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La violence en milieu scolaire: cas du lycée de tigaza


par Estelle FOUDA MENYENG
Institut Universitaire Catholique de Bertoua - Master 2 2016
  

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5.2-DISCUSSION DES RESULTATS

Il est question ici de rendre compte des perceptions réelles des participants et de nos perceptions personnelles au cours de cette étude en mettant en exergue les concepts, les relations ou modèles révélés par ces résultats. Avant cela, il est nécessaire de rappeler que la première hypothèse de recherche affirmait que le fonctionnement de l'institution contribue à la montée de la violence en milieu scolaire et la deuxième hypothèse prédit que l'environnement socioéconomique contribue à la violence en milieu scolaire.

Michel Develay (1996) affirme que, ce qui crée la crise au sein de l'institution est que, l'école comme espace dans lequel les élèves séjournent pendant une longue période de leur vie, c'est-à-dire de la tendre enfance à la fin de l'adolescence, est un espace impersonnel, « froid », « sobre », un espace sans vie. En effet, l'architecture même de l'école est semblable à celle des prisons : les salles de classe sont exigües avec une seule issue sortie possible (même lorsqu'on prévoit deux portes, la deuxième ne sert généralement pas), l'enceinte est protégé par une clôture haute qui empêche de s'en échapper avec de part et d'autres des Surveillants postés comme des policiers en faction prêts à et tirer sur tous ceux qui surgissent de la salle de classe et qui appliquent le Règlement Intérieur de façon mécanique. Ils mettent par exemple en corvée, infligent des heures d'absences et au besoin, confient à leur hiérarchie des cas qu'ils jugent graves des exclusions définitives, souvent prononcées sans voie de recours. La salle de classe impose une seule posture et une seule méthode, le magistro-centrisme. Le professeur est le maître à bord et tous les regards sont braqués vers lui pour boire la connaissance. Les effectifs pléthoriques créent la chaleur et la tension dans la salle de classe, tant pour les élèves que pour les enseignants.

A cette violence même du cadre institutionnel s'ajoute celle des enseignants avec leurs attitudes qui sont de nature à susciter des tensions. En effet, la relation élèves-enseignants est une relation emprunte de conflit parce que les enseignants considèrent d'abord leur métier comme un gagne-pain, qui leur permet de résoudre leur problèmes socioéconomiques. Il y'a donc absence de vocation, d'amour pour ces humains dont ils ont la charge et dont l'avenir est entre leurs mains. Beaucoup se donnent pour objectif de ne jamais rire ou « blaguer » avec les élèves, d'être le plus inaccessible possible. Les élèves s'en plaignent, car aimeraient voir chez leurs enseignants, cette affection qu'un parent a vis-à-vis de ses enfants. Ils vivent mal cet éloignement, ce fossé qui se creuse plus profondément et qui à la limite influence la finalité même voulue par le processus éducatif. L'élève N°11 l'exprime clairement : « Il y'a un temps pour donner cours, il y'a un temps pour causer. Si tu ne causes pas avec un élève, il ne va pas te considérer et te manquer de respect ». Nous ressentons à travers ces paroles un besoin de communiquer, de dialoguer avec l'enseignant, de se confier. Besoin que les enseignants ignorent délibérément et renforcent par leurs attitudes le sentiment de frustration des élèves.

Pierre Merle (2002) en parlant de la violence de l'institution présente les types d'humiliations subies par les élèves. Il montre que le fait de présenter publiquement les difficultés d'un élève dans une discipline ou proférer des injures pour incompétence scolaire, de remettre les copies par ordre décroissant, classer les élèves par ordre de mérite ou encore d'annoncer publiquement quelles sont les meilleures classes, donner des surnoms ou des sobriquets aux élèves, envoyer un élève en situation difficile d'apprentissage au tableau et bien d'autres, sont autant de variétés de mise en cause publiques qui représentent aussi des humiliations des élèves. Il démontre que, passer au tableau représente souvent pour les élèves une sorte de « passage à tabac » que ces derniers vivent avec beaucoup de peines.

L'entrée et la sortie du cycle secondaire est froide, sans émotions, sans implications particulières de l'administration ou des pairs. Ceux de la classe de 6ème par exemple ne se retrouvent pas dans cet environnement où l'on se contente de leur faire faire un concours. Aucun accueil particulier ne leur est réservé pour leur expliquer ce qui les attend et comment ils doivent s'orienter. De même, aucune cérémonie d'Au revoir n'est prévue pour les finissants. Les élèves passent ainsi leur vie dans un milieu où ils ne trouvent rien d'attachant, où ils ne se sentent pas intégrés. C'est pour cette raison qu'ils peuvent s'attaquer à l'espace scolaire en le détruisant, aux camarades, aux enseignants et à l'équipe administrative, car ils se sentent opprimés, oppressés. Parfois s'ils y restent c'est, comme le pense Mme Rita, pour faire plaisir aux parents. Ils n'y trouvent pas de motivations personnelles.

En analysant le problème de la violence en milieu scolaire, nous avons aussi constaté que plusieurs problèmes vécus au sein de l'école sont d'origine sociale. Le vécu des acteurs de l'éducation dans l'environnement familial, dans le quartier se transpose à l'école avec tout ce qu'il comporte de frustrations, d'inégalités, de combat pour la survie. Michel Develay (1996), pour montrer le lien entre l'environnement social et l'école disait : « Lorsque la société s'enrhume, l'Ecole tousse. L'inverse aussi est vrai : quand l'école a de la fièvre, la société se sent fébrile ». Cette thèse montre que l'école a de plus en plus du mal à échanger avec la société alors que les deux sont liés. Il propose que les valeurs et les réalités de la société soient celles de l'école. L'école se soucie moins, de son avis, de ce qui se passe dans la société. Il considère que ce qui fait problème à l'école c'est qu'au lieu de promouvoir la transdisciplinarité face aux changements sociaux, elle continue à enseigner les disciplines séparément, ne répondant pas aux problèmes réels des apprenants qui ne demandent qu'à être sûrs que l'école leur accordera un épanouissement certains dans la société.

Les élèves, issus de milieux défavorisés voient en l'école la reproduction des schèmes et des inégalités socioéconomiques à cause de ce qu'ils subissent de la part des camarades et des enseignants. C'est ce qu'a démontré Merle qui affirme que : « Les humiliations sur la personne sont orientées par l'honorabilité des statuts sociaux et la noblesse des origines ». Les interpellations ou les qualificatifs liés à la profession des parents ou à l'origine sociales sont donc monnaie courante, si l'on s'en tient à Merle et si l'on compare les résultats obtenus en rapport avec nos hypothèses de recherche.

Cette étude nous paraît donc pouvoir être d'un apport considérable dans le domaine des Sciences de l'Education et surtout dans la Gouvernance des établissements scolaires car celle-ci ne saurait être efficace dans le chaos, dans le désordre. Parler de bonne gouvernance à l'école, c'est parler des problèmes que rencontrent les acteurs de ce milieu si sensible. La combinaison des deux facteurs internes et externes qui s'influencent mutuellement et influencent la violence au sein de l'école permettra de mieux cerner cette dernière et même de l'éradiquer.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore