La répression des crimes internationaux face aux enjeux de la compétence universelle de la cour pénale internationale.par Chrispin BOTULU MAKITANO Université de Kisangani - Licence 2014 |
Section II. Problématique de la répression des crimes internationaux§1. Les obstacles d'application du principe de la compétence universelleLes difficultés d'application de ce principe dit de la compétence universelle sont réelles et les obstacles sont matériels, juridiques et politiques, ce qui rend la lutte contre les crimes internationaux inefficace. On doit noter que les systèmes juridiques sont hétérogènes de la part du monde, raison pour laquelle l'un doit primer sur l'autre et inversement. Il s'agit du sens de la justice pour une société, la partialité n'étant pas absente dans ce type de procès. L'abstraction très souvent utilisée de juger au nom de l'humanité semble un peu trop rapidement régler un problème beaucoup plus profond.77(*) Les difficultés de juger sont rencontrées par les juridictions internes qui peuvent avoir des moyens mais limités et qui sont censés réunir des preuves matérielles, obtenir des témoignages, mener une véritable enquête alors que les faits se sont passés à l'étranger, et sans oublier le manque de coopération de certains Etats qui laisse supposer une enquête difficile.78(*) Sur le plan juridique, la mise en oeuvre de la compétence universelle exige des juges et autres acteurs du procès des connaissances détaillées du corpus normatif d'un droit différent de celui dont ils ont l'habitude de côtoyer et tout cela dans un temps limité. En outre, les obstacles les plus couramment rencontrés à l'exercice effectif de poursuites sont attachés aux suspects, présumés auteurs des crimes. Il s'agit principalement de l'amnistie, la grâce et les immunités. A. L'amnistie et la grâceLa lutte contre l'impunité implique de poursuivre les auteurs de crimes internationaux qui, malgré les exactions commises, ont réussi à échapper à leur justice nationale, grâce notamment à des lois d'amnistie générale ou personnelle, ou par la continuité d'un régime de terreur. La grâce ne doit pas être confondue à l'amnistie. D'abord l'amnistie est une loi, donc l'oeuvre de l'organe législatif, qui efface les condamnations pénales prononcées, tandis que la grâce est une mesure réglementaire individuelle ou collective appartenant au seul Chef de l'Etat qui dispense d'exécuter la peine, sans nécessairement effacer les condamnations pénales. a. L'amnistie en droit international C'est surtout pour les violations des droits de l'homme les plus graves que s'est posée la question de l'impunité de leurs auteurs. Il ressort de la doctrine et de la jurisprudence internationales quasi constantes que les lois d'amnistie, ayant pour objet d'effacer les crimes les plus graves, sont incompatibles avec le droit international des droits de l'homme et que les conséquences juridiques de telles lois d'amnistie font partie d'une politique générale de violation des droits de l'homme. A ce titre, l'amnistie, non seulement n'est pas opposable aux victimes des crimes commis, mais en outre est contraire aux obligations internationales de l'Etat qui l'a promulguée. De ce sens, un important corpus juridique vient à l'appui à ce principe : ü Dans l'ensemble des principes des Nations Unies pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité, le principe 18 énonce notamment que « l'impunité constitue un manquement aux obligations qu'ont les Etats... ». Le principe 23 également précise que « des garanties doivent être apportées contre les déviations résultant de l'utilisation à des fins d'impunité de la prescription, de l'amnistie, du droit d'asile, du refus d'extradition, de l'absence de procédure in abstentia, de l'obéissance due, des législations sur les repentis, de la compétence des tribunaux militaires, ainsi que du principe d'inamovibilité des juges ». ü La déclaration finale adoptée lors de la Conférence Mondiale sur les Droits de l'Homme tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993 édicte notamment que « l'une des violations les plus atroces de la dignité humaine est l'acte de torture qui a pour conséquence d'ôter la dignité à la victime et de porter atteinte à sa capacité de vivre et de poursuivre ses activités normalement. Par conséquent, les Etats devraient abroger les lois qui assurent en fait l'impunité aux responsables de ces violations et devraient les poursuivre pour les punir sur des bases solides ». Ce raisonnement, s'il est en effet valable pour le crime de torture, l'est a fortiori pour les crimes les plus graves comme les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. En réalité, le fait de retenir l'applicabilité d'une loi d'amnistie conduirait à priver les victimes de leur droit de recours à une justice effective et reviendrait pour l'Etat qui la retiendrait à violer les obligations internationales coutumières et conventionnelles en matière de droits de l'homme. C'est également pour éviter toute situation d'impunité que les accords de paix de Dayton prévoient le principe d'une amnistie, mais à l'exception des violations du droit international humanitaire incriminées dans le Statut du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie. En outre, s'agissant de l'amnistie des crimes contre l'humanité, il y aurait incohérence majeure à pouvoir amnistier des crimes que l'ensemble de l'ordre juridique international a reconnus imprescriptibles. L'impunité, qu'elle soit de fait ou qu'elle résulte d'un ordre législatif ou administratif comme celui résultant de l'amnistie, constitue une entrave au maintien de l'autorité de la loi et constitue le facteur qui contribue le plus à perpétuer des violations très graves des droits de l'homme. C'est pourquoi, la communauté internationale doit veiller à ce que les auteurs de ces violations soient poursuivis pour les crimes qu'ils sont présumés avoir commis. b. La grâce en droit international La grâce a des conséquences moins radicales que l'amnistie, mais peut empêcher un condamné d'exécuter tout ou partie de sa peine, et priver par conséquent de réaliser la condamnation d'une personne qui s'est rendue coupable d'un crime international. La grâce est par définition une mesure d'ordre national et qui ne devrait pas apparaître en droit international. Elle est cependant évoquée en droit international lorsqu'elle est utilisée pour faire obstacle à une justice effective. En effet, le Statut de la Cour Pénale Internationale a imaginé que certains Etats pourraient vouloir soustraire leurs ressortissants de la compétence de la Cour. Or, en vertu des principes de complémentarité etnon bis in idem, un Etat pourrait tout à fait imaginer juger un criminel puis le faire bénéficier d'une mesure de grâce afin de lui rendre sa liberté dans des délais très courts. C'est pour éviter ce genre d'abus que la Cour pénale, dans ses articles 17 à 20, a prévu de pouvoir se saisir dans le cas où la procédure nationale aurait pour but de soustraire le présumé criminel de sa responsabilité. * 77 Qu'est-ce que la compétence universelle des tribunaux nationaux ?, disponible sur http://www.trialch.org/index.php?id=44, consulté le 14/06/2018 à 14h20. * 78 Mariano Anar GOMEZ, « Vers un nouveau droit pénal international », in REMALD, n°26, 2011, p. 37. |
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