3- Cas des sociétés anonymes
étrangères
La législation haïtienne ne fait pas de
discrimination entre les sociétés anonymes
étrangères et celles haïtiennes en ce qui concerne
l'acquisition et la jouissance du droit de la propriété
mobilière. De la même manière qu'une société
anonyme haïtienne acquiert et jouit de son bien meuble, la
société anonyme étrangère peut le faire. Sur ce
plan là, il n'y a vraiment pas de disparité. Il y a même
une thèse selon laquelle les étrangers jouissent de tous les
droits qui ne leur sont pas refusés expressément par un texte de
loi. Mais pour ce qui est du droit de la propriété
immobilière, c'est une toute autre histoire.
La première constitution de la République
d'Haïti (1805) en son article 12 interdit à tout étranger de
race blanche de devenir propriétaire d'immeuble en Haïti et toutes
les constitutions subséquentes ont consacré l'idée. Bien
que la loi du 16 Juin 1975 en ait porté un bémol, les
sociétés étrangères assimilées aux personnes
physiques étrangères n'ont pas les mêmes
prérogatives que les sociétés anonymes haïtiennes en
droit de propriété immobilière. Les discriminations se
concentrent au niveau de l'acquisition et de la jouissance. Le titre IV de la
constitution en vigueur consacré à eux explique les conditions
d'acquisition de biens immobiliers par les étrangers, les limites,
réserves et interdictions, sans parler des modalités de
transmission et de suspension du droit de propriété.
L'acquisition d'immeubles par des sociétés anonymes
étrangères est une opération soumise à des
règlements très stricts et très compliqués. Comme
les sociétés anonymes haïtiennes, elles peuvent le faire
à titre gratuit, à titre onéreux, ou par adjudication. Les
articles 6 et 10 de la loi du 16 Juin 1975 modifiée par la loi du 20
Septembre 1979 sont clairs là-dessus.
Article 6 : « Aucune acquisition de
propriété immobilière titre gratuit ou onéreux ne
peut être faite par une société constituée en vertu
des lois étrangères si ce n'est pour les besoins des entreprises
agricoles, commerciales, ou industrielles ou d'enseignement etc. ».
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financement, de crédit et de banque légalement
établies en Haïti, pourront être proclamées
adjudicataires de plusieurs immeubles à la fois ».
Si les sociétés anonymes haïtiennes peuvent
se porter adjudicataires qu'elles que soient la nature et la provenance des
biens à vendre aux enchères, les sociétés anonymes
étrangères ne peuvent se déclarer adjudicataires de
plusieurs immeubles que dans le but de récupérer leur
créance. De plus, l'acquisition est conditionnée dans la mesure
où qu'elle doit être faite dans un but bien
déterminé, c'est-à-dire, pour les besoins de
l'exploitation de l'objet social. Elles n'ont pas la latitude d'acquérir
tous les biens immobiliers qu'ils veulent. L'article 4 fixe la superficie
à 1 carreau ou 1 ha 29 en zone urbaine et à 5 carreaux ou son
équivalent en ha en zone rurale, et un supplément qui
n'excédera pas un carreau pourra leur être accordé pour le
logement des travailleurs car c'est une nécessité de
fonctionnement. Et l'article 5 de ladite loi précise que les
sociétés étrangères ne peuvent acquérir
plusieurs maisons d'habitation car elle ne peut acquérir d'immeubles que
pour les besoins de leurs entreprises. Les restrictions ne se terminent pas
là. L'article 22 de la même loi stipule que « le droit de
propriété immobilière des sociétés
étrangères n'a pas un caractère absolu, il comporte pour
tous des tempéraments :
a) Il ne s'étend pas aux sources, rivières ou
autres cours d'eau, mines, carrières, lesquels relèvent du
domaine public de l'Etat1.
b) Il s'entend de la propriété du sol, celle du
dessus dont la hauteur maximum sera fixée par la loi.
c)Il astreint la propriété à toutes les
charges généralement quelconque et aux restrictions que les lois
auront établies quant à l'usage et à la jouissance du
droit.
De plus, aucune société étrangère
ne peut être propriétaire d'un immeuble borné par la
frontière haïtienne (art. 55-3 de la constitution). Et leur droit
de propriété prend fin avec la cessation de leurs
activités et opérations commerciales. Les liquidateurs ont un
délai de deux ans pour vendre les biens immobiliers. Passé ce
délai, les biens acquis seront dévolus au bureau des successions
vacantes pour être vendus aux enchères publiques (articles 13, 14
et 15 de la loin du 16 Juin 1975).
1- Cette condition vaut également pour les
sociétés commerciales haïtiennes.
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A l'instar de toutes ces exigences, les sociétés
étrangères, pour faire l'acquisition de biens immobiliers doit
suivre toute une série de procédures selon les articles 4 et 5 de
la loi en débat. D'abord, elles doivent avoir une autorisation du
Ministre de la Justice. Ensuite, elles doivent déposer une requête
au même Ministère avec une expédition dûment
signée de son acte constitutif.
Comme on le voit, les sociétés
étrangères sont nettement désavantagées par rapport
aux sociétés anonymes haïtiennes sur le plan de
l'immobilier. Et on peut aisément comprendre les motivations des
législateurs !
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