B. Les immunités
L'immunité est la protection juridique,
c'est-à-dire des garanties accordées à l'individu pour le
protéger des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions.
Mais le droit international ne reconnait pas ces immunités lorsque la
personne a commis des crimes graves de droit international.
a. Les immunités en droit
international
Depuis toujours, une pratique internationale, et d'ailleurs
largement en vigueur, reconnaissait des immunités totales aux Chefs
d'Etats en exercice. Cela explique pourquoi les plus grands dictateurs,
auteurs des crimes les plus graves, pouvaient continuer à circuler dans
n'importe quel Etat sans avoir à répondre de leurs actes ni
à s'en inquiéter. Cependant, la pratique des relations
internationales a permis, ces dernières années, en s'appuyant sur
les textes internationaux ainsi que sur la coutume internationale, de faire
évoluer les principes gouvernant les immunités accordées
aux auteurs des crimes internationaux.
Cette pratique internationale de libre circulation, et donc
cette impunité des criminels lorsqu'ils occupent des fonctions
étatiques, est d'autant plus étonnante que nombreux sont les
instruments internationaux en matière des droits de l'homme qui
consacrent au contraire la responsabilité personnelle pénale des
auteurs, quelle que soit leur qualité officielle, de violations graves
des droits de l'homme. On peut citer notamment le Traité De Versailles
du 28 juin 1919, le Statut du Tribunal Militaire de Nuremberg, le Statut du
Tribunal Militaire International de Tokyo, la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide du 09
décembre 1948, les Tribunaux Pénaux Internationaux ad hoc pour
l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, etc., qui ont mis en application le
principe de l'absence d'immunité d'un Chef d'Etat même en
exercice.
Dans le même sens, l'article 27 du Statut de Rome
souligne que le Statut s'applique à tous de manière égale,
sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En
particulier, la qualité officielle de Chef d'Etat ou de Gouvernement, de
membre d'un Gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu
ou d'agent d'un Etat, n'exonère en aucun cas de la responsabilité
pénale au regard du Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que
telle un motif de réduction de la peine.
Les immunités ou règles de procédures
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle
d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à
l'égard de cette personne.
b. Les immunités en jurisprudence
internationale
Dans un différend opposant la République
Démocratique du Congo à la Belgique sur l'affaire Yerodia
NDOMBASI, alors Ministre des affaires étrangères congolais, la
Cour Internationale de Justice de la Haye a tranché que les fonctions
d'un Ministre des affaires étrangères sont telles que, pour la
durée de sa charge, il bénéficie d'une immunité de
juridiction pénale et d'une inviolabilité totales à
l'étranger.
Ce qu'on peut tirer de cette position de la Cour, c'est que
l'immunité ne bénéficie au dirigeant que pour la
durée de sa charge, c'est-à-dire pendant l'exercice de ses
fonctions, et il pourra donc être poursuivi le cas échéant
à la fin de l'exercice de ses fonctions. Mais pendant l'exercice de ses
fonctions, cette immunité est totale et ne peut être
refusée au dirigeant même si les actes dont il est auteur sont
présumés constituer des crimes internationaux.
En outre, il paraît nécessaire, au vu de cette
décision de la Cour, d'établir une distinction entre
l'opposabilité de l'immunité devant une juridiction
internationale et devant les juridictions nationales. Si l'immunité est
toujours refusée devant une juridiction internationale, notamment la
Cour Pénale Internationale et les deux Tribunaux Pénaux
Internationaux ad hoc, elle doit être accordée devant les
juridictions nationales. Cela pose évidemment un sérieux
problème pour l'exercice par les juges nationaux de la compétence
universelle puisque toute personne occupant une fonction officielle et en
exercice pourra opposer à ces juridictions cette fameuse
immunité.
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