3- Pour une fiscalité plus souple et
équitable
Un adage courant énonce que : « Trop
d'impôts tue l'impôt ».Cette formule a été
théorisée par Arthur Laffer, économiste américain
de l'école de l'offre. Cet auteur de la courbe de Laffer qui
modélise les rentrées fiscales en fonction du taux d'imposition,
estime qu'au-delà d'un certain niveau d'imposition, l'optimum, les
recettes fiscales diminuent car la baisse d'activité ne compense plus
l'augmentation d'imposition (ces recettes étant nulles pour les taux
d'imposition 0
1- ALESINA, Alberto, et PEROTTI, Roberto: Fiscal
Adjustments in OECD Countries: Composition and Macroeconomic
105
ou 100 %). Lorsque la pression fiscale augmente trop, les
acteurs économiques cherchent des moyens de la compenser :
a) En cherchant dans la complexité des règles
du système fiscal des dispositifs fiscaux plus favorables à leur
cas ;
b) En émigrant vers des pays où la
fiscalité est moindre (comme les paradis fiscaux) : c'est
l'évasion fiscale ;
c) En fraudant (par exemple en falsifiant leur
comptabilité ou par des fausses déclarations définitive
d'impôt) ;
d) En réduisant leur activité pour payer moins
d'impôt, ou en l'augmentant pour garder le même niveau de vie
malgré l'impôt.
Florin Aftalion en donne une illustration au début des
années 2000 aux États-Unis : la réduction des taux
d'imposition des plus-values et des dividendes appliquée en 2003 est
allée de pair avec une hausse des recettes fiscales de 8 % en 2004 puis
9% en 20051.Tout cela pour dire qu'en faveur des
sociétés anonymes, l'Etat Haïtien peut adopter une politique
fiscale en adéquation avec ses velléités de
développement. Il s'agit d'articuler une
politique qui inclurait dérogation, justice et neutralité
fiscales.
Une niche fiscale, ou dérogation fiscale, ou
abri fiscal, peut être, soit une disposition fiscale qui permet de payer
moins d'impôts lorsque certaines conditions sont réunies, soit une
lacune ou un vide législatif permettant d'échapper à une
catégorie d'impôt de nuisance sans être en infraction avec
la loi. Elle peut concerner les revenus les plus faibles qui sont alors
exonérés, certaines corporations, en compensation d'obligations
pour soutenir l'activité ou sous la contrainte des pressions
catégorielles ; une incitation à investir dans tel ou tel secteur
économique. On veut parler des dispositions fiscales et non des lacunes
législatives. Cette alternative serait en adéquation avec un
régime fiscal plus favorable pour les sociétés anonymes
qui sont très discriminées par rapport au fisc.
La justice fiscale ou le principe
d'équité demande le même effort à tous les
contribuables. Il peut prendre deux formes : l'équité verticale
et l'équité horizontale. L'équité verticale
module
1- FLORIN, Aftalion : L'Economie de l'offre se porte
bien, Economica, Paris 2005
106
l'imposition en fonction de la « capacité
contributive », exigeant un impôt plus important aux personnes les
plus aisées. Il motive l'impôt progressif . L'équité
horizontale impose un traitement équivalent à une situation
équivalente. Il s'oppose aux exonérations catégorielles. A
défaut d'attribuer le même régime fiscal à toutes
les sociétés commerciales (ce serait trop facile !), le
législateur peut appliquer le principe d'équité en
matière d'imposition. Les sociétés anonymes en seraient
soulagées.
La neutralité fiscale suggère
l'idée que l'Etat ne devrait pas avoir d'état d'âme en
matière d'impôt. Son objectif premier étant de se doter de
mesures et de politiques fiscales qui attireront les investissements et
provoqueront à coup sûr le développement économique.
C'est vrai que l'impôt doit influencer le comportement des acteurs
économiques en les dissuadant ou en les encourageant, mais c'est
également vrai que le pays a besoin d'investisseurs haïtiens et
étrangers pour contribuer à son développement. Et cela,
seule la neutralité fiscale peut porter l'Etat à se
départir de ses préjugés pour accueillir convenablement
les futures sociétés anonymes d'Haïti ou qui seront
implantées en Haïti.
Ce chapitre montre une fois de plus, une fois de trop, que la
législation haïtienne en vigueur sur les sociétés
anonymes a un double visage. Il accorde quelques privilèges fiscaux et
douaniers (franchises, exonérations, dispenses) mais,
simultanément, elle s'empresse de réduire les libertés en
consacrant des rigueurs opposables uniquement aux sociétés
anonymes (double imposition, tarif d'imposition...). C'est à croire que
la législation concède des particularités pour tout ce qui
a trait aux sociétés anonyme. Pourtant, il suffirait de
moderniser et d'harmoniser les mesures et politiques applicables aux
sociétés anonymes pour durcir ou adoucir le ton.
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