La répression des crimes internationaux face aux enjeux de la compétence universelle de la cour pénale internationale.par Chrispin BOTULU MAKITANO Université de Kisangani - Licence 2014 |
II. ProblématiqueLa problématique est définie comme étant l'ensemble d'éléments ou d'informations formant le problème de l'étude.7(*) Elle est l'angle sous lequel les phénomènes sont étudiés et la manière dont ils sont interrogés. Elle est également une étude qui suppose l'existence d'un problème que le chercheur constate par son observation.8(*) Certes, avant la première guerre mondiale, les Etats ont recouru à la guerre pour résoudre les conflits qui les opposaient, la considérant comme un acte licite et un moyen acceptable pour régler les différends. Ce qui expliquerait donc la faisabilité de la guerre sans norme ni loi, l'idée étant d'anéantir l'adversaire et cela par tout moyen possible.9(*) Or, depuis les Conventions de Genève du 22 Août 1854 et de Saint-Pétersbourg du11 Décembre 1868, il était question de l'amélioration des conditions des militaires blessés sur les champs de bataille. Il y étaitégalement question d'atténuer autant que possible les calamités de la guerre et d'interdire l'emploi des armes et des méthodes de la guerre qui seraient contraires aux lois de l'humanité. Ce sont donc les premiers textes officiels qui ont évoqué la nécessité de concilier les exigences de la guerre avec les lois de l'humanité.10(*) En outre, les conventions de La Haye des 29 Juillet 1899 et 18 Octobre 1907 ont ensuite prévu que, même en temps de guerre, les populations civiles et les belligérants resteront sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens tels qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique. Il s'est agi de la première esquisse d'un droit humanitaire, c'est-à-dire de la définition d'obligations auxquelles les Etats acceptent de se plier, fondées sur l'existence des lois immanentes, véritable antichambre des valeurs universelles.11(*) En effet, même si dans tous les cas le recours à la guerre est admis sous diverses raisons, il est établi qu'il doit se passer dans le respect de certaines règles régissant la conduite des hostilités et le comportement des combattants et, par conséquent, la violation de toutes ces lois sur le droit d'exercer la guerre constitue en réalité de véritables bavures criminelles à l'échelle mondiale, donc des crimes internationaux, qui pourront nécessiter un questionnement particulier sous l'idée de rétablir l'équilibre mondial, dans la mise en oeuvre des modalités de la répression. C'est dans cette optique qu'a été créée la Cour Pénale Internationalepour punir les auteurs de ces graves violations des droits et coutumes de la guerre. Les crimes de Droit International sont des crimes qui touchent l'ensemble de la communauté internationale et leur répression est encore visée par le Droit Pénal International. La lutte contre l'impunité de ces crimes et leur répression demeurent encore deux buts que la Communauté Internationale s'était fixée après les deux guerres mondiales. Ce qui fait que les Etats se montrent de plus en plus actifs dans l'exercice de leur compétence universelle à l'égard de ces crimes considérés comme particulièrement graves et portant atteinte à la Communauté Internationale dans son ensemble. Ces considérations marquent sans doute le début d'un processus d'universalisation de la répression.12(*) Mais un tel processus semblecomporter en lui-même les germes d'un certain paradoxe en ce qu'il met aux prises deux catégories d'acteurs dont les titres de compétence les placent dans une situation concurrentielle, voire conflictuelle. Face aux crimes internationaux, il s'agit moins de restaurer un ordre mondial qui n'existe pas, que de contribuer à l'instauration d'un ordre futur qui se cherche encore. Malgré l'évolution de quelques années dernières concernant les traités, accords et conventions mis au point afin d'éviter ou de réduire ces atrocités criminelles sur le plan international, on entend encore parler d'horreurs inimaginables partout dans le monde. Et en lecture des conventions internationales sur la répression, la prévention et l'imprescriptibilité des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et le génocide, il s'avère que bon nombre des présumés responsables des massacres des Arméniens et Juifs n'ont jamais été punis comme il faut. La prolongation à des telles