La répression des crimes internationaux face aux enjeux de la compétence universelle de la cour pénale internationale.par Chrispin BOTULU MAKITANO Université de Kisangani - Licence 2014 |
C. La paralysie du Conseil de Sécurité par le droit de vetoOn rappellera que le Conseil de Sécurité des Nations Unies constitue l'un des organes de saisine de la Cour Pénale Internationaleà l'égard d'une situation criminelle produite sur le territoire d'un Etat non partie au Statut de Rome et qui n'a pas accepté la compétence de la Cour Pénale Internationale et, c'est sur base du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. En effet, aux termes de l'article 24 de la Charte, il est conféré au Conseil de Sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la Sécurité internationales afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'organisation. Ainsi, le Conseil de Sécurité n'est soumis à aucune subordination à un organe quelconque des Nations Unies pour le maintien de la paix. Il dispose à cet effet d'un pouvoir discrétionnaire que de larges pouvoirs d'appréciation, étant le seul maître pour juger de l'opportunité d'une action. Il est donc le gendarme international du système de sécurité collective établi par la Charte.79(*) Le Conseil de Sécurité est composé de quinze Etats membres de l'Organisation : cinq siègent de manière permanenteavec le droit de veto (dont les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine) et dix sont élus par l'Assemblée Générale pour un mandat de deux ans à rotation continentale. Pour qu'une résolution soit adoptée, notamment la saisine de la Cour Pénale Internationale qui est une question de fond, celle-ci doit recueillirau moins neuf votes positifs sur les quinze votants du Conseil : un siège par membre, qu'il soit permanent ou non, représente une voix. Dans ce vote en revanche, il ne doit pas y avoir un vote négatif de la part d'un des cinq membres permanents. Si c'était le cas, la résolution serait bloquée, d'où le droit de veto. Sauf sur les questions de forme ou de procédure, seul le vote de neuf membres suffit. De par son acception, le droit de veto, du latin « veto » (j'interdis ou je m'oppose), est un droit accordé uniquement aux cinq Etats membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui leur permet de bloquer toute résolution ou décision, quelle que soit l'opinion majoritaire au Conseil. Sauf l'abstention et l'absence qui ne constituent en rien le veto. Historiquement, le système du veto a été établi pour protéger les intérêts des membres fondateurs des Nations Unies sortis victorieux de la seconde Guerre Mondiale et ayant versé beaucoup de sang pour libérer l'humanité du conflit universel. C'est à la Conférence de DumbartonOaksen 1944, qui a prévalu à la création de l'Organisation des Nations Unies, qu'il en a été décidé ainsi.80(*) Or, nulle part dans la Charte des Nations Unies figure le terme « veto ». L'article 27 qui organise la procédure de vote au Conseil de Sécurité dispose que sur toutes les questions autres que de procédure, les décisions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents à voter oui.C'est donc cette obligation de ne pas avoir un vote négatif d'un membre permanent qui a été résumée par le terme « veto ». De plus, le vote d'au moins neuf Etats membres sur les quinze votants pour une question de fonddoit s'opérer à l'unanimité duvote affirmatif de tous les cinq membres permanents. Cette unanimité doit être soit stricte ou soit fractionnée. Elle est stricte si tous les cinq ont voté positivement en faveur de la résolution. Tandis qu'elle est fractionnée si, parmi les cinq, il y a au moins une abstention ou une absence.81(*) Or, l'abstention et l'absence ne constituent aucun blocage pour l'adoption d'une résolution. C'est notamment le cas de la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité du 17 mars 2011 autorisant l'intervention militaire en Libye dans laquelle on a pu constater l'abstention de la Russie et de la Chine, sans bloquer son adoption. En définitive, la saisine de la Cour Pénale Internationale par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, étant une question de fond, doit nécessairement obéir aux modalités de vote telles qu'indiquées dans la Charte. Ainsi, en cas de vote négatif par l'un des membres permanents, c'est-à-dire en cas d'utilisation du droit de veto, la résolution sera bloquée, ce qui empêchera par conséquent la Cour d'exercer sa compétence à l'égardd'un crime international. * 79 Jean-Paul COT et al., La charte des Nations Unies : commentaires article par article, Economica, Paris, 1985, p. 451. * 80 Historique des vetos du 16 février 1946 au 15 juin 2009, disponible sur www.globalpolicy.org, consulté le 28/06/2018 à 16h30. * 81 Gilles Paris, « Vote à l'ONU sur la colonisation : l'ultime mise en garde d'Obama sur Israël », in Le Monde, Paris, Décembre 2016, p. 75. |
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