L’exercice des attributions non contentieuses. Une source d’inefficacité de la justice de paix. Cas de la juridiction de Port-au-Prince de 2006 à 2016.par Dimmy ANTOINE Université d'Etat d'Haïti UEH/FDSE, Port-au-Prince - Licence en droit 2018 |
C- Les attributions gracieusesEn ses attributions gracieuses, le Juge de Paix ne statue pas suivant une disposition légale, souvent il ne tient même pas compte. Aussi, Il fait appelle à la morale, la conscience des parties et la nécessité de vivre en communauté, les incitant à s'entendre. En ce sens, l'article 91 du décret relatif à l'organisation judiciaire stipule : « les Tribunaux de Paix sont également des tribunaux de conciliation. Comme Juge conciliateur, lesJuges de Paix doivent s'efforcer d'arriver à l'accommodement des parties qui se présentent devant eux ». 1- Les attributions conciliatoires ou fonctions conciliatoiresEn procédure civile, elle se définit comme étant la phase préalable de certains procès au cours de laquelle, le Juge essaie d'amener les plaideurs à un règlement à l'amiable. La fonction conciliatoire du Juge de Paix se fonde sur des données sociales et juridiques, mais aussi le législateur conçoit et octroie cette possibilité de façon à maintenir, sinon une entente entre les parties, du moins pour éviter la discorde entre elles. La nécessité de concilier les parties qui s'opposent dans un conflit en rapport avec des impératifs sociaux d'un côté, et d'un souci de respecter de la volonté du législateur prévoyant cette possibilité de l'autre côté. Selon l'approche sociologique de Wilson BERNARD, dans son ouvrage titré le Juge de Paix en rapport avec les autres acteurs du système judiciaire : «La préservation de la paix et l'harmonie entre les parties surtout au sein de la famille, cellule de base de toutes les autres institutions sociale est essentielle pour la viabilité de la société il est important de conserver la bonne entente et la cordialité entre les membres d'une même famille qui sont appelés à partager des valeurs, des principes, des habitudes et des coutumes appris pendant des générations ». La conciliation, trouve donc son fondement premier dans la nécessité de préservé la paix sociale. Il précise : « qu'il existe toujours le risque qu'une mésentente, simple ou complexe, portée par devant un Tribunal entrave la convivialité qui existait entre les parties avant son éclatement. D'ailleurs, l'interpellation en justice est interprétée comme un acte d'hostilité, voire de déclaration de guerre de la part de celle qui a pris l'initiative. Cela signifie que ce lieu publique par nature qui est le Tribunal, donne immanquablement une autre dimension au conflit qui se trouve étalé au grand jour dans le cadre d'un débat, où les secrets sont divulgués et ou des acteurs professionnels font usage de tous les moyens pour former la conviction du Juge, sans compter les injures pouvant être lancées de part et d'autres et les frustrations qui en découlent». Certaines relations particulières telles que : celles entre un homme et une femme, un père et son fils, une mère et sa fille, un frère et une soeur, un beau frère et une belle soeur, bref des contestations familiales, de par leur caractère intime, sacré et confidentiel doivent être épargnées des débats ouverts des tribunaux. Le cadre serein de la conciliation se révèle plus approprié, si réellement le souci primordial est de protéger la nécessaire harmonie devant régner au sein de la famille, malgré l'existence d'un différend. Il n'y a pas que les relations familiales qui doivent être protégées de la discorde. D'autres situations peuvent rapprocher les gens et créer ainsi des relations nécessitant une stabilité entre les parties pour leur bonne marche. Ainsi les relations de voisinage entre bailleurs et preneurs entre copropriétaires, en matière de nuisance sonores, de servitudes, de murs mitoyens, de bornages, de paiements de loyers, de réparations, pour ne citer que celles-là sont autant de situation où les personnes concernées sont appelées à se côtoyer régulièrement et qui nécessitent non seulement du différend, mais aussi la continuité de la relation pour les intérêts respectifs et communs des parties. En l'occurrence, il faut éviter toute véritable rupture du lien social que peut entrainer la résolution du conflit dans le cadre d'un procès public par l'adoption d'un mécanisme plus souple de résolution qui préservera entre proches, voisins etc. c'est là que réside toute la nécessité et l'intérêt de la conciliation. Les conflits viendront toujours, mais il faut les utiliser les meilleurs moyens pour les traiter, de manière à continuer à vivre ensemble, à se côtoyer chaque jour sans heurte, sans frustration, ni colère, ni haine.97(*) Aujourd'hui, la justice est en crise car il y a un accroissement d'affaires portées par devant les tribunaux dans tous les domaines du droit. Par conséquent, il est nécessaire de trouver des moyens alternatifs à ceux de la justice pure ou traditionnelle pour régler les litiges et chercher à concilier les parties. Il y a un double intérêt : celui d'éviter une décision de justice qui devra être respectée, mais qui ne sera pas bien accueillie et celui d'éviter un parcours long semé d'embuches. Il faut aussi déconcentrer