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La violence en milieu scolaire: cas du lycée de tigaza


par Estelle FOUDA MENYENG
Institut Universitaire Catholique de Bertoua - Master 2 2016
  

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CHAPITRE II :

REVUE DE LA LITTERATURE ET INSERTION THEORIQUE

Les travaux sur la violence scolaire sont très nombreux et nous ne saurons prétendre lire tout ce qui a été fait. Nous nous sommes cependant efforcé à lire ceux qui nous ont semblé les plus pertinents et les plus proches de notre perspective et dont nous allons faire état dans la première partie de ce chapitre. Ensuite il sera question de préciser les théories qui nous permettrons de mieux expliquer la violence en milieu scolaire.

2.1- REVUE DE LA LITTERATURE

2.1.1- Conception de l'enfance de l'antiquité à la postmodernité

Eric Débardieux, l'un des plus grands spécialistes de la violence scolaire en France, présente en 1998 dans un article intitulé « Le professeur et le sauvageon, violence à l'école, incivilité et postmodernité » les évolutions de la conception de l'enfance en rapport avec la violence à l'école. Il démontre que dans les sociétés antiques marquées par le mythe de l'âge d'or, l'enfant devait ressembler à ses parents pour s'assurer de la continuité de l'humain en lui et pour éviter le chaos, « la chute vers la bestialité ». La pédagogie du redressement prônée par Saint-Augustin consistait alors à éradiquer cette violence, cette folie inscrite en chaque enfant dès sa naissance et que même la Bible, dans le livre des Proverbes au Chapitre 28 verset 15, recommande: « la folie est attachée au coeur de l'enfant et c'est la verge de la discipline qui l'en chassera ». La socialisation par les pairs à travers des rites initiatiques et toute sorte de brutalité était aussi d'une grande importance.

Avec la promulgation de la Convention internationale des droits de l'enfant au 20ème siècle, l'on marque la découverte de la valeur fondamentale de l'enfant dans les classes sociales aisées et moyennes. L'enfant « sauvage », craint de tous, devient innocent, bon, « enfant-roi ». Il existe encore cependant une idéologie d'exclusion sociale qui veut que la vertu, l'innocence et la bonté ne soient innées et normales que chez « les gens libérés et bien nés ». Assertion soutenue par Rousseau et Voltaire qui considèrent que l'Education ne sert pas aux pauvres. L'image de l'enfant-roi conduit à la promotion, dans les familles, de l'enfant unique, « fils de roi » que les parents doivent humblement servir (Ellen Key, 1900 cité par Débardieux). L'enfant-roi, « meilleur espoir de l'idéologie du progrès » est « choyé, protégé, au sein d'une famille restreinte où la socialisation mutuelle par le groupe des pairs est considérée comme nocive » (Débardieux :10). C'est pour cette raison que l'usage de la force, du fouet et de toute autre correction physique est interdit. La violence scolaire devient synonyme de retour à « l'enfant-sauvage » et alimente le « discours de la décadence » répandu à l'aide des médias qui trouvent tous les attributs négatifs aux enfants issues des banlieues et acteurs de violence.

Ce discours de la décadence que présente Débardieux s'alimente aussi du thème de « la démission parentale » caractérisé par la monoparentalité, le laxisme éducatif, la violence des parents, etc. La violence scolaire est « ethnicisée », « racialisée » et on parle de « handicap socio-violent » ou d' « ethnoviolence ». Un débat entre académiciens et hommes politiques que présente Débardieux montre le « fantasme d'insécurité » qui en découle, limitant la violence scolaire aux crimes et délits qui, de l'avis de Débardieux, sont rares. Il pense plutôt que le sentiment d'insécurité naît de la petite délinquance et des incivilités, incivilités qui traduisent la perte de sens du système éducatif et des pratiques éducatives. L'une des causes serait la massification et la prolongation des études dans un contexte où l'insertion socioprofessionnelle est difficile. L'incivilité est donc une réaction « face à l'amour déçu pour une école incapable de tenir ses promesses d'insertion et qui ne peut protéger de ce qu'on nomme exclusion ». (p.13) L'idéologie du progrès et de la liberté meurt donc tant chez les enseignants que chez les enseignés avec cette exclusion. Et la société (« inclus et exclus ») ne vise qu'une chose : « la légitimité des plaisirs immédiats dans la sphère privée des satisfactions matérielles et intimes » (p.14). L'idéologie postmoderne ou post-moraliste prône la nécessité d'un lien affectif avec l'enfant pour une meilleure transmission des valeurs devant l'aider à se construire, l'absence de ce lien conduit à la violence scolaire, à la souffrance de l'enfant et de l'enseignant. Ce dernier abandonne la punition à l'administration pour rechercher « l'amour » des élèves dans une logique d'absence de contrainte qui, elle-même est remise en cause pour un retour à « l'ordre moral ».

En effet, Débardieux revient sur la notion d'incivilité qui est constituée de « toutes ces petites choses qui pourrissent la vie d'un établissement, qui peuvent pourrir la vie d'un quartier, » (Débardieux, 1999 : 80) cette petite délinquance dont  « l'aggravation » , « l'accumulation » non traitée, permet de comprendre, du point de vue des victimes, le sentiment d'insécurité afin de prévenir l'escalade de la violence en milieu scolaire sans pour autant sombrer dans une répression excessive de certaines ethnies ou races considérées comme  « barbares ». Avec l'échec du « totalitarisme doux », de la démocratie, l'on serait tenté par un retour à la brutalité puisque l'enfant aimé constitue un danger pour lui-même et pour les autres. Débardieux, grâce à ses recherches sur le terrain propose d'être pragmatique en intégrant sans préjugés les parents et l'ensemble de la communauté éducative de l'établissement scolaire dans l'élaboration et la mise en exécution d'un projet éducatif avec le risque que cela comporte de voir les forces de maintien de l'ordre envahir l'école. Mais plus encore, Débardieux propose aussi une réflexion sur le rôle de la punition dans la « postmodernité éducative ».

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon