C - La prise en compte de la victime
Les criminologues ont pendant longtemps affirmé
que le droit pénal classique ne connaît que l'infraction et la
peine, mais ignore le délinquant et qu'il est le droit de l'acte et non
celui de l'auteur. Cette affirmation vaut autant pour le délinquant
qu'elle semble l'être pour la victime car très souvent, celle-ci
est négligée voire oubliée. Et lorsqu'il arrive que cette
dernière sollicite des dommages et intérêts pour le
préjudice subi, elle n'est pas souvent payée.
De fait, le recouvrement des créances, tel
qu'il est organisé, donne la priorité aux créances de
l'Etat c'est-à-dire aux frais de justice et aux amendes dans le cas
où celles-ci seraient prononcées en même temps que les
dommages et intérêts accordés à la victime. Le
condamné cherchera d'abord à régler les frais dus à
l'Etat avant de voir le cas de la victime. Il s'ensuit alors que soit elle est
réglée tardivement, soit elle n'est pas du tout
réglée. Cette situation est à l'origine de la
création et de la multiplication des associations d'aide aux Victimes
telles que INAVEM (Institut National D'aide aux Victimes et de
Médiation).
Par ailleurs la victime est le plus souvent mal
écoutée car si dans une situation elle pourrait se satisfaire
d'une sanction, d'une peine infligée à l'auteur, dans telle autre
par
43 Pradel (J.),
ibid. p. 60.
44
Léaute, op. cit.
23
contre, elle aimerait que ce dernier restitue ce qu'il
a volé, ou enfin préférerait une satisfaction ou
réparation psychologique45.
Avec la transaction, le droit pénal aura une
oreille pour la victime qui pourrait, dans certains cas dire ce qu'elle pense
et ce qu'elle désire et voir cela être pris en
considération. Para. 2 - Pour une certitude de la
répression
Parler de la certitude de la répression lorsque
l'on traite des alternatives aux poursuites peut paraître étonnant
pour les tenants de l'idée selon laquelle celles-ci sont un recul sinon
une consécration de « l'impunité au prix d'argent
». Pour eux, le but de rétribution et d'intimidation de la
sanction ne peut pas être atteint par ce moyen.
C'est en fait le sempiternel débat qui a cours
sur le but de la punition. Doit-on punir pour infliger des souffrances au
condamné et par-là décourager la récidive et les
éventuels délinquants comme le soutiennent les
néo-classiques ou alors doit-on punir dans l'optique de traiter et de
resocialiser le délinquant comme le soutient la défense sociale.
Point n'est besoin pour nous ici de revenir sur un tel débat. Quelle que
soit la position adoptée, il est question d'extirper le mal de la
société. Et pour y parvenir il faut que la répression soit
certaine donc efficace. La certitude de la répression n'est pas
forcement synonyme de souffrance ou de sévérité de la
peine. MONTESQUIEU le soulignait déjà lorsqu'il affirmait
qu'« il ne faut point mener les hommes par les voix
extrêmes(...) qu'on examine la cause de tous les relâchements, on
verra qu'elle vient de l'impunité des crimes et non pas de la
modération des peines46». C'est dire que le risque
est moins dans les peines plus douces que dans l'impunité. Car une peine
moins sévère si elle avait la certitude de son application,
serait plus efficace qu'une peine lourde dont l'exécution ne sera jamais
effective ou achevée du fait de la libération conditionnelle ou
de la grâce.
45 Salzer (J.),
cité par Leblois-Happe (J.), op. cit. p.532
46 Montesquieu
cité par Pradel (J.) op. cit.
24
Même sur ce point une mesure alternative
à la poursuite ne serait pas aussi douce que l'on pourrait y croire. Au
fond, le prévenu vivrait avec la crainte et la menace d'une sanction en
cas d'inexécution de la mesure consentie. Pour s'en convaincre, il
suffit de relire le rapport de TARGET au Conseil d'Etat qui disait «
...L'efficacité de la peine se mesure moins sur la rigueur que sur
la crainte qu'elle inspire » 47.
Précisément, l'inculpé sait non seulement la peine qu'il
doit subir, mais mesure l'ampleur d'une sanction en cas de
poursuite.
L'acceptation par l'inculpé de réparer
le dommage causé et de payer l'amende est un bon signe vers la
resocialisation. Dès lors, on peut estimer que le traitement sera
atteint et la prévention de la récidive assurée. Ceci pour
la simple et bonne raison qu'« on corrigera plus aisément les
coupables si on diminue leur peine, car on surveille plus exactement sa
conduite lorsqu'on n'a pas perdu entièrement son honneur
»48. Ainsi, le coupable fait amende honorable, et s'il est
fait appel à son sens de responsabilité, le but de la sanction
sera plus atteint ; cette responsabilité étant « non le
point de départ de la condamnation, mais son point d'arriver, son but
» 49 . Et donc, « est-il vraiment choquant qu'une personne
poursuivie commence à faire amende honorable avant d'être
condamnée en reconnaissant les faits qu'elle a commis et en demandant
à les réparer, facilitant ainsi l'action de la justice ? Ne
s'agit-il pas d'une voie plus conforme à la dignité humaine et de
ce fait, plus éducative donc plus efficace » ? 50
Voila quelques raisons parmi tant d'autres pour
lesquelles une mesure alternative aux poursuites est d'un intérêt
capital pour une bonne justice.
47 Locré
op. cit.
48
Sénèque, De la clémence, I, 22, cité par Pradel op.
cit.
49 Merle et
Vitu, Pédagogie de la responsabilité cité par Pradel,
ibid.
50 Molins
(F.), « Plaidoyer pour le « plaider coupable », des vertus d'une
peine négociée, in Le Nouveau procès pénal
après la loi Perben II, dossiers de la journée d'étude
Dalloz du 8 mars 2004, Paris, Dalloz,, 2004, p. 418.
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