situations a fait apparaître l'impuissance de la Communauté Internationale à y mettre fin et favorise l'impunité à laquelle on assiste aujourd'hui.13(*) Et dès lors, on se pose la question sur la réelle efficacité de tous ces traités pour réprimer les crimes internationaux. Aussi, la décision autoritaire du Conseil de Sécurité des Nations Unies a pour effet de lier immédiatement l'ensemble des Etats membres, mais les Tribunaux Pénaux Internationaux ont consisté en des juridictions circonstancielles. Et dans l'accomplissement de leur mission, ils ont manifesté des imperfections dans leur travail, notamment en l'absence de coopération dans l'arrestation des présumés criminels accusés, bref dans leur mission de rendre justice. En toute évidence, l'humanité a reçu mission de préserver la quiétude sociale sur tous les secteurs de la vie, notamment préserver la paix et la sécurité internationales. Et cette préservation doit se réaliser grâce à la justice pénale internationale qui permettra de traquer les criminels dans tous les coins du monde.Lorsqu'on évoque la thématique de la justice pénale internationale, il s'agit de la répression à l'échelle internationale des crimes les plus graves.14(*) La criminalité internationale demeure à ce jour un pari non encore gagné du fait des mécanismes irréalistes mis en place dans son traitement, et surtout quant à la compétence des juridictions censées en jouer le rôle répressif. Or, en plus des juridictions nationales qui se trouvent dans l'impossibilité de juger certains nationaux pour des positions politiques, sociales ou économiques, il a été reconnu aux juridictions internationales la compétence universelle de juger tout criminel, nonobstant sa nationalité et la territorialité de ses actes.Il était également question de la création de certaines juridictions pénales internationales à compétence restreinte et pour des crimes bien déterminés, notamment la mise sur pied des Tribunaux Pénaux Internationaux ad hoc, avec des statuts particuliers, mais appelés à disparaître une fois au terme de leur mission, pour répondre quelque peu à cette nécessité. Et la principale inquiétude serait celle de fixer le sort des criminels non encore punis après la disparition de ces tribunaux. Donc pour y arriver, on doit observer certains mécanismes procéduraux sur l'arrestation et l'extradition ou le transfert du criminel. De même, à l'instar de la compétence universelle, la Cour Pénale Internationale, pouvant jouer efficacement ce rôle, est limitée sur les modalités de sa saisine, ce qui pourrait encore et surtout même influencer la permanence et l'universalité de l'impunité. Elle est saisie par un Etat partie ou non partie, le cas échéant, par l'initiative du Procureur près la Cour ou, à défaut, par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.15(*) Mais malgré tous ces dispositifs, les réalités politiques, économiques, voire diplomatiques, viennent entacher la lutte contre l'impunité, étant donné que certains criminels semblent être protégés par les mêmes organes habilités à déclencher leurs poursuites à l'échelle mondiale, notamment les lois d'amnistie, la grâce présidentielle ou les immunités pénales. Il est également à noter que la question de la compétence universelle est primordiale au point de permettre à déterminer devant quelle juridiction trainer un criminel. C'est aussi dans ce cadre que le Statut de Rome affirme que les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la Communauté Internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit effectivement être assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale de manière à mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces crimes et concourir ainsi à la prévention des nouveaux crimes.16(*) Mais déjà, cette thèse de la coopération entre la Cour et les Etas contre les crimes, voire aussi entre les Etats eux-mêmes, demeure une préoccupation sur les enjeux de son effectivité. Les enjeux relatifs à la coopération ont principalement été abordés lors d'une séance plénière de la 12ième session de l'Assemblée des Etats Parties entièrement dédiée à la coopération, d'où il a été rappelé le rôle vital de la coopération des Etats parties et des organisations internationales et régionales avec la Cour pour lui permettre de réaliser pleinement son mandat. Ce qui, par contre, pourrait affecter directement la crédibilité et l'efficacité