La répression des crimes internationaux face aux enjeux de la compétence universelle de la cour pénale internationale.par Chrispin BOTULU MAKITANO Université de Kisangani - Licence 2014 |
Section II. Les juridictions de poursuites des crimes internationauxLa répression des crimes internationaux s'inscrit dans le cadre d'une justice pénale internationale organisée au niveau national et au niveau international. §1. Les juridictions pénales nationalesLes crimes de Droit international sont des infractions pénales d'abord de la compétence interne. Or, en vertu du lien étroit entre le Droit pénal et la souveraineté des Etats, il appartient à ceux-ci de connaître des faits qui troublent la société. Si les crimes de Droit international ont été érigés en crimes affectant l'humanité entière, ils sont en premier lieu commis sur le territoire d'un Etat, par des nationaux et touchant les nationaux. Par conséquent, les juridictions nationales sont alors compétentes pour connaître ces infractions d'une part en vertu du principe de la territorialité et de la personnalité active ou passive, et d'autre part en vertu de la compétence universelle des Etats. A chacun de ces niveaux, les règles de compétence et de procédure seront celles de l'Etat concerné. En effet, il n'y a pas de règles internationales qui permettraient d'harmoniser la procédure entre les différentes juridictions nationales compétentes pour connaître des crimes internationaux. Un crime de droit international peut être réprimé par une juridiction nationale dans trois cas et selon trois principes distincts : dans le premier cas et selon le principe de la territorialité, sera compétente la juridiction nationale de l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis ; dans le deuxième ca et selon le principe de la personnalité active, sera compétente la juridiction nationale de l'Etat dont l'auteur est ressortissant ; et enfin dans le troisième cas et selon le principe de la personnalité passive, sera compétente la juridiction nationale de l'Etat d'origine de la victime. Et dans un souci de lutter contre l'impunité des crimes qui trop touchent l'ensemble de l'humanité, le concept de compétence universelle est venu combler les bases trop restrictives du droit pénal international, tels que les concepts de territorialité et de la personnalité active et passive. A cet effet, tout Etat est tenu de rechercher les auteurs de crimes de Droit international, soit de les poursuivre pénalement pour leurs faits, quelles que soient leurs nationalités ou celles des victimes et quels que soient les lieux de la commission des faits, ou soit d'extrader les auteurs, selon le Droit de l'Etat requis, vers tout Etat qui les réclame aux fins de poursuites.49(*) §2. Les juridictions pénales internationalesSi les juridictions nationales sont les premières garantes naturelles de la répression des crimes de Droit international, force était de constater, dans sa mise en oeuvre et en cours de l'histoire, qu'elles ne suffisaient plus. A cet effet, un nouvel élément dans les crimes concernés s'est développé, faisant de leur répression l'affaire de tous, donc de toute la communauté internationale. Les Etats voulaient dans un premier temps interdire ces crimes internationaux et, dans le second, faire respecter ces interdictions. Il était alors facile de concevoir l'idée de créer une juridiction pénale internationale compétente pour poursuivre et punir les coupables de ces crimes les plus graves à l'échelle mondiale. D'où, plusieurs tentatives en ont eu lieu, depuis les Tribunaux Pénaux Internationaux jusqu'à la Cour Pénale Internationale. A. Les Tribunaux Pénaux InternationauxLes événements de la première guerre mondiale ont conduit au projet d'une juridiction pénale internationale. Les puissances alliées inclurent dans le texte définitif du traité de paix signé à Versailles le 28 Juin 1919 l'instauration d'un tribunal international afin de juger l'ancien kaiser allemand Guillaume II et les grands criminels de guerre. Même si ce tribunal ne vit jamais le jour, il fit quand même prendre conscience que les auteurs des crimes graves concernant l'humanité devaient en répondre devant la Communauté Internationale.50(*) En effet, cette première ébauche de juridiction internationale était le fruit quasi exclusif d'une logique de pays affirmant leur suprématie politique et militaire et non pas le fruit d'une conscience collective et la nécessité d'instaurer une réponse juridictionnelle internationale aux crimes de même nature.51(*) Ainsi, seront créés progressivement les Tribunaux pénaux internationaux temporaires suite à plusieurs crimes internationaux un peu partout dans le monde. Cette initiative est celle de l'ONU, à l'instar des autres tribunaux pénaux spéciaux depuis lafin des guerres mondiales, notamment le Tribunal Pénal International de Nuremberg créé à la suite de ratification des Accords de Londres du 8 Août 1945, le Tribunal International de Tokyo créé le 19 Janvier 1946, etc., pour confier à ces tribunaux des compétences limitées et parfaitement définies. On y retient au total quatre Tribunaux : a. Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)52(*) Il est créé par les résolutions 808 et 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies en 1993 en vertu du chapitre VII pour juger les personnes, y compris les responsables politiques, ayant commis sur le territoire de l'ancienne République Yougoslave, et après le 1er Janvier 1991, l'une des premières atteintes suivantes au Droit International Humanitaire : crime contre l'humanité, génocide, violation des lois et coutumes de la guerre, torture, prise d'otage de civils, etc. Siégeant à la Haye aux Pays-Bas, il était composé de 11 juges permanents nommés par l'Assemblée Générale de l'ONU, et d'un Procureur indépendant. Il a officiellement fermé en Décembre 2017. Le bilan de son travail est mitigé : 48 accusés détenus, 31 faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, et 23 jugés. b. Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) Il est créé en 1994 par la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations Unies afin de juger les violations graves du Droit international commises sur le territoire rwandais, ou par des citoyens rwandais sur les territoires d'Etats voisins, au cour de l'année 1994. Situé à Arusha en Tanzanie, ce Tribunal était composé de 16 Magistrats permanents. Il fonctionnait de manière analogue au TPIY. Il a officiellement fermé en Décembre 2015. Après des débuts peu encourageants, 50 personnes sont cependant mises en accusation, plus de 40 sont détenues, et 9 sont jugées. c. Le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL) Il est créé le 16 Janvier 2002 en vue de juger les crimes commis durant la guerre civile de Sierra Leone. Il a également son siège à la Haye aux Pays-Bas. d. Le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) Il a été créé après l'assassinat de Rafiq Hariri le 14 Février 2005. Cet événement a pu provoquer une grave crise politique. Même si la Syrie a dû retirer ses troupes du Liban, il a été difficile de juger les responsables. Ce Tribunal a donc été créé par la résolution 1757 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Pour des raisons d'indépendance juridique, il siège à Leidschendam, près de la Haye aux Pays-Bas, avec un budget annuel de 30 millions de dollars pour trois ans, financé à 49% par le gouvernement libanais. Pour différentes raisons, plusieurs critiques ont été formulées à l'endroit de ces Tribunaux, notamment les procès sont excessivement longs et confrontés à d'importantes difficultés procédurales. * 49 Eric DAVID, Principe de droit des conflits armés, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 701. * 50 Eric DAVID, « Le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie », in Revue Belge de Droit International, Bruylant, Bruxelles, 1993, p. 566. * 51 William Bourdon, op. cit., p. 15. * 52 Chrispin Botulu Makitano, Droit Pénal International, op. cit. |
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