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Les mesures fiscales incitatives dans l'espace UEMOA. Le cas du Sénégal.


par Daouda DIALLO
Université Dakar Bourguiba - Master 2 2017
  

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DEUXIEME PARTIE : LES LIMITES DES MESURES FISCALES INCITATIVES.

La politique fiscale n'est pas une science exacte. La gestion des recettes fiscales ne reflète pas toujours la qualité du système fiscal55, cela est dû à des contraintes que l'agent économique rencontre dans l'exercice de ses activités.

Ainsi, nous n'avons pas toujours les ressources humaines nécessaires en quantité et en qualité. L'une des solutions fréquemment évoquée et utilisée est la fiscalité. C'est la voie que beaucoup de pays ont emprunté. Mais au regard des résultats obtenus, on peut s'interroger sur l'efficacité de l'instrument fiscal.

Les rôles que l'on attribue traditionnellement à la fiscalité sont financiers, économique et social. Ce sont les critères du développement. Sur le plan financier, le système fiscal doit être en mesure de trouver les ressources nécessaires au fonctionnement de l'Etat, comme une entreprise a besoin de recettes pour payer par exemple les salaires et assurer ses investissements. Sur le plan économique, il est demandé á la fiscalité d'être capable d'attirer les investisseurs, aussi bien nationaux qu'internationaux. Ces investisseurs doivent créer des emplois par les embauches et in fine augmenter la richesse nationale. Sur le plan social, les animateurs du système fiscal doivent en faire un instrument de redistribution des revenus, un outil à la disposition des pouvoirs publics pour une équité dans les revenus qui sont distribués aux travailleurs.

L'action économique sélective par le biais des incitations ou des aides fiscales n'est pas nécessairement efficace. On a pu ainsi observer que les incitations à investir, outre le fait qu'elles pouvaient favoriser les investissements les moins rentables, étaient d'une portée limitée dans la mesure où elles n'entraînaient le plus souvent qu'une simple anticipation des investissements, avec un faible effet sur le volume de l'investissement lui-même. Cela a d'ailleurs conduit de nombreux législateurs à préférer baisser directement le taux de l'imposition des bénéfices et à intervenir ainsi plus globalement sur les conditions économiques de l'investissement.

C'est dans ce contexte que nous allons mettre l'accent sur les limites d'ordre interne au premier chapitre, avant d'aborder ceux d'ordre externe au deuxième chapitre.

55 EL HADJ DIALIGUE BA, Op cit page 57

Daouda DIALLO, Master 2 Droit de l'Ingénierie Financière et Fiscale Page 49

CHAPITRE I : LES LIMITES D'ORDRE INTERNE

Selon les économistes les plus avertis, un bon impôt est celui qui est juste, équitable, non confiscatoire et non pénalisant. L'impôt doit trouver sa justification dans ses fonctions distributives, autrement dit, l'impôt doit servir l'intérêt de la communauté. Un bon impôt servirait non seulement au financement des services publics, mais réduirait le fossé de l'inégalité entre les différentes classes sociales au sein d'un Etat.

L'impôt s'applique à des personnes physiques et a des structures animés par des personnes physiques. Ce qui entraine une dose de subjectivité dans l'élaboration et l'analyse de la politique fiscale. Le comportement du contribuable peut ainsi avoir un impact sur la politique fiscale.

Les pouvoirs publics disposent de marges de manoeuvre limitées pour mener leur politique fiscale. Différentes contraintes de nature économique, culturelle ou institutionnelle peuvent en effet intervenir, réduisant la capacité de la politique fiscale à atteindre ses objectifs, ou limitant son ampleur. L'impôt peut également engendrer des effets non désirés qui altèrent en retour les mécanismes économiques.

Il existe des limites à la fois sociologiques et juridiques tendant à relativiser l'efficacité de la politique fiscale. C'est limites d'ordre interne concernent non seulement les comportements de l'agent économique (section 1), mais aussi au fonctionnement de l'administration fiscale (section 2)

Section 1 : les limites liées aux comportements de l'agent économique

Il est incontestable que l'impôt constitue un point d'appui important que les pouvoirs publics utilisent dans leurs stratégies de développement. En tant que charge pour l'entreprise, son montant, les conditions de son recouvrement et les modalités de sa détermination sont analysés avec beaucoup d'attention par l'entrepreneur et par l'investisseur. L'impôt réduit le pouvoir d'achat du salarié, dans le sens qu'il diminue le montant de ses revenus.

Ainsi, face à la charge fiscale, l'agent économique peut être tenté de réagir de différentes manières.

Daouda DIALLO, Master 2 Droit de l'Ingénierie Financière et Fiscale Page 50

En d'autres termes, pour mieux aborder les limites liées aux comportements de l'agent économique nous allons voir en paragraphe premier la fuite devant l'impôt ensuite la répercussion de l'impôt au second paragraphe.

