individu » Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 82 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun sciences, les connaissances et produits technologiques et aux savoir traditionnels313. Cet inventaire national du PCI est placé sous la charge du ministère des arts et de la culture, qu'il publie tous les cinq ans314. Leurs reconnaissances et leurs classifications se font sur sa demande, ainsi que des chefs des exécutifs des collectivités territoriales décentralisées ou du propriétaire du bien315. Dans le souci de se conformer à l'article 11 de la convention de l'Unesco sur la `'sauvegarde» du PCI, le gouvernement Camerounais reparti les biens matériels et immatériels en trois classes de protection316. Chaque classe entraine un régime de protection panaché de propriété intellectuelle et de patrimoine culturel. La subjectivité du PCI repose sur la nécessité de faire participer la communauté nationale en ce qui concerne l'identification, la conservation la préservation, la diffusion la protection et la sauvegarde du PCI. À cela, s'ajoute une autre nécessité qui est celle de faire participer la communauté internationale dans la mesure où, la notion centrale dans la reconnaissance d`un patrimoine mondial est, d'« une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu`elle transcende les frontières nationales et qu`elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures pour l`ensemble de l`humanité »317, et que la nécessité de sa viabilité incombe à tous d'où, l'objectivité de celui-ci. |
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