B. L'élément matériel
Quelles que soient la forme et le support publicitaire
utilisés, la publicité est répréhensible
lorsqu'elle comporte une tromperie sur l'un ou l'autre des
éléments indiqués par la loi en fonction du consommateur
moyen35. La publicité commerciale telle que définie
plus haut36, fait intervenir dans son champ d'application
différentes formes et cela, quel que soit le support par lequel elle est
transmise. La généralité des termes employés par la
loi permet d'englober « toute publicité comportant sous quelque
forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations
fausses (...) »37. En se déclarant applicable aux
allégations, indications ou présentations de nature à
induire en erreur, la loi englobe aussi bien les textes écrits ou
parlés que les messages exprimés par un dessin, une photographie,
un bruitage, une omission.
L'allégation fausse ou de nature à induire en
erreur, est une affirmation qui prend un sens particulier en la matière,
puisqu'elle laisse croire au cocontractant à une proposition relative au
bien ou au service qui s'avère inexacte38. L'un des exemples
les plus célèbres est l'affaire « Tang » : dire qu'une
boisson composée de produits chimiques a le goût de fruits
pressés est une affirmation exacte ; mais placer à
côté de la boisson chimique des oranges fraîches peut
laisser croire qu'elle est faite à base de fruits frais39.
L'indication fausse ou de nature à induire en erreur
par contre, consiste en l'attribution de qualités au produit ou au
service qu'il n'a pas40. C'est l'exemple de l'affiche laissant
croire
34 Art. 6 de la loi n°91- 1000,
précitée. Les infractions commises de mauvaise foi sont punies
comme la récidive.
35 Le consommateur moyen peut être défini
comme étant normalement informé et raisonnablement attentif et
avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.
36 Voir introduction.
37 Art. 3 de la loi n°91-1000,
précitée.
38 ARCELIN LECUYER (L.), Droit de la
publicité, leçon 8 : la loyauté dans la
publicité, Université Numérique Juridique
Francophone, p. 9.
39 C.A. Versailles, 17 mai 1978 et Cass. crim., 13 mai
1979.
40ARCELIN LECUYER (L.), Droit de la
publicité, leçon 8 : la loyauté dans la
publicité, Université Numérique Juridique
Francophone, p 7.
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aux consommateurs qu'ils bénéficiaient d'une
garantie de cinq ans, les conditions particulières de cette
prétendue garantie étant dissimulées dans un coin, en
très petit caractère41.
Quant à la présentation fausse ou de nature
à induire en erreur, elle renvoie aux modalités de
rédaction du message publicitaire42. Il en va ainsi des
mentions rectificatives ou des conditions de l'offre écrites en petits
caractères, illisibles43.
L'annonceur peut choisir de diffuser la publicité
délictueuse sur divers supports à savoir un panneau
d'affichage44, bon de commande et facture45, prospectus
et catalogue46, radiotélévision etc. Nombreuses sont
les publicités qui renvoient à des précisions et autres
conditions identifiés par des astérisques, une étoile, un
chiffre ou une autre technique. Le consommateur doit avoir connaissance de ces
mentions ; mais encore faut-il pour cela qu'il puisse les lire correctement.
Leur présentation illisible peut être sanctionnée de
publicités trompeuses.
En outre, la publicité mensongère ou trompeuse
n'est punissable que si elle porte sur un objet et dans un lieu bien
déterminé47. De l'objet de la publicité
litigieuse, le législateur affirme qu'elle doit porter sur un objet bien
précis qui peut être soit un produit, soit un bien ou un service.
La notion de produit comporte tout résultat d'un processus de
fabrication. Le vocable `'services» désigne toutes prestations
immatérielles ou pour lesquelles la fourniture d'un produit constitue
qu'un élément secondaire (activités de conseils,
locations, réparations...). La notion de `'biens» quant à
elle recouvre toute une généralité. On peut citer : les
immeubles et titres mobiliers (actions, obligations etc.)48
En ce qui concerne le lieu de la publicité, «
le délit de publicité mensongère ou trompeuse est
constitué dès lors que la publicité est faite,
reçue ou perçue en Côte d'Ivoire »49.
