Paragraphe 2 : La répression du délit de
publicité mensongère ou trompeuse
L'étude de la responsabilité dans la
répression du délit de publicité mensongère ou
trompeuse se présente sous deux formes : la responsabilité civile
et la responsabilité pénale. Obéissant à un
régime juridique distinct, ces types de responsabilités font
intervenir l'imputabilité de l'infraction (A) à une ou plusieurs
personnes auxquelles s'appliqueront des sanctions (B).
A. L'imputabilité de l'infraction
L'imputabilité du délit de publicité
mensongère ou trompeuse prend nécessairement en compte les
personnes qui se sont rendues coupable du délit mais également
l'organisation des poursuites.
Il s'agit des personnes qui ont participé à la
commission du délit quelle que soit la part active de chacune d'elles.
Une opération publicitaire est le fait de plusieurs protagonistes :
l'annonceur, c'est-à-dire le client pour le compte de qui la
publicité est effectuée, l'agent de publicité,
professionnel qui conçoit le message, et le responsable du support
utilisé. Dans le cas de publicité trompeuse, contre qui doit
être dirigé les poursuites ?
La loi impute la responsabilité à titre
principal de la publicité litigieuse à l'annonceur qui est
considéré comme auteur de l'infraction54. L'auteur est
par définition, l'agent qui accomplit personnellement les actes
matériels constitutifs d'une infraction. Il s'agit de l'annonceur dans
le délit de publicité mensongère ou trompeuse ; qui
constitue la personne qui, ayant des biens ou des services à proposer au
public, donne l'ordre de diffuser un message. Si le fautif est une personne
morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants de
droit55. Eu égard à cette responsabilité, si
l'annonceur confie à des tiers le soin de concevoir sa publicité,
il lui revient avant toute diffusion de vérifier son contenu, en
s'assurant de sa sincérité et de sa clarté. L'annonceur a
l'obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires pour
garantir l'authenticité de son message publicitaire.
La preuve de la véracité de la publicité
litigieuse peut être rapportée par tous moyens par l'annonceur.
Elle consistera à justifier des allégations, présentations
ou indications véhiculées dans sa publicité.
54 Art. 5 de la loi n°91-1000 sus
citée.
55 Art. 5 al. 2 de la loi n°91-1000 sus
citée.
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A la responsabilité à titre principal de
l'annonceur de la publicité litigieuse, s'ajoute celle des agences et
des supports qui ont contribué à la création et à
la diffusion de la publicité litigieuse. L'agence conseil en
publicité est une structure professionnelle chargée de
l'étude et de la conception des projets publicitaires pour
elle-même ou pour le compte d'un annonceur. L'utilisation par le
législateur du vocable « à titre principal » dans la
responsabilité de l'annonceur laisse entrevoir indirectement la
responsabilité des personnes qui ont participé à la
réalisation de la publicité notamment les agences et les
supports. Mais la question qui se pose est de savoir en quelle qualité
seraient-ils poursuivis ? Coauteur ou complice ? La distinction entre coauteur
et complice en matière de publicité trompeuse a une portée
pratique bien que la peine encourue dans les deux hypothèses soit la
même. Cependant, une jurisprudence dominante condamne les agences et les
supports en qualité de complice par ce qu'il suffit, lorsque les
assertions de l'annonce sont fausses, que le complice ait fourni une aide ou
une assistance, en sachant que l'auteur principal n'avait pas
vérifié lesdites assertions56. A ainsi
été retenue, la culpabilité d'un directeur de publication
qui, en raison de sa connaissance des techniques publicitaires et de marketing,
se devait d'être vigilant avant de diffuser des publicités
comportant des allégations trompeuses57. Il appartient donc
aux agences et aux supports en publicité de vérifier les
allégations fournies par l'annonceur avant la création et la
diffusion de sa publicité.
La recherche et la constatation du délit de
publicité mensongère ou trompeuse sont organisées en
Côte d'Ivoire par des structures étatiques habilitées
à cet effet. Elles varient selon l'étendue des pouvoirs qui leur
sont conférées. Ainsi, on a la Commission Nationale de la
Concurrence qui est l'organe général et qui donne son avis sur
toutes les questions relative à la concurrence ; le Conseil
Supérieur de la Publicité qui constitue l'organe
spécialisé qui est chargé de contrôler avant leur
diffusion, toutes les publicités et obligatoirement la publicité
par support téléradio. Et la H.A.C.A. qui est compétente
pour contrôler les publicités audiovisuelles.
La procédure de constatation s'ouvre, soit à
l'initiative de l'organe de régulation ou de celle des consommateurs sur
la base de divers textes de lois, décrets et arrêtés en
matière de publicité trompeuse. En effet, une fois la
publicité litigieuse repérée, elle est soumise à
examen aux organes habilités, qui devront confronter
l'élément litigieux aux dispositions publicitaires en
56 Cass. crim., 27 oct., 1981 n°80-93.050.
57 Cass. crim., 20 oct. 1999, n°98- 80.361, BID
2000, n°4, p. 48.
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vigueur pour enfin donner un avis, ou rendre une
décision constatant ou non les manquements à la
réglementation.
Il convient de noter que la recherche et la constatation du
délit de publicité mensongère ou trompeuse par
l'autorité administrative n'excluent pas les preuves et
procédures de droit commun58. Les personnes victimes des
agissements mensongers ou trompeurs des annonceurs disposent pour faire valoir
leurs droits, de différentes actions. En effet, les consommateurs
disposent de droits reconnus universellement qui assurent leur protection.
Parmi lesquels, on note le droit à la réparation des
torts59. Les actions peuvent prendre la forme d'action en cessation
de la publicité litigieuse ou d'action individuelle ou collective en
réparation60. Afin de mettre rapidement un terme à la
publicité fausse ou de nature à induire en erreur, l'action en
cessation de la publicité litigieuse est intentée par des
personnes ayant de légitimes motifs devant le Ministre du Commerce par
le biais des organes de régulation ou devant le juge pénal par
les victimes elles-mêmes. L'action en réparation individuelle ou
collective prend quant à elle la forme d'une constitution de partie
civile ou d'une citation directe devant le juge pénal.
Toutefois, il convient de noter l'importance pour les victimes
de l'infraction, de justifier de leur capacité ou de leur droit
d'intenter une quelconque action. Ainsi donc, il va falloir pour les
associations de consommateurs ayant pour objet statutaire la défense des
droits des consommateurs ; dûment agréés ;
représentatifs ; déposer une plainte entre les mains du procureur
et / ou se constituer partie civile au cours de l'instance pénale si le
préjudice direct ou indirect résultant de cette publicité
concerne l'intérêt collectif des consommateurs.
Outre les associations de consommateurs, les personnes ayant
subi un préjudice en raison d'une publicité fausse ou de nature
à induire en erreur peuvent obtenir réparation sous le
régime du droit commun. En d'autres termes, les victimes de l'infraction
pourront sous le fondement de la responsabilité délictuelle se
voir octroyer des dommages et intérêts61.
58 Responsabilité contractuelle engagée
par le cocontractant de l'annonceur. Mais plus généralement sur
le fondement de la responsabilité délictuelle à
l'initiative d'un tiers au contrat de publicité, les consommateurs,
concurrents et associations de consommateurs ayant subi un préjudice.
59 Principes Directeurs pour la Protection du
Consommateur (PDPC) issus de la résolution n° 39/248 du 09 avril
1985.
60 Code de la déontologie publicitaire en
Côte d'Ivoire.
61 Art. 1382 du Code Civil.
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