de la Cour.17(*) Les intérêts politiques, économiques, diplomatiques, y compris le manque de coopération efficace, sont source de la montée de la criminalité internationale, car les auteurs, bien protégés, ne se sentent inquiétés de rien sur le plan judiciaire ; c'est notamment le cas du Président Soudanais Omar El-Béchir qui circule librement, alors qu'un mandat d'arrêt international a été déjà lancé à son encontre, mais faute de coopération à l'origine de son inexécution. C'est de même pour la crise armée Syrienne qui a fait des milliers de morts, alors que les auteurs sont protégés par les Etats disposant du droit de veto au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies. C'est aussi pour certains insurgés congolais qui défilent librement dans des rues du Rwanda sans être inquiétés ;la répression barbare menée par l'armée Israélienne contre la faction Hamas dans la Bande de Gaza en Palestine qui demeure jusqu'à ce jour une justification de légitime défense, etc. Tous ces crimes ne pouvaient demeurer impunis, car ils rentrent dans l'objet du Droit Pénal International, avec même comme garde-fou la compétence universelle afin de permettre la traque des criminels à tous les échelons de la classe mondiale, étant donné que la répression nationale reste la règle et la répression internationale reste l'exception.18(*) Il sied de rappeler également la problématique de la mise en oeuvre du principe de la compétence universelle, étant donné que la souveraineté nationale des Etats se situe très souvent dans la droite ligne de la répression, malgré les insuffisances ou le manque de volonté. Mais en réalité, la notion de l'extranéité de la loi pénale serait de mise une fois le criminel recherché se retrouve sur un territoire étranger, et que son extradition susciterait un accord entre l'Etat requis et l'Etat requérant. Sous cet aspect, la compétence universelle autoriserait l'Etat sur le territoire duquel se trouve actuellement le criminel de déclencher les poursuites et le juger. Or, sur base de la territorialité des faits, il y a tendance de soulever l'empiétement de la souveraineté nationale, ce qui occasionnerait en effet une divergence quant à la répression des crimes internationaux. Face à cette réflexion qui semble ne pas trouver solution au problème au niveau des recherches, une question principale mérite d'être soulevée ici : quels sont les enjeux juridiques de la compétence universelle de la Cour Pénale Internationale en matière de la répression des crimes internationaux ? Outre la question principale, deux autres questions spécifiques viennent centrer le fondement du problème : ü Quels sont les défis juridiques de la compétence universelle de la Cour Pénale Internationale en matière de la répression des crimes internationaux ? ü Comment concilier l'efficacité du principe de la compétence universelle de la Cour Pénale Internationale en matière de la répression des crimes internationaux face aux aléas politiques du Conseil de Sécurité des Nations Unies ? Toutes ces questions constituent dans l'affirmative le point focal de cette étude et les réponses provisoires s'inscrivent dans les lignes du point suivant. * 7 OTEMIKONGO MANDEFU, J., Initiation à la recherche scientifique, cours inédit, G2 Droit, UNIKIS, 2010-2011. * 8 ISANGO IDI WANZILA, Méthode des travaux scientifiques, cours inédit, G1 SPA, UNILU, Lubumbashi, 2003. * 9 CICR, Droit international humanitaire, réponses à vos questions, seconde édition, Février 2004, p. 14. * 10 William Bourdon, La Cour Pénale Internationale : le Statut de Rome, Editions du Seuil, Paris 6, 2000, p. 13. * 11 William Bourdon, op. cit., pp. 13-14. * 12 ESSODOMDOO MAKPAWO, op. cit., p. 2. * 13 Aristide MUTABARUKA, op. cit., p. 5. * 14 ANDELA, M., « Les règles de compétence en matière de justice pénale internationale », in Droit International Pénal, n° 3, Paris, Novembre 2010, p. 2. * 15 Chrispin Botulu Makitano, Droit Pénal International, manuscrits de cours inédit, L1 Droit, ULB, 2016-2017. * 16 Le préambule du Statut de Rome portant organisation de la Cour Pénale Internationale. * 17 Jessy GELINAS, La responsabilité des Etats en matière de coopération avec la CPI : retour sur les discussions de la 12ième AEP, CDIPH, Université Laval, Paris, 2013, p. 1. * 18 ASCENSIO, H. et al., Droit international pénal, Pédone, Paris, 2000, p. 871. |
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