2.1.2- Le rôle de la
sanction à l'école
Pierre François Edongo Ntede (2010),
abondant dans un sens pratiquement opposé aux auteurs
précédents, remet en question la
démocratisation de l'école et le laisser faire, le laisser
aller, le laisser être qu'elle entraîne pour mettre en
lumière la valeur réparatrice des sanctions négatives.
Il utilise l'approche anthropologique basée sur l'observation
participante et des entretiens approfondis pour analyser les rapports qu'ont
les enfants avec l'école. Selon lui, la punition occultée par les
instructions officielles apparaît comme le versant le moins noble du
rôle de l'enseignant qui doit se contenter de transmettre les
savoirs. La conduite et l'organisation de la vie quotidienne de l'apprenant
sont ainsi reléguées au second plan. Il pense cependant que
l'élève a besoin de connaître les règles
imposées par le groupe social en ce qui concerne les récompenses
et les punitions ainsi que les limites à ne pas franchir. Ceci est
d'autant plus important pour l'action éducative que Mbondji Edjenguele,
en préfaçant l'oeuvre de Edongo Ntede affirme que
« Si le système éducatif ne punit pas ou punit mal,
il se punit lui-même et par effet d'entraînement, il punit la
société qui opposera la violence à la violence.»
p.11
Pour Edongo Ntede, les jeunes, avec le modèle
occidental qui s'impose à eux et à leurs parents, sont en manque
de repères. Leur violence est le signe du déséquilibre
dû à cette éducation permissive qui s'alimente de
la démocratie, des droits de l'enfant, de l'interdiction
d'interdire (Mbondji Edjenguele, dans la préface de l'oeuvre de
Edongo Ntede, 2010) et rend les questions d'autorité taboues. L'auteur
cherche alors à déconstruire les préjugés sur les
sanctions à l'école en partant d'un objectif
général : voir si les punitions en vigueur dans le
système éducatif ont une valeur éducative. Pour y
arriver, il veut prouver qu'une punition adéquate permet
d'acquérir des valeurs nécessaires à l'intégration
dans le groupe social et que l'abolition de celle-ci conduit à la
montée de l'indiscipline. Il est donc primordial, de son avis, de
connaître l'origine des personnes à éduquer afin d'adapter
les punitions à chacun. Il s'inspire de la culture du peuple
Béti pour mettre en exergue les bases de sa pédagogie
coutumière ainsi que les valeurs de son système
pédagogique afin de démontrer que toute éducation est en
rapport avec la culture.
Passant au crible le contexte social camerounais ainsi que les
opinions diverses sur les sanctions, il fait le constat que le règlement
intérieur dans les écoles est conçu de façon
arbitraire car les obligations, formulées par les enseignants, ne
concernent que les élèves. Il fait ensuite la distinction entre
les punitions qui sont décidées en réponse
immédiate par les personnels de l'établissement
(professeurs, personnel administratif) et les sanctions disciplinaires qui
relèvent du chef d'établissement ou du conseil de discipline
(141). En effet, la punition sert à réparer les dommages
causés à un tiers afin d'obtenir son pardon tandis que la
sanction « permet à l'enfant de se confronter à la
réalité grâce au lien entre son acte et les
conséquences qui en découlent. »(142) Edongo Ntede
pense que la sanction éducative ou positive doit amener
l'enfant à assumer sa responsabilité vis-à-vis d'autrui,
du groupe et de lui-même et à s'engager à mieux se
comporter.
Il définit ensuite l'éducation comme
« le devoir moral de léguer aux autres et à la
postérité, soit quelque chose de nouveau, soit une valeur
culturelle que nous avons nous-mêmes reçue des
générations précédentes. »(146) en
distinguant éducation coutumière ou traditionnelle qui
véhicule l'histoire et la morale d'un groupe social et éducation
moderne ou institutionnelle qui se doit de bâtir la personnalité
des apprenants, mais qui, comme le remarque l'auteur, se limite à
l'intellect en délaissant la formation morale, sociale, civique et
religieuse qui passe aussi par des sanctions éducatives. Celles-ci
doivent être, selon lui, proportionnelles à la faute commise,
justifiées, acceptées de celui qui est sanctionné et
réparatrices.
L'auteur dresse ensuite un panorama des formes de violences
éducatives au Cameroun et qui ne sont pas seulement
perpétrées à l'école, mais aussi à la
maison. Ces violences éducatives sont :
· Les châtiments corporels :
ici il s'agit surtout de la bastonnade à l'école et à la
maison,
· La brimade non seulement par les pairs
mais aussi par les adultes à travers le travail des enfants et la
soumission,
· Les rites que Mbala Owono (1990)
définit comme « des écoles de jurisprudence,
d'intégration des jeunes et de réintégration des adultes
défaillants, mais encore comme des institutions socio-religieuses dont
s'est dotée la société traditionnelle pour sa sauvegarde
et son développement harmonieux, fondement de toute
éducation. » Les rites marquent aussi les passages d'un
cycle scolaire à un autre ou l'entrée dans une école (cas
du bizutage)
· Les violences psychologiques parmi
lesquelles, les traumatismes, les frustrations, le nom, sa désignation
et sa fonction, la violence symbolique et subjective.
Pour l'auteur, les médias et les jeux importés
constituent le plus grand marché de la violence et conclut que la
punition est nécessaire à l'action éducative, car
prévient des récidives, mais elle doit s'adapter au contexte
social et culturel des personnes à éduquer pour atteindre ses
objectifs. La famille doit être appuyée par l'école
où les enseignants doivent privilégier la communication
relationnelle et pratiquer une pédagogie de l'implication.
|