B - Aux exigences des droits humains
Le droit pénal traverse une crise liée
à son inadaptation à protéger les valeurs fondamentales de
la collectivité ; et le droit pénal spécial subit de plein
fouet ce choc à cause du changement des idées et des
moeurs36. En effet, ce qui allait de soit hier n'est plus
très évident aujourd'hui. La détermination de la politique
criminelle a toujours posé un problème de choix entre la
protection des droits individuels et la protection des droits collectifs.
« La doctrine du XIXe siècle considérait plus
ou moins ouvertement que les délinquants perdent, du fait de la
violation du pacte social, l'usage de la plupart des droits de l'homme ».
La démocratie et « l'inflation » des droits de l'homme
ont remis en cause une telle conception du délinquant. En tant
qu'être humain, il lui est reconnu des droits irréductibles qui
commandent
34 Berg (R.),
Médiation pénale, Rép. Pén., D.
35
Ibid.
36 Léaute
(J.), « Droit pénal et démocratie », in Aspects
nouveaux de la pensée juridique, recueil d'études en hommage
à Marc Ancel, Paris, Pedone p. 151.
21
qu'il soit traité en toute circonstance avec
dignité,37 y compris lorsqu'il mérite un
châtiment. Ainsi « le châtiment doit avoir
l'humanité pour mesure »38.
Pour reprendre le Pr. MINKOA SHE, « la
répression doit tirer sa légitimité du respect des droits
de l'homme »39. Les alternatives aux poursuites
permettraient le respect des droits fondamentaux de l'inculpé en lui
évitant l'emprisonnement qui, à lui tout seul, par des conditions
de détention inhumaines est déjà en soi une violation de
ces droits40. Bien plus, elles seraient un moyen efficace de
prévention de la récidive que favorise la prison. Comme le
relevait TARGET : « C'est la nécessité de la peine qui
la rend légitime. Qu'un coupable souffre, ce n'est pas là le but
de la peine mais que des crimes soient prévenus, voilà ce qui est
d'une haute importance »41.
Les critiques contre la privation de liberté ne
sont pas récentes. De nombreux auteurs ont prôné ce que
Jean PRADEL a appelé une « application du droit pénal
douceur ». En tête de ce mouvement d'extrême
méfiance à l'égard de la privation de liberté, on
retrouve FOUCAULT qui s'insurge contre le « caractère
disciplinaire et malfaisant de la prison ». Si à une
époque elle semblait être une peine humanitaire - par rapport aux
peines corporelles - aujourd'hui, de nombreuses études psychologiques,
sociales et économiques ont fait apparaître ses
inconvénients. C'est en tout cas ce qui ressort d'un document de la
Commission de reforme du droit au Canada publié en 1975, intitulé
« Etudes sur l'emprisonnement ».42
37 Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 5; préambule
constitution du 18 janv. 1996.
38 Foucault
(M.), cité par le Pr. Minkoa She, Droits de l'homme et droit
pénal au Cameroun, Economica, 1999, p. 14
39 Minkoa She
ibid.
40 Des rapports
du MINATD., il ressort que les droits de l'homme sont souvent bafoués
dans les prisons. Outre la surpopulation (construite pour 800 places, la prison
centrale de Yaoundé en compte plus de 3000 à ce jour) il y
règne l'insalubrité (16 toilettes et douches pour 3.000
âmes). De même dans un de ses rapports publiés en 1998,
Amnesty international écrivait « les prisonniers sont
régulièrement passés à tabac. Il sont mis au fer
dans les cellules dépourvues de lumière, d'équipement
sanitaire et d'eau ».
41 Locré,
Législation civile, commerciale et criminelle de la France t. XXIX, 1832
p.8.
42 Pradel (J.),
Histoire des doctrines pénales, « Que sais-je ? » PUf, 1992,
p. 111. Ce document considère l'emprisonnement non seulement au regard
des idées de justice et d'humanité, mais aussi sur le plan
économique. Le « principe d'économie exige qu'on vise
à réduire au maximum le sacrifice imposé à la
société, au système pénal, au condamné et
aux siens. Le coût économique de la privation de liberté ne
se limite pas à la construction et à l'entretien prisons
»
22
Dans le même sens MITTERMAIER disait
déjà que « le régime cellulaire est une barbarie
digne des siècles les plus grossiers du Moyen-âge ».
43
A défaut tout simplement de
dépénaliser ou de classer sans suite, une transaction serait une
solution alternative située en amont des poursuites pour neutraliser
celles-ci et ainsi éviter au délinquant les effets
néfastes de l'emprisonnement. L'évolution aidant, « la
volonté des morts ne suffit plus à justifier ni la condamnation
capitale, ni la privation de la liberté... »44
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