CONCLUSION
Les sociétés anonymes sont l'objet d'un
régime juridique spécifique. Chacun des chapitres l'a
démontré, sur un même sujet il y a des libertés
énormes et des contraintes irritantes. Sur le plan de la constitution,
les particularités sont nombreuses, et elles consistent tant en faveurs
qu'en rigueurs. La vie sociale des sociétés anonymes est
jalonnée d'exigences qui à elles seules rendent lourde cette
structure juridique de société commerciale. Simultanément,
la législation accorde des privilèges de fonctionnement et de non
fonctionnement reconnus aux seules sociétés anonymes. En
matière de droits extrapatrimoniaux et patrimoniaux, les avantages ne
manquent pas. Cependant, il y a des nuances pour les sociétés
anonymes étrangères : des interdictions très
significatives pèsent sur elles pour les droits patrimoniaux. Et c'est
tout à fait légitime. Les obligations fiscales sont aussi
à double visage, une partie est faite d'exemptions, l'autre, de
rigueurs. Mais, elles sont en majeure partie constituées de rigueurs, de
discriminations et d'injustices. La législation est prise entre deux
feux d'une égale intensité : le favoritisme et le rigorisme. Ce
régime spécial découle, non pas d'une incohérence
législative, mais en considération des caractéristiques et
particularités des sociétés anonymes. Les vides, les
imperfections, les contradictions, les incohérences, les lacunes, tout
montre que la législation haïtienne sur les sociétés
anonymes doit être repensée, revue, corrigée,
augmentée et actualisée.
Cette ambivalence dans les mesures déroute quelque peu.
D'une part, les avantages présentés subjuguent les entrepreneurs.
D'autre part, les contraintes découragent les plus prudents. De
là découle la nécessité d'adopter une politique
législative univoque pour les sociétés anonymes. Le
nouveau régime sera tout à fait rigide ou grandement
favorable.
Pour une législation dont le rigorisme serait
la norme, un remaniement serait nécessaire. Il va falloir
revoir à la hausse les exigences fiscales et douanières, les
procédures de constitution, les modalités de fonctionnement et de
non-fonctionnement et les privilèges patrimoniaux. Les anciens textes
doivent être modernisés. Les exonérations, dispenses et
franchises doivent diminuer. Les textes de lois doivent produire leurs effets.
Et le système fiscal doit être renforcé par de nouvelles
réglementations visant l'efficacité de l'administration fiscale.
Cette option serait l'idéal pour fermer les vannes du
néo-libéralisme galopant et sauvegarder le pays de ses effets
pervers mais subtils.
108
1- Le maintien des rigueurs existantes est la première
mesure impérative pour une législation tout à fait
rigoureuse. L'épaisseur des conditions et procédures de
constitution, les contraintes de la vie sociale, les restrictions pour
l'acquisition et la jouissance du droit de la propriété
immobilière pour les sociétés étrangères,
les rigueurs fiscales, tout doit être maintenu.
2- L'augmentation des exigences est la deuxième phase
du processus. Le législateur doit parfaire son oeuvre en ayant soin
d'ajouter de nouvelles dispositions pour remplir les vides, manquements et
lacunes. Il faut revoir les imperfections. La législation se rectifie,
se corrige, s'augmente à l'humeur du fait réglementé. De
ce fait, les incohérences doivent tomber pour faire de la place à
la clarté.
3- Les ouvertures permissives, les privilèges relatifs
aux droits patrimoniaux, les exonérations fiscales et douanières
et toutes les autres faveurs accordées aux sociétés
anonymes doivent être revues à la baisse. C'est le temps des
restrictions, des réserves et des limites.
4- L'actualisation du régime juridique est
indispensable. L'évolution actuelle des choses est en
inadéquation avec les structures légales existantes. Garder
Haïti au monde des affaires avec des structures rigides est une tache
sérieuse. D'où la nécessité d'actualiser nos lois.
La modernisation de la législation devient par conséquent
inéluctable.
Si on se penche sur la deuxième option, à savoir
une législation portée sur le favoritisme, il y
a beaucoup à faire. Pour reconstruire ce pays, on a besoin de beaucoup
d'investissements et dans tous les secteurs. Il faut dynamiser le secteur
tertiaire, mécaniser nos techniques, insérer la culture
technologique et industrielle dans notre vie, nous développer en somme.
