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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

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Section 2 - Un encadrement insuffisant pour la protection du
milieu marin

Les dimensions institutionnelles sont bien présentes et potentiellement prêtes à accueillir l'activité de stockage du CO2. Néanmoins c'est dans l'application du droit que les problématiques peuvent apparaître notamment à travers l'absence de l'utilisation des études d'impact (A) et la faible prise en compte de ce stockage dans les cadres régionaux et nationaux (B).

A - L'absence de l'utilisation des études d'impact pour le stockage du CO2

L'étude d'impact est un outil important pour la mise en oeuvre de principes juridiques tels que la prévention ou la précaution permettant une protection effective du milieu marin. Ces dernières se matérialisent par des études d'impact détaillées qui doivent se fonder sur la description d'un état initial des sites dont l'exploitation est envisagée sur : « des données fiables couvrant tous les compartiments de l'environnement marin (faune et flore, sédiments,

153 JEAN-PAUL PANCRACIO, « Droit de la mer », Dalloz, Précis, 1er édition, 2010, p. 337.

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colonne d'eau) »154. En remarque préliminaire il convient de préciser que la responsabilité appartient aux exploitants des ressources minières des fonds marins d'après les règlementations nationales pour ce qui concerne la ZEE et internationale pour l'AIFM. Ce sont donc à ces dernières qu'il revient de rédiger ces études d'impact. La seconde remarque s'oriente davantage sur la terminologie « d'exploitation ». En effet, l'exploitation n'est définie dans aucun texte en tant que telle, et tels que son rédigés les textes à l'heure actuelle, il semble que l'exploitation ne puisse que permettre le prélèvement de ressources minérales ou biologiques. La question est ouverte quant à l'exploitation d'un site en tant que zone de stockage pour le dioxyde de carbone. Cette dernière pourrait-elle être l'immersion et le piégeage des GES au sein de couches géologiques ou cavités précédemment exploitées pour le prélèvement des ressources. Il faudrait alors opérer deux définitions claires de l'exploitation. L'une serait l'exploitation-prélèvement et l'autre serait l'exploitation pour stockage. La scission ne serait pas absurde et pourrait faire partie intégrante du Protocole de 1996 car il ne se limiterait donc pas uniquement à l'immersion et à l'enfouissement des GES. Le cadre serait alors plus clair sur la notion même de ce qu'est une exploitation.

La problématique qui se pose principalement est la capacité des responsables à effectuer des études d'impact en appliquant les principes mis en place par le droit, que ces derniers se trouvent au sein du Code minier établit par l'AIFM ou encore le Protocole de Londres qui devrait indéniablement être pris en compte par l'Autorité. Cela a déjà été remarqué, l'état des connaissances sur les grands fonds marins est très faible ce qui ne peut encore permettre aux entreprises qui patronnent, aujourd'hui pour l'exploration, demain pour l'exploitation155, d'effectuer des évaluations d'impact suffisantes et détaillées. De plus, l'étude d'impact nécessite encore une fois une approche écosystémique sur l'ensemble de la zone qui sera choisie pour l'immersion du CO2 mais également une approche systémique en droit. C'est-à-dire qu'en plus de prendre en compte les principes de droits de l'environnement dans l'étude à faire, il y a la nécessité d'y ajouter les « process industriels, qui pour la plupart, sont confidentiels et/ou en cours de développement »156. Pour aller plus loin, le droit de

154 JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY ET JEAN-MARC SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore difficile », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.

155 A condition d'accepter l'enfouissement comme un des aspects de l'exploitation.

156 JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY et JEAN-MARC SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore difficile », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.

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l'environnement se retrouvera confronté, au sein d'un document au droit de la propriété intellectuelle et ce sans évoquer les différentes échelles de la pyramide de Kelsen. C'est probablement cette complexité qui marque le faible nombre d'études d'impact aujourd'hui disponibles, et ce chiffre est d'autant plus faible quand il s'agit de trouver des études d'impact accessibles à tous. L'information ne semble plus être un principe environnemental lorsqu'il est question de l'exploitation de ressources157. De plus, l'AIFM impose aux signataires d'effectuer et de respecter des mesures d'évitement, de réduction et de gestion durant les explorations des gisements (ou passablement des sites de stockage), mais n'a encore rien réglementé pour encadrer les études d'impact concernant les exploitations commerciales158.

Pour mieux opérer la faible réglementation autour de l'étude d'impact il est utile d'étudier successivement la législation française159 et la législation établie par l'AIFM.

