5.2-DISCUSSION DES RESULTATS
Il est question ici de rendre compte des perceptions
réelles des participants et de nos perceptions personnelles au cours de
cette étude en mettant en exergue les concepts, les relations ou
modèles révélés par ces résultats. Avant
cela, il est nécessaire de rappeler que la première
hypothèse de recherche affirmait que le fonctionnement de l'institution
contribue à la montée de la violence en milieu scolaire et la
deuxième hypothèse prédit que l'environnement
socioéconomique contribue à la violence en milieu scolaire.
Michel Develay (1996) affirme que, ce qui crée la
crise au sein de l'institution est que, l'école comme espace dans lequel
les élèves séjournent pendant une longue période de
leur vie, c'est-à-dire de la tendre enfance à la fin de
l'adolescence, est un espace impersonnel, « froid »,
« sobre », un espace sans vie. En effet, l'architecture
même de l'école est semblable à celle des prisons :
les salles de classe sont exigües avec une seule issue sortie possible
(même lorsqu'on prévoit deux portes, la deuxième ne sert
généralement pas), l'enceinte est protégé par une
clôture haute qui empêche de s'en échapper avec de part et
d'autres des Surveillants postés comme des policiers en faction
prêts à et tirer sur tous ceux qui surgissent de la salle de
classe et qui appliquent le Règlement Intérieur de façon
mécanique. Ils mettent par exemple en corvée, infligent des
heures d'absences et au besoin, confient à leur hiérarchie des
cas qu'ils jugent graves des exclusions définitives, souvent
prononcées sans voie de recours. La salle de classe impose une seule
posture et une seule méthode, le magistro-centrisme. Le professeur est
le maître à bord et tous les regards sont braqués vers lui
pour boire la connaissance. Les effectifs pléthoriques créent la
chaleur et la tension dans la salle de classe, tant pour les
élèves que pour les enseignants.
A cette violence même du cadre institutionnel s'ajoute
celle des enseignants avec leurs attitudes qui sont de nature à susciter
des tensions. En effet, la relation élèves-enseignants est une
relation emprunte de conflit parce que les enseignants considèrent
d'abord leur métier comme un gagne-pain, qui leur permet de
résoudre leur problèmes socioéconomiques. Il y'a donc
absence de vocation, d'amour pour ces humains dont ils ont la charge et dont
l'avenir est entre leurs mains. Beaucoup se donnent pour objectif de ne jamais
rire ou « blaguer » avec les élèves,
d'être le plus inaccessible possible. Les élèves s'en
plaignent, car aimeraient voir chez leurs enseignants, cette affection qu'un
parent a vis-à-vis de ses enfants. Ils vivent mal cet
éloignement, ce fossé qui se creuse plus profondément et
qui à la limite influence la finalité même voulue par le
processus éducatif. L'élève N°11 l'exprime
clairement : « Il y'a un temps pour donner cours, il y'a un
temps pour causer. Si tu ne causes pas avec un élève, il ne va
pas te considérer et te manquer de respect ». Nous
ressentons à travers ces paroles un besoin de communiquer, de dialoguer
avec l'enseignant, de se confier. Besoin que les enseignants ignorent
délibérément et renforcent par leurs attitudes le
sentiment de frustration des élèves.
Pierre Merle (2002) en parlant de la violence de l'institution
présente les types d'humiliations subies par les élèves.
Il montre que le fait de présenter publiquement les difficultés
d'un élève dans une discipline ou proférer des injures
pour incompétence scolaire, de remettre les copies par ordre
décroissant, classer les élèves par ordre de mérite
ou encore d'annoncer publiquement quelles sont les meilleures classes, donner
des surnoms ou des sobriquets aux élèves, envoyer un
élève en situation difficile d'apprentissage au tableau et bien
d'autres, sont autant de variétés de mise en cause publiques qui
représentent aussi des humiliations des élèves. Il
démontre que, passer au tableau représente souvent pour les
élèves une sorte de « passage à
tabac » que ces derniers vivent avec beaucoup de peines.
L'entrée et la sortie du cycle secondaire est froide,
sans émotions, sans implications particulières de
l'administration ou des pairs. Ceux de la classe de 6ème par
exemple ne se retrouvent pas dans cet environnement où l'on se contente
de leur faire faire un concours. Aucun accueil particulier ne leur est
réservé pour leur expliquer ce qui les attend et comment ils
doivent s'orienter. De même, aucune cérémonie d'Au revoir
n'est prévue pour les finissants. Les élèves passent
ainsi leur vie dans un milieu où ils ne trouvent rien d'attachant,
où ils ne se sentent pas intégrés. C'est pour cette raison
qu'ils peuvent s'attaquer à l'espace scolaire en le détruisant,
aux camarades, aux enseignants et à l'équipe administrative, car
ils se sentent opprimés, oppressés. Parfois s'ils y restent
c'est, comme le pense Mme Rita, pour faire plaisir aux parents. Ils n'y
trouvent pas de motivations personnelles.
En analysant le problème de la violence en milieu
scolaire, nous avons aussi constaté que plusieurs problèmes
vécus au sein de l'école sont d'origine sociale. Le vécu
des acteurs de l'éducation dans l'environnement familial, dans le
quartier se transpose à l'école avec tout ce qu'il comporte de
frustrations, d'inégalités, de combat pour la survie. Michel
Develay (1996), pour montrer le lien entre l'environnement social et
l'école disait : « Lorsque la société
s'enrhume, l'Ecole tousse. L'inverse aussi est vrai : quand
l'école a de la fièvre, la société se sent
fébrile ». Cette thèse montre que l'école a de
plus en plus du mal à échanger avec la société
alors que les deux sont liés. Il propose que les valeurs et les
réalités de la société soient celles de
l'école. L'école se soucie moins, de son avis, de ce qui se passe
dans la société. Il considère que ce qui fait
problème à l'école c'est qu'au lieu de promouvoir la
transdisciplinarité face aux changements sociaux, elle continue
à enseigner les disciplines séparément, ne
répondant pas aux problèmes réels des apprenants qui ne
demandent qu'à être sûrs que l'école leur accordera
un épanouissement certains dans la société.
Les élèves, issus de milieux
défavorisés voient en l'école la reproduction des
schèmes et des inégalités socioéconomiques à
cause de ce qu'ils subissent de la part des camarades et des enseignants.
C'est ce qu'a démontré Merle qui affirme que :
« Les humiliations sur la personne sont orientées par
l'honorabilité des statuts sociaux et la noblesse des
origines ». Les interpellations ou les qualificatifs
liés à la profession des parents ou à l'origine sociales
sont donc monnaie courante, si l'on s'en tient à Merle et si l'on
compare les résultats obtenus en rapport avec nos hypothèses de
recherche.
Cette étude nous paraît donc pouvoir être
d'un apport considérable dans le domaine des Sciences de l'Education et
surtout dans la Gouvernance des établissements scolaires car celle-ci ne
saurait être efficace dans le chaos, dans le désordre. Parler de
bonne gouvernance à l'école, c'est parler des problèmes
que rencontrent les acteurs de ce milieu si sensible. La combinaison des deux
facteurs internes et externes qui s'influencent mutuellement et influencent la
violence au sein de l'école permettra de mieux cerner cette
dernière et même de l'éradiquer.
|