Ce développement qui ira de pair avec l'accès aux services de
santé, d'éducation et d'un niveau de vie acceptable, ne peut pas
se concrétiser sans la croissance économique. Or, cette
croissance, on l'a compris, doit provenir en grande partie des investissements,
qui eux sont concentrés dans les sociétés de capitaux (en
majeure partie). Par conséquent, pour attirer la chaine de
développement, il faut nécessairement rectifier le tir quant
à nos lois. Pour ce faire, plusieurs étapes doivent
s'emboiter.
2- Président de la commission Finances et Budget du
Sénat.
109
1- Il faut revoir toute la procédure de constitution
des sociétés anonymes. On laissera, les formalités
indispensables et on se passera de celles dont le défaut n'entrainera
pas de conséquences. Une procédure moderne et plus
légère convaincra les entrepreneurs à investir dans cette
structure juridique qu'est la société anonyme.
2- Les entraves qui chargent la vie économique et
sociale inutilement doivent être enlevées. Les gangues et scories
qui biaisent le jeu du fonctionnement à plein régime n'ont pas de
place dans une législation qui veut faire la promotion des
investissements.
3- Les rigueurs fiscales et douanières doivent
s'adoucir. Le caractère dissuasif de l'impôt remplit trop
parfaitement son rôle dans le cas des sociétés anonymes. Il
devient donc impérieux de remédier à cette situation en
édictant de normes fiscales nouvelles, appropriées, efficaces,
utiles et surtout plus équitables et moins rigides.
4- Tous les avantages accordés doivent être
maintenus. Les faveurs concernant les droits et tous autres privilèges
relatifs aux sociétés anonymes ont un impact positif sur les
investissements. Donc, il faut à tout prix les conserver.
5- L'amélioration de l'environnement légal des
affaires par la mise en place des conditions favorables aux investissements.
Pour y arriver, beaucoup de lois méritent d'être conçues et
promulguées pour renforcer le cadre des investissements. Les lois
d'application sur les affaires en rapport avec la constitution qui n'existent
pas doivent naitre, et les accords et conventions signés par Haïti
que le Parlement n'a jamais pris la peine de ratifier doivent être
ratifiés1. Les propositions de lois économiques en
souffrance au Parlement (celle sur les assurances, celle sur la
régulation des ports, celle sur l'énergie et les
télécommunications, celle sur la copropriété)
doivent être activées. Le Sénateur Jocelerme
Privert2 insiste sur la nécessité de remanier tout un
ensemble de documents légaux relatifs à l'activité
économique. Pour lui, la révision du cadre légal des
affaires constitue un sujet de première importance, car on ne peut pas
encourager des
1- CADET, Carl-Henry : Investissement : le gouvernement
ne fait qu'en parler. Le Nouvelliste en date du 16 au 23
Janvier 2012 (Semaine).
110
investissements nationaux et internationaux avec la
législation à caractère économique en vigueur.
6- En définitive, l'actualisation ou la modernisation
des procédés législatifs s'avère nécessaire.
On doit évoluer au rythme du temps. A l'instar des rigueurs à
atténuer, des faveurs à conserver et des vides à combler,
il faut penser à ajuster la législation en fonction des nouvelles
tendances récemment utilisées par et/ou pour les
sociétés anonymes particulièrement et pour tout le secteur
des affaires en général.
Ces derniers jours, le gouvernement se montre
préoccupé par la situation légale des
sociétés commerciales dans le pays et dit vouloir faire changer
les choses de concert avec le Parlement. Il est même question de la
réduction des délais pour la procédure de constitution des
sociétés anonymes et d'allègement des procédures
non nécessaires. Beaucoup espère que ces mesures deviennent
effectives dans les jours à venir et qu'elles soient suivies par
d'autres du même genre.
Haïti est un pays riche en opportunités et vierge
en ouvertures. L'heure est venue de reconstruire cette terre que nous ont
laissée nos vaillants et conséquents ancêtres. Cette
reconstruction n'est pas seulement physique, elle est structurelle et
systémique. Pour arriver à bouger les choses, il faut bouger les
lois, car un fait social normal est un fait social juridicisé. Doter le
pays de lois en adéquation aux faits qu'ils réglementent est une
nécessité pratique. Voilà pourquoi il est impérieux
d'ériger une législation univoque en matière de
sociétés anonymes. Avec le temps, les résultats d'une
telle démarche dépassera toutes les attentes. Et ce sera tant
mieux pour notre Haïti.
111
|