4.2.1.2.2- Les violences contre l'institution scolaire ou
violences anti-scolaire
- Le chahut
La violence des élèves se manifeste beaucoup
plus par le fait de troubler les cours, soit par le
chahut, soit par des paroles ou des actes
déplacés. Testanière (1967), définit le
chahut comme « tous cas de désordre qui résulte
directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif, accompli par
l'élève lui-même et qu'il savait devoir produire ce
résultat ». En nous inspirant de Georges Felouzis (1991) nous
avons pu observer plusieurs formes de chahuts à savoir :
· Le bavardage avec un voisin de banc pour des motifs
autres que le travail en groupe,
· Les grands gestes,
· Les grimaces,
· Des rires bruyants,
· Les déplacements à l'intérieur de
la classe sans rapport avec le travail
· Les échanges d'objets sans rapport avec le
travail.
A cette liste nous ajoutons les jeux en plein cours, tous les
bruits produits par les élèves et qui pèsent sur
l'ambiance de la classe. Des parties du cours observés en
6ème Bilingue nous aiderons à comprendre ce
phénomène :
Séquence 7 :
Le professeur mène une activité
d'intégration de ce qu'il a enseigné antérieurement aux
élèves. Il demande aux élèves de situer leur
village.
Un élève :
Mon village est situé au Nord
L'enseignant : Le Nord
c'est vague.
Les autres élèves
pêle-mêle : Nord des Etats-Unis, Pôle Nord...
Pendant ce temps une fille du dernier banc de la
première rangée tape sur la table-banc avec ses mains, son voisin
de devant tape aussi la table avec ses deux stylos à bille (il se
ressaisit quelques seconde lorsque nos regards se croisent et continue de taper
en mimant quelque chose). Les autres se moquent des noms de villages de leurs
camarades et rient aux éclats.
Un élève : Monsieur, on pousse les
gens. (le professeur ne le regarde même pas car il écoute les
réponses des élèves). Il pose une question.
Plusieurs élèves crient: Moi monsieur,
moi monsieur...
Le professeur : qui tape ? (pas de
réponse et il continue)
Tout le monde parle et le prof ne suit pas.
Le Professeur tente de les ramener à
l'ordre :Ooo ! Ooo !
Plus tard : Ooo, Guizou !
Plus loin : écoutez ce que Kenfack
dit !
Trois élèvent tapent sur la table avec leurs
stylos et les autres bavardent.
Le professeur : les autres suivez !
Le professeur interpelle la fille
évoquée plus haut et qui bavarde: Djamilatou !
Un élève que je ne repère pas tape
sur la table, une autre fille tape aussi sur la table...Une
élève s'accroupit et semble raconter une histoire à ses
voisines de banc.
Le Professeur : Suivez ! Ooo !
Ooo !
Plus loin encore : Ooo, Adama, qu'est-ce qu'il
y'a ?...Taisez vous !...
En environ 40 minutes de cours nous avons noté 15
interpellations visant à ramener l'ordre dans la classe. Ceci est
épuisant pour l'enseignant qui doit faire des efforts
supplémentaires. Nous avons remarqué que ces derniers sortent des
cours exténués à force d'avoir crié. Pour
éviter ce chahut, certains enseignants sont obligés de
monopoliser la parole et de faire faire le maximum d'exercices possibles, comme
le mentionne l'enseignante observée en 3ème Allemand
(NOC, 25/10/2016).
Si certains cherchent à ramener le calme, d'autres
enseignants par contre préfèrent ignorer le bruit et dispensent
leur cours au détriment de ceux qui veulent vraiment suivre, c'est le
cas de Mme Rita. Elle souligne cependant lors de l'interview que :
« certains élèves sont gênés lorsque
les autres bavardent et leur chahut peut avoir une influence sur leur
rendement ». Ici, elle évoque non seulement la violence
que le chahut exerce sur les camarades, mais aussi anticipe sur les
conséquences de celui-ci. Elle ajoute que « la classe
n'est pas un cimetière...il n'ya pas de miracle pour que les
élèves soient muets. Quelque chose va toujours les amener
à parler. »
- la destruction du cadre scolaire
La plupart des salles de classe que nous avons
observées ont des graffitis sur les murs. Les élèvent
utilisent des substances difficiles à effacer pour exprimer tout ce qui
leur passe par la tête. Les tables-bancs subissent le même sort, ce
qui donne une impression d'insalubrité à ces bâtiments qui
n'ont pas plus de cinq ans d'âge. Un élève a d'ailleurs
été sanctionné à repeindre la salle de classe parce
qu'il inscrivait des graffitis sur les murs (NOE, Rassemblement du 14/11/2016).
- La violation des règles et des normes
La plupart des violences perpétrées par les
élèves sont liées au non respect du
Règlement Intérieur. En effet, toutes les
catégories de fautes ainsi que les sanctions prévues pour les
élèves y sont inscrites, mais les élèves
violent au quotidien ces règles par leur tenue vestimentaire et
corporelle non conforme, les absences injustifiées, les retards, le
refus de se faire évaluer, la désertion des salles de classe aux
heures de cours à travers l'escalade de la clôture ou avec la
complicité des gardiens.
- La passivité, l'ennui, le sommeil en plein
cours et l'indifférence
Nous avons constaté, en observant les cours, que les
élèves manifestent généralement peu
d'intérêt vis-à-vis de ceux-ci. Plusieurs
se couchent sur la table pendant que l'enseignant donne des explications,
dorment, ne participent pas aux activités et ne lèvent même
jamais le doigt pour répondre aux questions. Ils sont
indifférents, passifs et semble avoir l'esprit ailleurs que dans la
salle de classe. Parfois même ils ne recopient pas le cours, signe de
leur manque d'engagement, de leur démotivation face à
l'école. C'est ce type d'élève qui attend la pause avec
impatience, qui se plaint de la longueur du cours et fait qu'on écrit
trop.
Lorsqu'un enseignant se retrouve face à une classe
passive, dont les élèves ne font pas les devoirs à la
maison, n'ont pas de bonnes notes aux évaluations, cela crée en
lui un sentiment de découragement. Il est aussi à noter que
plusieurs élèves ne connaissent pas les noms des enseignants, ni
des membres du corps administratif. Ils ne maîtrisent même pas
leur emploi du temps, comme c'est le cas de cet élève de
5ème, amené par son Chef de classe chez le Censeur
parce qu'il tapait sur la table-banc :
Séquence 8 :
Censeur : Vous avez quel cours
maintenant ?
Elève : Je ne sais pas.(Ses camarades
répondent qu'ils ont EPS, Education à la Citoyenneté et
à la Morale et l'Anglais).
Censeur : Tu as quel cahier dans ton
sac ?
Elève : le cahier d'ECM.
Censeur : et l'Anglais alors ?
Elève : Je ne savais pas qu'on avait Anglais
le vendredi.
Le Censeur lui donne 08 coups de fouets parce qu'il ne
connaît pas son emploi du temps et demande ensuite : Tu as eu quelle
moyenne à la 1ère séquence ?
Elève : 08(sur 20), Monsieur. Et le Censeur
lui ajoute deux coups pour ce motif, en promettant de le fouetter s'il avait
une mauvaise note à la 2ème séquence.
(NOE, 18/11/2016)
Le cas de cet élève démontre le
désintérêt qu'il manifeste face à l'école et
sa note le prouve suffisamment. En dehors du fait qu'il n'a pas tous ses
cahiers, qu'il ne connaît pas son emploi du temps et fait du bruit en
classe, sa tenue est toute est sale et déchirée.
|