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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

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B - Un champ d'application géographique fractionné

Le droit de la mer s'est structuré autour de constantes questions de zonage depuis des temps reculés comme en témoignent les débats engagés entre Selden et Grotius dont le dernier a pu faire prévaloir la liberté de la haute-mer. La question qui va être abordée ici n'a strictement rien à voir avec le choix de la zone géologique sur laquelle il est envisagé de stocker le CO2, sujet sous-jacent en réalité. Il s'agit davantage d'une répartition des compétences personnelles entre les organismes internationaux et les États.

Dans un premier temps il convient de s'attarder sur le protocole de 1996. Ce dernier s'adresse principalement aux États, et plus précisément aux Parties contractantes au protocole. Des principes de droit international sont réaffirmés dès les considérants, notamment : « l'utilité d'un approche mondiale de ces questions et en particulier l'importance pour les Parties contractantes de coopérer et collaborer en permanence pour mettre en oeuvre la Convention et le Protocole », permettant ainsi de marquer la volonté d'une portée mondiale en mettant en avant l'application par les États Parties. Néanmoins, bien que l'organisation référente soit l'OMI, qui effectue des contrôles sur la législation et l'autorisation de certains permis146, l'application qui ne semble pas être internationalisée par l'AIFM (c'est également le cas pour la gestion des grands fonds marins) est affirmée au sein du considérant suivant. Il précise qu'il : « peut être souhaitable de prendre, au niveau national ou régional, des mesures

145Depuis 1993, toute immersion de déchets radioactifs est définitivement interdite après un moratoire des Etats parties à la Convention de Londres, initié en 1983.

146Certains articles marquent des obligations de notifications (Article 4.2), d'informations sur les mécanismes utilisés (Article 7.3), ou de signalement immédiat en cas de danger (Article 9.1).

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plus rigoureuses pour prévenir et éliminer la pollution du milieu marin résultant de l'immersion que celles que prévoient les conventions internationales ou autres types d'accords de portée mondiale ». Ici les rédacteurs visent implicitement le-dit protocole et cela permet aux États d'effectuer directement une plus stricte application des lignes directrices établies par ce texte. Ainsi l'article 1.7 du Protocole définit la « Mer » comme : « toutes les eaux marines autres que les eaux intérieures des États, ainsi que les fonds marins et leur sous-sol [...] », ce qui signifie a priori qu'il n'est pas possible pour un État partie au Protocole de stocker du CO2 dans ses eaux intérieures. D'un point de vue scientifique le cas d'un stockage du CO2 en dépôt pour créer un « lac » ne serait possible qu'à partir de mille mètres de profondeur, ce qui exclut de manière générale les eaux intérieures pour ce type de stockage. Néanmoins la question peut se poser du point de vue de la cavité géologique ou de l'ancien puits de pétrole et ce sans distinction d'un cadre d'activité. Malgré cette limitation, l'article 7 permet aux États parties d'opérer des immersions au sein des eaux intérieures. Cependant ces immersions se font dans un régime beaucoup plus strict, soumis soit à des mesures minimales en provenance du Protocole, soit plus rigoureuses. Ces mesures plus rigoureuses doivent faire l'objet d'une information systématique auprès de l'OMI d'après l'article 7 :

« 2. Chaque Partie contractante choisit soit d'appliquer les dispositions du présent Protocole soit d'adopter d'autres mesures efficaces d'octroi de permis et de réglementation afin de contrôler l'élimination délibérée de déchets ou autres matières dans des eaux marines intérieures lorsque cette élimination constituerait une «immersion» ou une «incinération en mer» au sens de l'art. 1, si elle était effectuée en mer.

3. Chaque Partie contractante devrait fournir à l'Organisation des renseignements sur la législation et les mécanismes institutionnels concernant la mise en oeuvre, le respect et la mise en application des dispositions dans les eaux marines intérieures. Les Parties contractantes devraient également s'efforcer autant que possible de fournir, à titre facultatif, des rapports récapitulatifs sur le type et la nature des matières immergées dans des eaux marines intérieures. »

Ici encore, la CNUDM même si concernant sur la souveraineté et les pouvoirs souverains n'a pas facilité les choses d'un point de vue environnemental. Même si la

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répartition des territoires maritimes est d'une grande efficacité, elle est toujours une source de contentieux. En effet la CNUDM établit clairement le fractionnement en différentes zones (eaux intérieures, zone économique exclusive, haute mer, plateau continental et zone des grands fonds marins), ce qui n'ajoute aucune efficacité à la mise en oeuvre d'une protection écosystémique du milieu marin. Quelles seraient alors les solutions ?