D'une part la France a opéré des réformes en 2011 sous l'impulsion du Grenelle de l'Environnement. L'évaluation environnementale a été enrichie au cours de l'année 2016 par une ordonnance160. Ainsi le contenu de l'étude d'impact a été renforcé permettant en outre d'accueillir les situations de changement climatique. Cette réforme a également : « modifié le champ des projets et programmes soumis à une évaluation environnementale systématique ou à une évaluation réalisée »161, selon l'espèce. Il en résulte que le tableau annexé à l'article R. 122-2 du Code précité (modifié par le décret n°2016-1110 du 11 août 2016) affiche donc le cadrage de l'évaluation environnementale obligatoire pour les opérations d'extraction marine de minéraux. Encore une fois, la loi ne permet pas d'accueillir une exploitation au sens de l'activité de stockage du CO2. Néanmoins, les activités sont plutôt proches et permettent d'imaginer une analogie entre un régime existant et un régime à construire.

D'autre part, l'AIFM compte parmi ses missions celle de réglementer l'exploitation minière des grands fonds marins localisée en dehors de la juridiction nationale162 et de veiller à la préservation du milieu marin contre les effets nocifs de l'exploration et de l'exploitation future. Pour arriver au terme de ses missions, l'AIFM a mis en place le Code minier qui

157 Convention d'Aarhus signée le 25 juin 1998 et entrée en vigueur le 30 octobre 2001.

158 RICHARD MAHAPATRA et ANUPAM CHAKRAVARTTY , « Mining at deep sea », Down to Earth 1, 2014 : http://www.downtoearth.org.in/coverage/mining-at-deep-sea-46049

159 Pour sa ZEE.

160Ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016.

161JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY et JEAN-MARC SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore difficile », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.

162C'est-à-dire la Zone international des fonds marins, qualifié de patrimoine commun de l'humanité.

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regroupe des règles détaillées concernant les activités minières. Ce dernier impose au sein des contrats effectués avec les entreprises d'exploration et d'exploitation, une évaluation des impacts environnementaux issus de leurs activités163. Ce dernier évoque : « l'exploration des minéraux » et ne semble pas pouvoir accueillir l'hypothèse d'un enfouissement du dioxyde de carbone. Cette absence est confirmée notamment par une liste des activités nécessitant une évaluation préalable de leurs impacts sur l'environnement et la mise en oeuvre d'un programme de surveillance pendant et après le déroulement de l'activité en question a été décidée164. Ainsi, deux décisions portent sur les points suivants :

« -prélèvements à étudier à terre du point de vue de leur extraction et de leur traitement, si l'aire d'échantillonnage de chaque opération est supérieure à la limite fixée dans les recommandations propres à certaines ressources minérales ;

-utilisation de systèmes destinés à provoquer des perturbations au fond,

-essais des procédés et matériels de ramassage,

-activités de forage au moyen d'appareils de forage embarqués, échantillonnage de roches,

-prélèvements par traîneau, drague ou chalut épibenthique, à moins qu'ils ne soient autorisés pour des surfaces inférieures à la limite fixée dans les recommandations propres à certaines ressources minérales. »

Au final, il serait possible d'opérer une analogie à la vue d'activités qui entre dans le champ de l'enfouissement du dioxyde carbone à l'instar des activités de forage ou d'échantillonnage. Mais l'activité d'enfouissement du CO2 mériterait, au vu des risques en présence, une réglementation clairement définie par une Convention. De son côté, le Protocole de 1996 permet un encadrement sur ce point mais qui apparaît encore léger.

En effet, l'article 9 du Protocole dispose de la délivrance des permis et des notifications. Ce dernier établit l'obligation pour les Parties de : « surveiller individuellement ou en collaboration avec d'autres Parties contractantes et les organisations internationales

163Voir le document ISBA/19/ LTC/8.

164Commission juridique et technique de l'AIFM - Recommandations à l'intention des contractants en vue de l'évaluation d'éventuels impacts sur l'environnement liés à l'exploration des minéraux marins dans la Zone, n°13-24714, 2013.

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compétentes l'état des mers au fins du présent Protocole »165. Il s'agit en l'espèce d'une obligation de contrôle a posteriori. Cela peut être efficace mais entre en contradiction avec les modifications apportées à la Convention par le Protocole en 1996 comme l'introduction de : « l'approche de précaution en matière de protection de l'environnement contre l'immersion de déchets ou autres matières » et qui réaffirme les critères de cette dernière dans son article 3.1166. Ainsi il serait judicieux de la part de la part des rédacteurs, de mettre en place par cet outil juridique une évaluation d'impact avec des principes généraux pour les déchets de manières indifférenciés et ensuite des règlementations plus spécifiques issues de recommandations scientifiques167. La mise en place d'une telle mesure achèverait de moderniser l'application des principes existants et renforcerait l'action préventive. Ceci-dit, les instruments régionaux et nationaux ne sont pas davantage préparés à accueillir cette nouvelle activité de manière sécurisée pour le milieu marin.

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