les tribunaux. La conciliation nous aidera à y parvenir puisque le pourcentage de litiges traités par sa mise en branle ne parviendra pas au Tribunal. Ainsi, le Tribunal de Paix est dégagé il ne lui reste que les conflits exclus du champ de conciliation et ceux pour lesquels la conciliation a échoué. Il est donc, évident que la conciliation permet au Juge d'avoir beaucoup plus de temps pour traiter et rendre ses décisions sur les contestations qui lui sont soumise en ses attributions contentieuses. Enfin, l'utilisation de la procédure de conciliation produit un double bienfait : le maintien et le rétablissement rapide de la paix entre les parties en conflits et la déconcentration des tribunaux chargés de prononcer chaque jour le mot du droit. Les données sociales et juridiques justifient l'attribution conciliatoire du Juge de Paix. Il convient maintenant de présenter les fondements légaux de cette attribution.98(*) Le législateur a prévu les cas dans lesquels la conciliation du Juge de Paix peut avoir lieu, car l'exercice de la conciliation du Juge de Paix est obligatoire dans certains cas et facultatif dans d'autres. C'est pourquoi, il est important de statuer, d'une part, sur les fondements légaux et d'autres parts, sur les domaines d'intervention du Juge de Paix. La fonction conciliatoire du Juge de Paix, est prévue par l'article 60 du code de procédure civile et est réaffirmée par l'article 91 du décret du 22 Août 1995 relatif à l'organisation judiciaire.99(*) En tant que Juge conciliateur, le Juge de Paix doit s'efforcer de concilier les parties qui se présentent devant lui. Il doit se garder de se comporter en Juge siégeant dans sa juridiction contentieuse. Mais il doit plutôt s'évertuer à aider les parties à trouver une entente. Suivant que les parties parviennent à s'entendre ou non, le Juge de Paix dresse un procès-verbal de conciliation ou de non conciliation.La conciliation du Juge de Paix a lieu généralement dans les matières ordinaires. Par conséquent, on peut affirmer, à la lumière de ce qui précède, qu'en toutes matières, principalement en matières civiles et commerciales, le Juge de Paix, en tant que Juge de proximité devrait, avant de prononcer le mot du droit, essayer d'accommoder les parties en conflits. Cela s'évidente par le fait que, ce qui est prioritaire pour lui n'est pas le mot du droit mais l'harmonie et la paix devant régner entre les parties et au sein de la communauté. L'initiative de la conciliation appartient aux parties. Les deux parties doivent s'entendre pour demander la conciliation au Juge de Paix. Toutefois, quand la conciliation est demandée par les parties, le Juge ne peut qu'obéir à leurs voeux prouvant la volonté de mettre fin à la situation conflictuelle. Il faut, cependant, souligner que si les parties ne veulent pas s'entendre, le Juge ne peut, en aucun cas, les contraindre. Le non consentement de l'une des parties à une telle procédure la rend ineffective et inapplicable par le Juge.Il faut souligner que l'attribution conciliatoire du Juge de Paix peut toucher tous les domaines de sa compétence. Toutefois, il convient de signaler que certains domaines sont exclus du champ d'exercice de la conciliation, il s'agit des affaires ayant un caractère d'ordre public. Ainsi, outre que les affaires commerciales, qui forment le domaine d'intervention de l'attribution conciliatoire du Juge de Paix ; au niveau civil les affaires de : ï Famille, en matière de pension alimentaire par exemple ; ï Bail, en matière de paiement de loyers, d'entretiens de locaux loués par le preneur, de réparations importantes à la charge du bailleur ; ï Voisinage, en matière de trouble de voisinage, de nuisance, de servitudes, des murs mitoyens et de bornages ; ï Et, en général, de toutes affaires civiles, personnelles ou mobilières ne dépassant pas 25 000 gourdes Aussi, il faut signaler que la conciliation se porte sur les rapports privés et personnels qui n'affectent en rien l'ordre public. Le Juge de Paix dispose d'une compétence pénale appelée attribution de simple police prévue par l'article 88 du décret du 22 Août précité et l'article 125 du CIC.100(*) En effet, les règles de droit pénal ne concernent pas les relations familiales et personnelles, mais elles concernent plutôt toute la société. Du fait de leur caractère public, on ne peut pas les transiger. Cela s'explique par le fait que leur violation affecte non seulement des individus mais aussi encore toute la société. L'obligation de réparation due à la société et celle de sanctionner le coupable soustrait légitimement ces situations du champ conciliatoire.101(*) * 97 Wilson BERNARD, « le Juge de Paix, en rapport avec les autres acteurs du système judiciaire», imprimerie bon service, p.72 * 98Wilson BERNARD, «le Juge de Paix, en rapport avec les autres acteurs du système judiciaire»,Op.cit. p. 74 * 99« Les Tribunaux de Paix sont également des tribunaux de conciliation. Comme juges conciliateurs, les Juges de Paix doivent s'efforcer d'arriver à l'accommodement des parties qui se présentent devant eux ». * 100Wilson BERNARD, «le Juge de Paix, en rapport avec les autres acteurs du système judiciaire», Op.cit. p. 76 * 101Ibid. p. 77 |
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