Paragraphe 1 : la fuite devant l'impôt

Le phénomène de la fuite devant l'impôt est important, même s'il est par définition difficile de le mesurer exactement.

Il convient d'en rechercher les causes, d'en préciser les formes avant d'en trouver les remèdes. L'impôt est par définition l'expression d'une contrainte et la tentation de résister à toute contrainte existe chez tout individu. Cette résistance est d'autant plus grande que le gain matériel peut être important.

Mais, cette résistance à la contrainte fiscale56 peut aussi résulter de la transformation d'une résistance à la contrainte politique.

La fuite devant l'impôt s'explique aussi par des raisons liées à l'impôt lui-même et au système fiscal. L'excès de la pression fiscale, les failles du système fiscal peuvent expliquer le phénomène.

Ainsi, dans le passé, le refus de l'impôt a souvent pris la forme d'une contestation violente, celle des révoltes fiscales.

De ce fait, le contribuable peut être tenté d'échapper à l'impôt en ne le payant pas. Dans ce cas il y'a fuite devant l'impôt. Il existe plusieurs formes pour échapper à l'impôt mais nous illustrons seulement les plus connus qui sont la fraude (A) et l'évasion fiscale (B).

A- La fraude fiscale

La problématique de la fraude fiscale est à l'image d'un phénomène complexe. Elle Apparaît comme une limite au pouvoir d'imposer et implique dès lors la confrontation des Contribuables et de l'Etat. En contrariant la collecte des ressources étatiques elle constitue un sujet d'inquiétude pour les gouvernements. Cette inquiétude est de plusieurs ordres.

Par définition nous dirons que la « fraude fiscale suppose un acte intentionnel de la part du contribuable, décidé à contourner la loi pour éluder le paiement du prélèvement, il y'a fraude dès lors qu'il s'agit d'un comportement délictuel délibéré ». Le lexique des termes juridiques

56 Une contrainte fiscale est le dernier rappel envoyé par l'administration fiscale (SPF Finances) au contribuable qui n'a pas payé ses impôts à l'échéance.

Daouda DIALLO, Master 2 Droit de l'Ingénierie Financière et Fiscale Page 51

à définit la fraude fiscale comme une « violation direct et volontaire de la loi fiscale57. Elle est donc un sous-ensemble de l'irrégularité »58. Elle revêt d'abord une dimension purement financière car la fraude génère une perte de ressources Fiscales. Elle contraint aussi la répartition équitable du fardeau du financement public entre les contribuables en accroissant la charge de ceux qui demeurent honnêtes. En d'autres termes, la fraude contrarie à la fois l'efficacité et l'équité de la collecte des ressources publiques. Elle traduit également les lacunes du contrôle qu'exercent les pouvoirs publics sur les agents privés et témoigne de la méconnaissance des causes et des schémas par lesquels les contribuables éludent l'impôt.

Ainsi, La mise en oeuvre du principe d'égalité devant l'impôt est remis en cause par la fraude et l'évasion fiscales. La médiatisation des affaires retentissantes de fraude ou d'évasion fiscales de personnalités venant du monde économique, sportif, culturel et même politique peut donner le sentiment d'une démission du pouvoir pour réprimer ces délits même si comme le soulignait Georges Pompidou59, "la fraude étant à l'impôt ce que l'ombre est à l'homme".

De plus, si l'application de la loi devient inéquitable, l'obligation fiscale pèse nécessairement plus fortement sur un nombre réduit des contribuables. Il peut, dès lors, en résulter une vive opposition contre les services fiscaux et contre le principe même de la nécessité d'une contribution commune.

C'est pour pallier à ces difficultés que le gouvernement sénégalais a lancé un plan d'action pour lutter contre les risques de fraudes fiscales par un arsenal juridique qui est le code général des impôts. De même, l'administration fiscale a adopté des mesures pour limiter l'évasion fiscale et la fraude fiscale réalisée pour se soustraire au paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune en signant des conventions bilatérales ou multilatérales.

Sur le plan juridique, les comportements et les actes des contribuables qui visent à se soustraire à l'impôt ou à obtenir des avantages indus pourront être qualifiés de fraude fiscale (comportements illégaux visant à échapper au paiement de l'impôt) et être sanctionnés60. Il concerne donc en général et indifféremment, les manquements commis d'une part, au regard des obligations déclaratives, d'autre part, par rapport aux impôts dus dont la TVA collectée, non reversée au Trésor. Bien entendu, ces infractions sont le plus souvent révélées lors d'un contrôle fiscal, soit essentiellement dans le cadre d'une vérification de comptabilité.

