La répression des crimes internationaux face aux enjeux de la compétence universelle de la cour pénale internationale.par Chrispin BOTULU MAKITANO Université de Kisangani - Licence 2014 |
§3. Les Etats et la compétence universelleOn pourra rappeler que les premiers mécanismes dits de compétence universelle ont été dictés non pas aux fins d'assurer la poursuite des crimes dits internationaux mais dans le souci d'assurer la protection de certains des intérêts fondamentaux des Etats. Ainsi, la première infraction qui a donné lieu à la compétence universelle a été la piraterie en haute mer : il résultait, d'abord du Droit international coutumier et ensuite du Droit conventionnel fixé par la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer, que tout Etat était autorisé à exercer sa compétence à l'égard d'actes commis par un pirate qui se trouverait sur son territoire.61(*) La très grande majorité des Etats ont ratifié les quatre Conventions de Genève du 12 Août 1949 et la Convention du 10 Décembre 1984 contre la torture. Pour autant, peu d'entre eux ont adapté leur législation nationale de façon à y incorporer l'obligation de participer à la lutte contre l'impunité. En outre, quelques-uns ont adopté des définitions internationales plus larges ou plus étroites que ces Conventions, ce qui est et sera à l'origine de nombreuses difficultés.62(*) De nombreux autres Etats, s'ils ont incorporé dans leur loi nationale les mécanismes de compétence universelle édictés par les Conventions de Genève, l'ont fait alors même que ces Conventions ne l'exigeaient pas et en rappelant que leur application était subordonnée à un critère de territorialité. D'aucuns craignent en effet que, le mieux étant l'ennemi du bien, une extension excessive du mécanisme de compétence universelle n'aboutisse à ce que n'importe quel juge puisse se déclarer compétent dès lors que sont dénoncés des crimes internationaux, sans autres critères que l'intervention d'une victime, quelle que soit sa nationalité. Le critère de la territorialité semble relativement décisif et essentiel pour que puisse être envisagée une harmonisation à l'échelon de la planète des législations nationales et éviter de donner des prétextes aux Etats pour continuer à se montrer récalcitrants. D'où, un Etat qui a ratifié une Convention internationale comportant un mécanisme de compétence universelle et qui a incorporé celui-ci dans sa législation interne a l'obligation de poursuivre même si, à la date à laquelle ont été commis les faits dénoncés, n'existait pas une incrimination correspondant exactement à ces faits.63(*) L'obligation de poursuivre résulte de la ratification de la Convention internationale et de son incorporation dans l'ordre interne. En outre, quand on analyse le comportement des Etats depuis qu'ont été édictés les premiers mécanismes de compétence, et notamment les articles pertinents des Conventions de Genève du 12 Août 1949, on découvre que, pour la plupart, ils répugnent à les incorporer dans leur législation et que, quand ils le font, ils restent très timorés dans leur application, lorsqu'il s'agit par exemple d'engager des poursuites, même lorsqu'un présumé criminel international se trouve sur leur territoire. Mais dans l'immense majorité des cas ces dernières années, le déclenchement de poursuites à l'encontre des présumés responsables de crimes internationaux, a été initié par des victimes ou par des organisations internationales de défense des droits de l'homme. De plus, quand les autorités policières et judiciaires locales acceptent de déclencher des enquêtes, elles ne se donnent pas nécessairement les moyens de recueillir les preuves ni de diligenter les commissions rogatoires internationales. Il ne suffit donc pas d'appliquer les textes, encore faut-il que les juges nationaux aient la compétence et les moyens nécessaires pour poursuivre efficacement leurs investigations, ce qui est loin d'être le cas. * 61 La Convention des Nations Unies dite de Montego Bay du 10 Décembre 1982 sur le droit de la mer, article 105. * 62 William Bourdon, op. cit., p. 316. * 63 Idem, p. 318. |
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