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La violence en milieu scolaire: cas du lycée de tigaza


par Estelle FOUDA MENYENG
Institut Universitaire Catholique de Bertoua - Master 2 2016
  

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2.1.3.2- La violence verbale en milieu scolaire

Joseph AVODO (2010) a abordé la question sous un autre angle. En partant de l'hypothèse d'une violence potentielle, propre à l'institution scolaire pour pointer un doigt accusateur aux pratiques enseignantes qui véhiculent des modèles interactionnels négatifs pouvant influencer la personnalité des élèves et en se basant sur des données ethnographiques et orales collectées dans trois lycées de la ville de Yaoundé, il cherche à décrire la ``violence éducative'', moins médiatisée et dont sont victimes les élèves. Celle-ci est beaucoup plus verbale et se traduit par les incivilités, le dénigrement, l'impolitesse, l'insulte et le malentendu.

Après avoir présenté les dispositions institutionnelles et réglementaires, il s'attarde sur les droits et devoirs tant des élèves que des enseignants définis dans la Loi de l'orientation de l'Education au Cameroun. Partant de la conception de l'école de Gilbert Tsafack, il cherche à établir un lien entre les interactions pédagogiques, le rapport d'autorité et la violence verbale. L'interaction pédagogique vise une insertion sociale de l'apprenant. Cependant, élèves et enseignants ont des statuts « dissymétriques » : l'enseignant occupe une position institutionnelle qui lui permet d'exercer une influence sur l'apprenant qui se retrouve en bas.

Avodo distingue deux types de violence éducative :

· La violence éducative intentionnelle :

Elle vise à produire un effet précis et se traduit par l'interpellation violente, les remarques humiliantes, l'ironie offensante et les jugements dévalorisants. Tout ceci servant à « faire susciter l'usage socio-cognitif des apprenants, réguler la classe et rétablir l'ordre ». Les élèves peuvent y répondre par des incivilités, le refus d'exécuter les ordres ou de participer aux activités. C'est une tentative de conjurer ce que Jeammet (1997) appelle le « syndrome d'influence » afin de sauver leur identité menacée.

· La violence éducative « non intentionnelle » :

Elle ne vise que la transmission des savoirs et se manifeste par « l'assénement moral et la supériorité interactionnelle de l'enseignant ». Ce dernier perd de vue que l'élève est en quête de savoir en l'assaillant de questions ou d'activités sans lui donner le temps d'y réfléchir. Il donne et retire la parole à son gré et l'élève se terre parfois dans le silence par peur de donner une mauvaise réponse ou de contredire l'enseignant. C'est ce que l'auteur appelle « modèle interactionnel de la parole unique » qui exige obéissance et politesse aux apprenants qui, à leur tour, développent une expérience négative de l'apprentissage et du rapport à l'école.

Joseph Avodo rappelle ensuite que les sociétés traditionnelles camerounaises cultivent le respect des autres, des aînés et du groupe qui passe avant l'individu. Il est donc question de respecter la sensibilité des autres et les Etats Généraux de l'Education de 1995 visent l'égalité des chances, le respect ainsi qu'une éducation de qualité.

Les facteurs de la violence scolaire selon lui sont :

· Le facteur culturel : qui ne prend pas en compte l'enracinement culturel et l'ouverture au monde. Le magistrocentrisme qui le caractérise est de nature à favoriser les interactions violentes.

· Le facteur professionnel: la formation à la dimension sociale et relationnelle est absente des programmes d'études de l'Ecole Normale Supérieure.

· Le facteur contextuel : l'interaction frontale entraîne la peur de ne pas être à la hauteur et l'autoritarisme est adopté par les enseignants comme une solution de repli.

L'auteur pense que l'interaction pédagogique doit favoriser la socialisation à travers l'intégration de savoirs, de savoir-faire qui permettront à l'élève de vivre en société, en groupe. Cependant le modèle interactionnel qui lui est véhiculé prône « l'imposition, la domination, la stigmatisation, la remise en cause permanente de la capacité à être autonome. ». Il pense ainsi qu'un modèle interactionnel coopératif fondé sur un pouvoir symbolique est nécessaire car permettra de prendre en compte la susceptibilité de l'autre, son intégrité morale et physique. En outre, les enseignants doivent revoir leur rôle en favorisant l'autonomie des apprenants.

Dans un article publié deux ans plus tard Avodo (2012), à travers une double approche lexico-sémantique et pragmatique et grâce aux données recueillies dans la première étude, décrit les choix linguistiques observés chez les enseignants, les analyse comme manifestations de la montée en tension de la violence verbale et aborde la qualification péjorative comme forme de l'agir professoral.

La qualification péjorative comme une des composantes du discours évaluatif intervient lorsque l'enseignant veut évaluer les conduites, les performances ou les compétences des apprenants. L'auteur analyse les catégories grammaticales récurrentes et relevant de la qualification péjorative et note des substantifs, des verbes, des adjectifs et des adverbes. Les substantifs de la catégorie appellative et servant à désigner son allocutaire ainsi que les verbes décrivant les actions et les conduites des apprenants sont les plus utilisés.

Parmi les substantifs appellatifs, il y'a des termes comme bande de fainéants, côté des morts, côté des faibles, tricheurs, bavardes, maladresse, bêtises, totos, Ivoirienne, ingénieurs de son, qui ont une fonction évaluative et définissent l'interlocuteur dans ses productions ou performances scolaires, en remettant en cause son potentiel intellectuel. Leurs valeurs axiologiques se situent soit au niveau du signifiant, soit au niveau du signifié ou encore au niveau de la charge culturelle et enfin au niveau de leurs synonymes. Les verbes tels que faxer, contaminer, enregistrer, copier, garder au fond du cerveau, bricoler décrivent le comportement scolaire, les traits de caractère des apprenants lié à leurs performances intellectuelles.

En ce qui concerne les adjectifs et les adverbes péjoratifs, peu utilisés, ils s'inscrivent dans la perspective des jugements sévères portés aux capacités intellectuelles des apprenants (bidon, mal, pire, incapables). Cette forme de discours injurieux traduit la subjectivité langagière de l'enseignant, les représentations sociales qu'il a de ses apprenants et est une des manifestations de la violence verbale à l'école.

Avodo fait une analyse contextuelle pour mettre en exergue trois situations pouvant conduire à la violence verbale :

· Le blocage d'activité : synonyme de perte de temps et de retard dans la progression, il se caractérise par l'absence de réponse aux questions posées et peut être interprétée par l'enseignant comme du mépris ou de la révolte implicite.

· La déritualisation : c'est la transgression des rituels scolaires tels que demander la parole, avoir l'autorisation de sortir de la salle de classe.

· Le désaccord : marque l'opposition, la rupture.

Toutes ces situations sont de nature à provoquer le recours aux actes de menaces, aux remarques désobligeantes, au grondement, aux insultes, à l'interpellation violente qui sont autant de signes de la violence verbale et qui peuvent avoir des répercussions psychologiques.

Avodo, en s'inspirant des travaux de Cicurel et de Kerbrat-Orecchioni, considère la qualification comme partie du processus de l'agir professoral qui usent des axiologies mélioratifs ou péjoratifs et à effets immédiats et parfois violents et dont le but est de susciter un engagement, un investissement intellectuel, affectif et psychologique des apprenants dans les activités d'apprentissage. Ceci peut aussi entraîner des traumatismes, des comportements anti-sociaux, des comportements violents, le manque d'estime de soi, le décrochage scolaire et bien d'autres conséquences néfastes.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille