PARTIE 1 : LE CADRE JURIDIQUE ETABLI POUR LA PROTECTION
DU CONSOMMATEUR
Les pouvoirs publics et le législateur ivoirien
soucieux des dangers que peuvent présenter la publicité
commerciale ont mis en place un cadre juridique afin de maintenir un climat de
saine concurrence entre les opérateurs économiques mais surtout
pour protéger les droits des consommateurs. Cette première partie
de notre étude aura pour objet, de présenter le cadre juridique
encadrant la publicité commerciale au travers de l'existence d'un cadre
textuel protecteur du consommateur (Chapitre 1), et d'un cadre institutionnel
protecteur du consommateur (Chapitre 2).
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CHAPITRE 1 : L'EXISTENCE D'UN CADRE TEXTUEL PROTECTEUR
DU CONSOMMATEUR
La protection du consommateur contre la publicité
commerciale est assurée par des textes législatifs et
règlementaires. On retient une réglementation publicitaire
générale par l'interdiction de principe de la publicité
mensongère ou trompeuse adoptée par le législateur
ivoirien à travers la loi n°91- 1000 du 27 décembre 1991
portant interdiction et répression de la publicité
mensongère ou trompeuse (Section 1) pour lutter contre les informations
fausses transmises aux consommateurs. Aussi, les pouvoirs publics ont mis en
place une règlementation publicitaire spécifique visant à
protéger le consommateur en raison de la publicité faite pour une
catégorie de produits et services (Section 2).
Section 1 : Une règlementation publicitaire
générale
Généralement pour être punissable, l'agent
ou le prévenu doit avoir accompli des actes répréhensibles
par la loi avec l'intention qui le motive. La publicité
mensongère ou trompeuse est un délit qui obéit à un
régime répressif. Apres avoir montré les conditions de
caractérisation du délit de publicité mensongère ou
trompeuse (Paragraphe1), il conviendra d'évoquer le caractère peu
dissuasif de la sanction attachée (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les conditions de caractérisation du
délit de publicité mensongère ou trompeuse
La caractérisation du délit de publicité
mensongère ou trompeuse passe essentiellement par la réunion de
trois éléments : l'élément légal et
intentionnel (A); l'élément légal qui tire sa source dans
le principe de la légalité des délits et des
peines21 en vertu duquel l'incrimination d'une infraction doit
résulter d'un texte de loi. L'élément intentionnel
constitue la volonté entretenue par l'auteur de l'infraction de la
commettre. Au-delà de ce que prévoient les textes,
21 Art. 08 de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen (DDHC) : « (...) nul ne peut être puni
qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement
au délit, et légalement appliquée. »
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il faut, pour exister concrètement que le délit
de publicité mensongère ou trompeuse soit
matérialisé par un acte qui constituera l'élément
matériel (B).
A. L'élément légal et
intentionnel
La publicité mensongère ou trompeuse reste en
droit pénal ivoirien, définie essentiellement par la loi 91-1000
du 27 Décembre 1991 portant interdiction et répression de la
publicité mensongère ou trompeuse qui dispose :
« Est considérée comme publicité
mensongère ou trompeuse, toute publicité comportant sous quelque
forme que ce soit, des allégations, indications, ou présentations
fausses ou de nature à induire en erreur ou à créer le
doute ou la confusion dans l'esprit du consommateur, lorsque celles-ci portent
sur un ou plusieurs des éléments ci-après :
Existence, nature, composition, qualités
substantielles, teneur en principes utiles, espèce, quantité,
mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de
leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la
prestation de service, portée des engagements pris par l'annonceur,
identité, qualité ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des
promoteurs ou des prestataires. »22
Ce texte de loi est inspiré de la législation
française. C'est une loi du 27 décembre 1973 dite « Loi
Royer »23 qui laisse entrevoir au travers de la
publicité trompeuse, toute publicité constituée par des
détails exacts mais présentés de manière
fallacieuse susceptibles de faire croire à des qualités que le
produit ne possède pas en réalité ou encore celle qui
pourrait créer un doute ou une confusion entre les produits ou
entreprises. Alors que la publicité mensongère consiste à
porter aux consommateurs des informations qui sont fausses24.
L'objectif de la distinction est de donner à la loi plus de
ténacité et d'élargir son champ d'application en
interdisant à la fois les publicités objectivement « fausses
», mensongères, ainsi que celles qui le sont plus subjectivement.
C'est-à-dire de « nature à induire en erreur »,
trompeuses25.
22 Art. 3 de la loi n°91-1000 du 27
décembre 1991, portant interdiction et répression de la
publicité mensongère ou trompeuse.
23 Art. 44 de la loi d'orientation du commerce et
de l'artisanat du 27 décembre 1973 modifiée par la loi 78-23 du
10 janvier 1978
24 Exemple d'un produit présenté
comme composé d'éléments naturels uniquement alors que
comprenant des composants chimiques.
25 BIOLAY (J.-J.) Promotion des ventes et Droit
de la publicité, 1e éd., Encyclopédie
DELMAS pour la vie des affaires, P.171
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Le champ d'application précise que la loi s'applique
à « toute communication à caractère commercial,
industriel, ou professionnel faite dans le but de promouvoir la fourniture de
biens ou services et de manière générale, tous les moyens
utilisés pour faire connaître une personne physique ou morale, ou
bien, un produit ou un service ou pour inciter à l'achat ou à la
demande de bien ou service quels que soient les supports utilisés y
compris les emballages, les étiquettes ainsi que les documents
commerciaux. »26 Il est nécessaire par
conséquent, d'exclure toute communication ou information
dépourvue de l'invitation à l'achat. En d'autres termes, toute
information n'étant pas faite dans le but de stimuler et de provoquer la
demande de biens ou services. Au-delà du texte de loi, pour que le
délit de publicité mensongère ou trompeuse puisse
être retenu faut-il nécessairement un élément
intentionnel ?
L'élément moral ou intentionnel du délit
de publicité mensongère ou trompeuse consiste à
l'intention frauduleuse de son auteur d'induire les consommateurs en erreur en
divulguant des informations fausses sur le produit ou service. L'exigence de
cet élément dans la constitution d'une infraction résulte
du Code Pénal ivoirien qui dispose que « l'infraction n'est
commise que lorsque tous ses éléments constitutifs sont
réalisés et réunis »27. Constituant
l'élément commun à toutes les infractions, cette
volonté devrait être indispensable à la constitution du
délit de publicité mensongère ou trompeuse.
Pourtant dans ce délit, l'élément moral a
évolué pour avoir une importance moindre pour son incrimination.
Le droit positif ivoirien n'ayant traité du délit de
publicité mensongère ou trompeuse que seulement à partir
de la loi n°91-1000 du 27 décembre 1991 sus-indiquée, il
convient de s'appuyer sur l'évolution remarquable que ce délit a
subie en droit positif français28 afin d'y apporter un
aménagement. Ce faisant, la répression du mensonge en
publicité est apparue comme infraction spécifique dans la loi
française du 02 juillet 1963, et a pris la forme de publicité
mensongère. Toutefois, pour faire l'application de cette loi, il
convenait de démontrer l'existence d'une intention de tromper les
destinataires du message publicitaire litigieux. Il fallait donc pour la partie
plaignante de rapporter la preuve de la mauvaise foi de l'annonceur - sa
volonté de tromper, pour espérer voir s'appliquer la loi. Ce qui
était en pratique très pénible à
faire29.
26 Art. 1 de la loi n°91-1000,
suscitée.
27 Art. 22 al. 1 du Code Pénal Ivoirien
28 L'évolution de la notion de
publicité mensongère ou trompeuse en C.I a hérité
du modèle français. C'est donc ce modèle qui sera
exposé.
29 CALAIS-AULOY (J.) et STEINMETZ (F.), Droit de
la Consommation, 9e éd., 2011, Dalloz, p.137.
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Face à cette difficulté de réprimer le
délit de publicité mensongère, l'article 44 de la loi
française dite Royer30 a eu le mérite d'élargir
l'incrimination en remplaçant mensongère par le délit de
publicité trompeuse. La particularité de cette requalification
tient à ce que par rapport à la publicité simplement
mensongère, la publicité trompeuse est constitué
dès lors que les éléments du message publicitaire sont de
nature à induire en erreur les consommateurs, peu importe l'intention
délictueuse de l'auteur. La mauvaise foi n'est plus alors
recherchée31. A ce stade, il importe peu que l'auteur de
l'infraction ait eu l'intention de la commettre, il suffit que les
éléments de la publicité litigieuse soient
incriminés par l'article 03 de la loi n°91-1000
précitée.
Le délit de publicité mensongère ou
trompeuse étant constitué en l'absence d'intention de tromper. Il
est une catégorie d'infraction perpétrée sans intention de
la commettre et qui constitue un délit lorsque la loi le prévoit.
Il s'agit des infractions non-intentionnelles, qui impliquent en l'absence de
volonté d'accomplir l'acte délictueux, une faute pouvant
être due à l'imprudence, la négligence, ou au manquement
à une obligation de sécurité prévue par la loi.
S'il est établi que compte tenu de sa qualité ou des fonctions
qu'il occupe, l'auteur n'a pas agi diligemment32. Dans ce cas,
malgré le fait que l'auteur n'ait pas manifesté l'intention de
commettre un acte délictueux, il ne doit pas échapper à la
répression correspondante puisqu'il a, par une faute constituée
par son imprudence ou sa négligence, causé un trouble à
l'ordre public. De ce fait, en n'exigeant pas de faire la preuve de la mauvaise
foi de l'auteur de la publicité litigieuse pour que celle-ci soit
établie comme trompeuse, le législateur français a fait
ainsi entrer ce délit dans la catégorie des délits non
intentionnels, constitués en cas d'imprudence ou de négligence de
l'auteur.
L'annonceur ne pouvant se réfugier sur sa
négligence, a tout de même le droit de prouver sa bonne foi devant
le juge face à la présomption de responsabilité qui
pèse sur lui. Cette présomption lui impose une vigilance accrue
à l'égard des tiers à qui il confie le soin de concevoir
la publicité33. L'annonceur a l'obligation de vérifier
l'exactitude des mentions qu'il fait figurer dans son annonce sous peine de
voir sa responsabilité engagée pour des faits qu'il n'aurait pas
voulu.
30 Loi n°73-1193 du 27 décembre 1973
portant orientation du commerce et de l'artisanat.
31 Ch. crim., 4 dec.1978, 77-92.400.
32 Art. 121-3 al.3 du Code Pénal
Français.
33 Code de déontologie publicitaire en
Côte d'Ivoire, Chapitre V, 21.
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Il faut cependant noter que si malgré l'absence de
recherche active de l'intention de l'annonceur de tromper, sa publicité
tombe sous le coup de la loi, le délit est d'autant plus
constitué dans le cas où l'auteur de la publicité a eu
l'intention de tromper et peut être sévèrement
réprimé34. Cependant, l'on ne doit pas s'arrêter
en si bon chemin, à la simple pensée, la seule volonté de
commettre un acte. Car, au-delà de ce que prévoit la loi, pour
exister concrètement, l'infraction doit être
matérialisée par un acte.
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