Une piste de solution est apportée par le Protocole lui-même évoqué au côté des États, cette solution est la possibilité d'avoir accès à des instruments régionaux, le protocole ne précise toutefois pas la forme de ces derniers. Pourrait-il alors s'agir des AMP qui regroupent en leur sein plusieurs États parties qui s'accordent sur un objectif de protection ? La réponse existe déjà car la Convention OSPAR l'a en effet prévue et prend en compte notamment l'immersion du CO2 depuis 2007147. L'avantage est ici non négligeable car une AMP pouvant se situer sur les territoires de plusieurs États, il y a consensus à l'utilisation et la protection des plateaux continentaux dont ils dépendent. Il n'y a ainsi plus de distinction sur l'étendue de la zone quant à la colonne d'eau et les fonds marins dont ils dépendent. Dans l'hypothèse où il n'y a aucun chevauchement, la formule régionale semble parfaitement adaptée si l'AMP prévoit d'encadrer ce type d'activité en prenant en compte le Protocole de 1996. La question est en revanche moins claire quand les aspects régionaux n'ont pas pour objectif premier la protection du milieu marin en tant que tel. En effet l'UE, dans une directive de 2009148, a légiféré de manière à établir un cadre plus précis sur l'immersion et le stockage du CO2 et précise en son article 2 :

« 1. La présente directive s'applique au stockage géologique du CO2 sur le territoire des États membres, dans leurs zones économiques exclusives et sur leurs plateaux continentaux au sens de la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM).

3. Le stockage du CO2 dans un site de stockage situé dans un complexe de stockage s'étendant au-delà de la zone visée au paragraphe 1 n'est pas autorisé. »

147 https://www.ospar.org/work-areas/oic/carbon-capture-and-storage;

148DIRECTIVE 2009/31/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil.

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La directive fait alors directement mention de la CNUDM et marque bien un cadre assez large de l'activité majeure que va constituer le stockage du dioxyde de carbone dans les années à venir. Néanmoins, contrairement à la possibilité des « lacs de CO2» à une profondeur supérieure à mille mètres, l'UE ne saurait le permettre en précisant dans l'aliéna 4 du même article que : « Le stockage du CO2 dans la colonne d'eau n'est pas autorisé ». Cette interdiction n'est pas totalement justifiée mais, la science n'étant pas au point sur ce type d'entreposage, il semble que la précaution soit ici appliquée à son extrême et au niveau législatif. Cette règle plus rigoureuse est de mise et reste applicable d'après les termes du Protocole. Il reste néanmoins une question importante à régler concernant le champ géographique. Quid des grands fonds marins et du rôle de l'AIFM ?

Il s'agit en effet de l'hypothèse géographique supplémentaire que sont les grands fonds marins. Si cela ne semble pas encore avoir été envisagé, il convient préalablement de se demander si cela est possible tant sur le plan de la technique que d'un point de vue juridique. Plus précisément, le stockage du CO2 dans les fonds marins est-il compatible avec le régime juridique de la Zone ?

Sur les aspects pratiques, les grands fonds marins tels qu'ils sont établis par la CNUDM dans la partie IX représentent 50% de la surface du sol de la planète149. Ces espaces sont parmi les moins connus du monde et ce notamment par faute de moyens techniques aujourd'hui encore trop coûteux par rapport aux retombées possibles de l'exploitation des ressources minières, biologiques, et peut-être géologiques150 de la Zone. Il en résulte que l'étude juridique est absolument hypothétique et permet simplement d'entrevoir l'articulation entre un régime spécifique et une activité en devenir. Le modèle de l'AIFM étant peut-être une piste à des fins de protection du milieu marin et donc de limitation des changements climatiques comme déjà entrevu151.

Le régime juridique de la Zone est très spécifique au niveau international car le statut de cette dernière a été qualifié de « patrimoine commun de l'humanité » par l'article 136 de la CNUDM152. Ainsi, cet espace ne peut faire l'objet d'aucune appropriation par des États et donc par une souveraineté étatique. À partir de ce constat il peut être intéressant de se

149 JEAN-PAUL PANCRACIO, « Droit de la mer », Dalloz, Précis, 1er édition, 2010, p. 335.

150 Section 2, A de ce chapitre.

151 Supra chapitre 1.

152 Article 136 CNUDM : « La Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l'humanité »

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demander comment juridiquement il serait possible que la Zone puisse accueillir l'activité de stockage du dioxyde de carbone. La Zone est gérée par les États via une institution internationale dénommé l'AIFM et dont le but est de permettre une meilleure gestion et le partage des ressources que contiennent les grands fonds marins, le tout en un modèle de « coopération internationale en vue du développement général de tous les pays »153. En 1994, le nouveau régime a pu permettre l'acceptation d'une exploitation applicable des ressources disponibles sur place avec la délivrance de permis de recherches scientifiques et d'explorations qui va bientôt arriver à échéance et laisser sa place à des permis d'exploitation. Il semble alors possible que l'AIFM puisse faire applicable du Protocole de 1996, auquel elle peut consentir en tant qu'institution internationale. Néanmoins, il y a en l'espèce un problème de qualification de l'exploitation qui ne permet pas un encadrement suffisant de l'activité pour une protection du milieu marin. C'est à ce moment précis qu'intervient le principe de prévention, déjà de mise car il s'agit d'un élément central de la Convention de Londres de 1972 et depuis le Protocole de 1996 il faudra noter l'intégration du principe de précaution.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite