La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun.par Aliou GARGA Université de Ngaoundé - Master 2 2016 |
B- L'OBJECTIVITE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL (PCI)Dans son objectif de vouloir construire la paix dans l'esprit des hommes et des femmes318, l'Unesco en plus des mécanismes éducatifs et scientifiques et leurs implications à l'atteinte de cet objectif, va cette fois s'attarder sur la question de la notion de « diversité culturelle »319. Il y a lieu ici de noter que, cette déclaration fut adoptée à l'unanimité dans un contexte très particulier, celui des attentats du 11 septembre 2001. « Ce fut l'occasion pour les États de réaffirmer leur conviction 313 Voir art. 3.5 De la loi n° 2013/003 sur le patrimoine culturel au Cameroun. 314 Voir art. 11 (1) et (3) de la loi n°2013/003. 315 Voir art. 14 et 20 de la loi n°2013/003. 316 Voir art. 4 de la loi n° 2013/003. 317Comité du patrimoine mondial, Orientations devant guider la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine mondial, UNESCO, version de février 2008, paragraphe 48, cité par 317317 Ahmed SKOUNTI et Ouidad TEBBAA, de l'immatérialité du patrimoine culturel, UNESCO, 2011, op.cit., P.49. 318 Cf. préambule de la constitution de l'Unesco, op.cit. 319 Plusieurs textes sur la diversité culturelle verront le jour. Ce sont entre autres : la Recommandation de l'Unesco sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de 1989, la Déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle de 2001 et la Déclaration d'Istanbul de 2002 adoptée par la troisième Table ronde des ministres de la culture. Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 83 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun que, le dialogue interculturel constitue le meilleurs gage pour la paix, et de rejeter catégoriquement la thèse de conflits inéluctables de cultures et de civilisations »320. L'Unesco a à cet effet depuis 1950, à travers plusieurs dispositions321 fait allusion à la nécessité de sa préservation, et de sa promotion à l'échelle mondiale (1). Dans une autre mesure, nous essayerons d`analyser l`insertion du concept de développement durable dans les règles internationales de préservation du patrimoine culturel immatériel (2). 1- PROMOUVOIR LA DIVERSITE CULTURELLE, ETHNIQUE, LINGUISTIQUE ET RELIGIEUSE AINSI QUE LE DIALOGUE INTERCULTUREL POUR UNE CULTURE DE PAIX Bien que, « La notion de culture dans sa pleine et entière composition semble irréductible à la moindre définition »322, et que c'est une notion qui reste « indéfinissable »323 comme l'affirme si bien J.-M. PONTIER. l'Unesco dans sa convention de 2005 sur la diversité culturelle tout en s'inspirant des Définitions conformes aux conclusions de la Conférence mondiale sur les politiques culturelles (MONDIACULT, Mexico, 1982), de la Commission mondiale de la culture et du développement (Notre diversité créatrice, 1995), et de la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement (Stockholm, 1998), la considère pour sa part comme : « l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu'elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances »324. La diversité culturelle référerait donc tout simplement à la multiplicité des cultures ou des identités culturelles325. 320 Préface de l'ancien directeur général de l'Unesco Koïchiro Matsuura lors de la déclaration universelle de la diversité culturelle aux 31 sessions de la conférence générale de l'Unesco. 321Parmi lesquels, en particulier, l'Accord de Florence de 1950 et son Protocole de Nairobi de 1976, la Convention universelle sur le droit d'auteur de 1952, la Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale de 1966, la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux de 1978, la Recommandation relative à la condition de l'artiste de 1980 et la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de 1989. 322 Thierry Garcia & Annie Héritier, « La diversité culturelle à l'aune de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles », LEGICOM2006/2 (N° 36), p. 36. 323Pontier (J.-M.), « Le contentieux culturel devant le juge administratif », RDP, 1989, p. 1612; Pontier (J.-M.), Ricci (J.-C.), Bourdon (J.), Droit de la culture, Dalloz, coll. Précis, 1996, p. 5, cité par Thierry Garcia & Annie Héritier, « La diversité culturelle à l'aune de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles », LEGICOM2006/2 (N° 36), op.cit. , p. 36. 324 UNESCO, préambule de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, 2001. 325 Yvan Bernier, Unes controverse internationale sur la diversité culturelle à l'Unesco, 2005, p. 2. Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 84 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun « L'incompréhension mutuelle des peuples a toujours été, au cours de l'histoire, à l'origine de la suspicion et de la méfiance entre nations, par où leurs désaccords ont trop souvent dégénéré en guerre »326. Afin de remédier à cette incompréhension dans l'avenir, l'Unesco a choisi de mettre l'accent sur la diversité et la pluralité des identités. À cet effet, elle encourager les États membres dont le Cameroun à la protection de toutes les formes de patrimoines (PCI et PCM), ainsi qu'à la transmission, à la valorisation et à la promotion de la diversité culturelle afin de favoriser la venue d'une société plus équitable, inclusive et pacifique. « Cette diversité s'incarne dans l'originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l'humanité. Elle constitue le patrimoine commun de l'humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures »327. L'Unesco apporte son appui à la promotion de la diversité culturelle camerounaise, avec la participation dynamique d'acteurs de premier plan du monde de la culture. Ainsi, des projets tels que le dialogue interculturel, la culture de quartier, les rencontres théâtrales interafricaines, ont bénéficié des appuis de l'Organisation pour promouvoir la pratique du dialogue interculturel au quotidien entre différentes communautés national328. La diversité culturelle est un moyen de donner à toutes les voix, la possibilité de s'exprimer car, seul le dialogue peut aider à jeter des ponts et accroître la possibilité pour les individus partout dans le monde de vivre une vie plus juste, plus digne et pleine de sens. Le dialogue interculturel doit être pris en compte dans le système éducatif, surtout dans des disciplines comme l'histoire et la géographie qui doivent non seulement diffuser les valeurs culturelles nationales, mais aussi celles des autres civilisations. Les enseignants ont pour cela un rôle et une mission de transmettre et de veiller à ce que la diversité des apprenant soit une richesse pour eux, une occasion de pouvoir apprendre de l'autre, de mieux le connaitre dans sa manier de faire, de sentir et de penser. Il n'y a pas de respect de la diversité culturelle sans au préalable une réelle prise en compte du respect de la dignité, du droit, et des libertés fondamentales de l'homme en général, et surtout de celle des minorités et des peuples autochtones en particulier. La diversité créatrice qui s'exprime au sein de l'État doit pouvoir être garantie par des droits culturels qui donnent à toutes personnes le pouvoir de « s'exprimer, créer et diffuser ses oeuvres dans la langue de son choix et en particulier 326 Voir préambule de la constitution de l'Unesco. 327 Voir art. 1 de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, 2001. 328 UNESCO, La lettre de l'Unesco, n°8, bulletin d'information, 2ème semestre 2007, p.13. Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 85 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun dans sa langue maternelle »329, tout comme elles ont droit à « une éducation et une formation de qualité qui, respectent pleinement leur identités culturelles »330. La promotion de la diversité culturelle exige de même la mise en place au sein de chaque État, les outils nécessaires à sa diffusion d'où, l'importance de favoriser le pluralisme médiatique et linguistique, l'égalité d'accès aux expressions artistiques, aux savoir scientifiques et aux technologies de l'information et de la communication, ainsi que la garantie des droits d'auteurs et des artistes. « Chaque création puise aux racines des traditions culturelles, mais s'épanouit au contact des autres cultures. C'est pourquoi le patrimoine, sous toutes ses formes, doit être préservé, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l'expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité et d'inspirer un véritable dialogue entre les cultures »331. De nos jours, les actions répétées de l'homme et l'agressivité de la nature, portent atteintes au PCI favorisant ainsi sa détérioration. De peur de ne pas perdre cet héritage, une nécessité à son utilisation rationnelle s'impose d'où le développement durable. 2- PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL ET LA QUESTION DU DEVELOPPEMENT DURABLE Le premier instrument international qui fait réellement allusion au développement durable remonte en 1987 avec le rapport de Brundtland. En vertu de celui-ci, le développement durable a pour visée « de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures »332. L'homme est à la fois considéré comme celui-là qui contribue à la mise en valeur de la nature tout comme il est considéré comme le principal responsable des dommages causés à la planète. La communauté internationale constatant les méfaits des activités de ce dernier sur la biosphère333, décide de prôner le « développement écologiquement viable »334 dans les années 1970. 329 Voir Art. 5 de la déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle de 2001. 330 Cf. Art. 5 de la même déclaration. 331 Voir Art. 7 de la déclaration de l'Unesco sur la diversité culturelle de 2001. 332Rapport de la commission mondiale sur l'environnement et le développement « notre avenir à tous », doc. off. agnu, 42ème sess. , annexe, doc. nu a/42/427 (1987) ?rapport brundtland?, cité par Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, mémoire présenté, pour l`obtention du grade de maître en droit (l.l.m), l`université Laval, op.cit., p. 8. 333Conférence Internationale sur l'Usage et la Conservation de la Biosphère, Doc. UNESCO (1968). Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 86 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun Mémoire présenté par Aliou GARGA, en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en science politique Page 87 « Le patrimoine culturel est non seulement un instrument de paix et de réconciliation, mais aussi un facteur de développement »335 rappelle en 2002 M. Koïchiro MATSUURA, dans le cadre de l`Année des Nations Unies pour le patrimoine culturel. Ce que l`on entend dorénavant par développement est l`épanouissement et l`enrichissement de l`individu par l`intégration dans sa vie quotidienne des valeurs culturelles336. L'homme reste libre d'exercer sa capacité créatrice sa diffusion ceci dans le respect de son environnement naturel, culturel et social. La sauvegarde du PCI fait appel au respect de quelques principes parmi lesquels, le principe d'équité intergénérationnelle, la génération présente tout en faisant usage des biens de l'environnement, de la nature et de la culture doit le faire tout en tenant compte des générations futures, évitant ainsi de les mettre en périls. Il s'agit d'éviter tout conflit intergénérationnel et de savoir que l'exploitation des ressources naturelles est un processus de toute la vie. Le principe de conservation et d'utilisation durable, des ressources culturelles, le principe d'accès équitable, le principe d'intégration, le principe de précaution et prévention, le principe d'engagement du public, le principe de bonne gouvernance, le principe de sauvegarde des ressources culturelles menacées et le principe de conscientisation par l'éducation et la formation337. 334 Sylvie Brunel, Le développement durable, supra note 107 à la p 25, cité par Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, mémoire présenté, pour l`obtention du grade de maître en droit (l.l.m), l`université Laval, op.cit. , p. 7. 335UNESCO, Communiqué de presse 2002-18, « Année des Nations Unies pour le patrimoine culturel : priorité à la réconciliation et au développement » (2002), cité par Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, mémoire présenté, pour l`obtention du grade de maître en droit (l.l.m), l`université Laval, op.cit., p. 7. 336 Voir Rapport Notre diversité créatrice (1996), qui prévoit que « ?l?LI le développement dans cette deuxième optique est conçu comme un processus d`accroissement de la liberté effective offerte à ceux qui en bénéficient de poursuivre toute activité à laquelle ils ont des raisons d`attacher de la valeur. La pauvreté, dans ce sens, implique que font défaut non seulement les biens et les services essentiels mais aussi la possibilité de choisir une existence plus riche, plus satisfaisante, plus appréciable et plus appréciée ». 337L'identification et la présentation des principes de développement durable applicables au patrimoine culturel immatériel s'inspirent notamment de l'étude suivante : Véronique Guèvremont, Dimension culturelle du développement durable, en collaboration avec Géraud de Lassus Saint-Génies, Antoine Guibert, Sophie Lépine-Zaruba, Ivana Otasevic et Cécile Pilarski, Rapport de recherche présenté au Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec, Québec, 2010, 173 p. Voir également : Véronique Guèvremont, « Le développement durable: ce gène méconnu du droit international de la culture » (2012) 116:4 RGDIP aux pp 801 -834, Caecilia Alexandre, l'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, mémoire présenté, pour l`obtention du grade de maître en droit (l.l.m), l`université Laval, p. 34. 2016-2017 La contribution de l'Unesco à la promotion de la paix et la sécurité au Cameroun |
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