La publicité qui est faite est celle dont l'auteur y est établi
ou y exerce son activité commerciale. Elle est conçue en
Côte d'Ivoire, par des professionnels de la publicité et
diffusée par des supports de droit ivoirien. La publicité qui
n'est pas reçue ou perçue en Côte d'Ivoire donc
41 Trib. corr. Grenoble, 8 mai 1978.
42 ARCELIN LECUYER (L.), op. cit., p. 8.
43 Cass. crim., 23 fév. 2010,
n°09-80960.
44 Cass. crim., 22 déc. 1987, n°86- 92.
463.
45 Cass. crim., 14 nov. 2000, n°98-85.778, BID
2001, n°4, p.24.
46 C.A. Douai, 4e ch., 14 oct. 1992.
47 Loi n°91- 1000 portant interdiction et
répression de la publicité mensongère ou trompeuse.
48 Trib., corr. Paris 25 fév. 1977 : Annonce
publicitaire portant sur un immeuble dont la vente serait séparée
des droits d'usufruit et de nue-propriété alors que le
démembrement du droit de propriété réalisé
par l'opération en cause rend les mentions contenues dans la
publicité inexactes.
49Art. 4 de la loi n°91-1000
sus-indiquée.
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étrangère, est celle dont la conception a
été produite par des professionnels étrangers mais qui est
par contre diffusée en Côte d'Ivoire. Elle apparaît sur le
marché ivoirien par l'intermédiaire de canaux étrangers
après contrôle et autorisation des organes ivoiriens de
régulation de la publicité. Si la création publicitaire
est faite en Côte d'Ivoire, il ne se pose aucun problème, on peut
être sceptique lorsqu'elle y est que reçue ou
perçue50. En plus de tous les moyens utilisés par les
publicitaires, pour être condamnable, la publicité litigieuse doit
contenir des éléments bien définis par la loi.
Le législateur ivoirien, à travers l'article 03
de la loi portant interdiction et répression de la publicité
mensongère ou trompeuse, dresse une liste d'éléments sur
lesquels la publicité trompeuse doit porter pour être
répréhensible. Ainsi, la publicité sera
considérée comme publicité mensongère ou trompeuse,
lorsque les éléments portant sur « L'existence, la
nature, la composition, les qualités substantielles, les teneurs en
principes utiles, l'espèce, la quantité, le mode et la date de
fabrication, la propriété du bien, du produit ou du service sont
autant d'éléments qui portent sur l'essence même de l'objet
de la publicité »51.
Il y aura tromperie sur l'existence, la disponibilité,
la composition ou la nature d'un bien ou d'un service, lorsque l'annonceur
offrira à sa clientèle des biens ou services qu'il n'aura pas en
sa possession ou qui fait état de fausses propriétés.
C'est l'exemple d'un restaurateur qui propose sur sa carte des plats qu'il ne
sert pas52 ou bien d'annoncer des promotions massives sur des
articles en quantité insuffisante53
Les tromperies sur les caractéristiques essentielles du
bien ou du service concernent ses qualités substantielles, sa
composition, son origine, sa quantité, son mode et sa date de
fabrication. Ainsi, il y aura tromperie par exemple au cas où la
publicité faite en faveur d'une boisson chocolatée qui
contiendrait une grande quantité de pur cacao alors qu'en
réalité la teneur en cet élément n'est que de 20%
(qualités substantielles, teneur en principes utiles).
50 Pr ISSA-SAYED (J.), LE DROIT IVOIRIEN DE LA
CONCURRENCE, communication faite à un colloque sur le droit de la
concurrence, Ouagadougou, février 2003.
51 Art. 3 de la loi n°91-1000
sus-indiquée.
52C.A. Paris, 13e Ch., 19 mai 1987,
Juris-Data n° 1987- 024678.
53Cass. crim., 24 mars 2009, n°08-86534.
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