57 Serges Guichard et Thierry Débride, lexique des termes juridiques, 19ème ed 2012 P.418

58 Op cit, page 58

59 Président de la République française du 20 juin 1969 au 2 avril 1974

60 Article 679 du CGI.

Daouda DIALLO, Master 2 Droit de l'Ingénierie Financière et Fiscale Page 52

Selon la propre doctrine administrative, les éléments constitutifs du délit de fraude fiscale doivent réunir deux critères cumulatifs.

D'abord, L'existence de faits matériels tendant à permettre au contribuable de se soustraire totalement ou partiellement à l'établissement ou au paiement de l'impôt, ensuite une intention délibérée de fraude.

Ainsi, la fraude fiscale comporte un élément matériel, la transgression de la légalité fiscale, et un élément intentionnel, la volonté d'échapper à l'impôt. En principe lorsqu'un des deux éléments fait défaut, il n'y a pas fraude.

Ainsi, l'illégalité commise involontairement et sans intention d'en tirer profit est une erreur réparable, non une fraude. De même, la seule intention de payer moins d'impôt en choisissant parmi les procédures offerte par la loi, la voie la moins onéreuse ne constitue pas un agissement frauduleux.

Toutefois, entre l'erreur candide et l'habileté vertueuse, il y'a place pour tout une série de comportements qui, selon les circonstances de l'espèce, constitueront une fraude ou une évasion fiscale légale. Ainsi, l'habileté fiscale peut être telle qu'elle aboutisse, en recourant à des artifices juridiques, à rendre inopérante la loi d'impôt. La théorie de l'abus de droit permettra dans ce cas d'écarter la construction juridique qui fait écran à l'application de la loi. Mais il est souvent bien difficile de dire « où s'arrête la vertu d'habileté et ou commence le péché de fraude ».

De même le fisc pourra écarter les incidences fiscales des actes qui, sans violer aucune prescription fiscale, paraissent être contraintes à l'intérêt de l'entreprise. C'est la théorie de l'acte anormale de gestion qui, comme la précédente, permet d'apercevoir les confins incertains de la fraude fiscale61. Nous pouvons illustrer la fraude fiscale par la sous-déclaration des revenus, une mauvaise imputation des charges de l'entreprise ou une fausse déclaration des impôts sur la consommation (TVA collectée).

Elle s'analyse toujours comme une dissimulation de la matière imposable. Cependant cette dissimulation peut être plus ou moins élaborée. Cependant, nous avons plusieurs sortes de dissimulation à savoir, la dissimulation matérielles, la dissimulation comptable et la dissimulation juridique.

Parlant de la dissimulation matérielle, le contrebandier est l'image la plus connue de cette fraude, puisqu'il cache la marchandise qu'il ne veut pas déclarer. De même manière, le travail

61 Pierre BELTRAME, la fiscalité en France, 13 ème édition 2007-2008

Daouda DIALLO, Master 2 Droit de l'Ingénierie Financière et Fiscale Page 53

au noir illustre ce type d'infraction fiscale puisque le travail sera exécuté sans facture, aucune taxe, aucun impôt ne sera payé.

Ensuite l'oubli volontaire de déclaration d'un revenu quelconque constitue un tel type de fraude plus complexe est la dissimulation comptable qui, se joue sur les différentes qualifications comptables il est possible d'en retirer un avantage fiscale plus ou moins important.

Quant à la dissimulation juridique, elle peut prendre deux formes.

D'une part l'opération fictive qui est le fait d'établir des fausses factures qui juridiquement parlant retracent des opérations qui matériellement n'ont jamais existé pour en retirer un bénéfice fiscal.

Et d'autre part la fausse qualification c'est-à-dire une situation juridique transformée en une autre qui est fiscalement plus intéressante. Comme une mutation à titre gratuite présenté comme une mutation à titre onéreux etc.

Pour de nombreuses personnes voler un épicier ou n'importe quel commerçant c'est mal. Par contre voler le fisc c'est bien. Cette disproportion dans le jugement résulte sans doute du fait que l'Etat n'est pour beaucoup qu'une abstraction. On voit mal en général le lien entre les impôts payés et l'usage qui en est fait.

Et même si parfois, l'on peut appréhender ce lien, on estimera alors que la fraude compense l'injustice fiscale. Il y a donc une propension assez naturelle à tolérer la fraude, bref à faire preuve d'un civisme fiscal des plus rudimentaires. Peu de personnes admettent que « voler l'impôt c'est voler les autres ».

Nous dirons donc que la fraude fiscale est difficile à évaluer par ce qu'elle est inégalement répartie entre les différentes catégories d'impôts et de contribuables, et que les procédés de fraude sont très divers.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera