Chapitre V : INTERPRETATION DES RESULTATS, DISCUSSION ET
SUGGESTIONS
Dans le présent chapitre, nous nous attèlerons
à relire les résultats sous l'angle des théories qui on
guidé notre recherche afin d'expliquer la violence en milieu scolaire.
Ensuite, il sera ensuite question de discuter ces résultats pour
identifier et faire comprendre leurs limites. A la fin, nous nous permettrons
d'émettre quelques suggestions sur la base des résultats obtenus.
5.1-INTERPRETATION DES RESULTATS
L'interprétation des résultats obtenus
grâce à l'analyse de contenu nous permettra, à partir des
hypothèses de recherche, de confronter les théories qui
soutiennent notre étude après les avoir commentés et mis
en forme.
5.1.1-Interprétation de l'hypothèse de
recherche N°1 (HR1)
Notre première hypothèse affirme que le
fonctionnement de l'institution scolaire contribue à la montée de
la violence en milieu scolaire. A la suite des observations faites du quotidien
des acteurs du milieu et des cours et à l'aide des entretiens et des
documents qui nous ont permis de compléter les observations nous avons
fait une analyse des manifestations et des causes internes de la violence.
Celle-ci montre des défaillances dans la gestion administrative et
pédagogique des élèves ainsi que dans l'attitude des
enseignants, ce qui peut contribuer à l'escalade de la violence en
milieu scolaire.
En effet, la violence symbolique développée par
Pierre Bourdieu (1972, 1997) se manifeste dans le fonctionnement de
l'institution scolaire par cette imposition des représentations et des
normes, c'est ce que Joan Galtung (1972) appelle la « violence
structurelle ». Les enseignants représentent la classe
dominante exerçant, au sein de l'école, son arbitraire sur les
élèves qui, de façon consciente ou non intègrent
leur position de dominés. Ils doivent obéissance et soumission
sans conditions aux enseignants face auxquels ils auront toujours tord. Ils
acceptent alors tant bien que mal les normes imposées par un
Règlement Intérieur jugé trop rigide et à
l'élaboration duquel ils n'ont pas participé. Par ailleurs, il
n'existe aucune règle explicite régissant le comportement des
enseignants qui, eux, agissent en toute impunité. C'est à cause
de cela que les élèves sont solidaires les uns des autres, tout
comme les enseignants le sont entre eux. Ils forment un bloc face à la
classe dominante pour défendre un des leurs, même s'il est dans
l'erreur.
Les enseignants brandissent leur mission éducatrice
comme le faisaient les colons avec leur « mission
civilisatrice ». Pour eux, les élèves sont tous des
petits sauvages ou des « sauvageons » pour reprendre le
terme de Débardieux (1998), des « ignorants », des
petits « mal éduqués » ou « pas
éduqués » qu'il faut à tout prix
« dresser » ou « redresser » (Cf. M.
Guy), à qui il faut transmettre la civilisation, les
« civilités ». Ceci passe par la discipline, la
discipline et encore la discipline. Tout le monde est pour que soient
respectées les règles.
Un autre aspect de la violence symbolique est
l'inégalité des chances pour accéder à
l'école et même pour y réussir. En effet, le recrutement
est truqué à la base car on a l'impression que pour y entrer, il
faut soit être parrainé soit monnayer. Et en plus de cela la
démocratisation et la massification de l'école fait que pauvres
et riches se battent pour que leurs enfants aillent à l'école,
ce qui fait que les effectifs sont pléthoriques comme le montre le
tableau de répartition des divisions par classe. Une fois qu'ils y ont
accès, il leur faut encore pour y réussir, se battre en
travaillant dur. Certains élèves peuvent réussir
aisément à cause de leurs facultés intellectuelles plus
développées. Les enseignants préfèrent ainsi
travailler avec eux délaissant les autres qui sont obligés de
fournir plus d'effort pour être à la hauteur quand ils ne se
découragent pas et restent passifs sachant qu'ils seront toujours
« faibles », « mauvais
élèves ». D'autres encore réussissent à
cause de la corruption favorisée par les enseignants eux-mêmes,
créant ainsi des frustrations qui plus tard génèrent de la
violence. En outre le système d'évaluation favorise juste les
élèves « forts », sans tenir compte de ceux
qui ne comprennent pas facilement. Parfois les évaluations sont faites
sans préparation préalable des élèves qui, quand
ils ont de mauvaises notes, sont traités de
« faibles », « fainéants ».
Philippe Braud (2002), considère aussi que cette
dépréciation qui se traduit aussi par toute forme d'injures, de
paroles et d'attitudes de dénigrement, de calomnie, de
stéréotypes est une violence symbolique. Braud le démontre
en montrant que Car selon Braud, « c'est l'École, une
institution égalitaire, ouverte à tous mais vouée à
consacrer le mérite et l'excellence, qui constitue le lieu
privilégié d'intériorisation du stigmate. » Les
enseignants aussi parfois victimes de l'arbitraire de l'administration qui ne
leur donne pas assez de parole dans la prise de décision et même
des élèves qui, parfois les poussent à bout,
réagissent à cette violence qui leur fait perdre leur
dignité et leur autorité devant les élèves de
façon instinctive. Ils vivent l'attitude des élèves comme
échec dans l'exercice de leurs fonctions et se sentent harcelés
en permanence par ceux qu'ils sont censés conduire, éduquer.
Enseignants et élèves s'attaquent mutuellement
chacun à l'identité physique ou morale de l'autre à
travers l'attribution des qualificatifs ou des noms péjoratifs, qui de
façon subtiles sont dépréciatifs. Ils se retrouvent dans
une situation où les repères sont ébranlés car
chacun se méfie de l'autre qu'il soupçonne constamment de lui
vouloir du mal. C'est ce qui justifie cette animosité permanente entre
les deux, cette agressivité spontanée face à l'attitude
des uns et des autres.
Partant ainsi de la théorie de la violence fondamentale
de Jean Bergeret, nous pouvons constater que les élèves
réagissent de façon violente à la sensation qu'ils ont
d'être opprimés, de perdre leur dignité. Ils agissent de
façon instinctive et défensive à la
menace « narcissique », celle de leur
identité, que leur opposent les enseignants, sans haine
préalable, juste de façon spontanée. Ainsi, les
humiliations ou encore ce qu'ils considèrent comme « manque de
respect » de la part des pairs ou des enseignants, les punitions
exagérées ou injustes et la rigidité du Règlement
intérieur constituent autant de motifs pour que les élèves
réagissent de façon violente vis-à-vis de leurs pairs et
des enseignants. Les incivilités, les agressions physiques et verbales,
les refus d'obtempérer sont autant de réactions spontanées
face à la menace que représente l'enseignant.
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