CHAPITRE II. EFFETS ET PORTEE DES MESURES
TRANSACTIONNELLES
L'effet fondamental de la transaction pénale,
comme le dispose l'art. 62 al 1 (f) du projet de code de procédure
pénale, est l'extinction de l'action publique. Cette affirmation ne
saurait cependant suffire à définir la portée exacte de la
transaction. Son effet extinctif soulève en effet de nombreux et
importants problèmes. Les dispositions particulières aux diverses
transactions apportent quelques précisions sur certains points. La
jurisprudence pour le reste, emprunte aux effets de la transaction du droit
civil qui constitue un modèle, tout en leur apportant des adaptations et
des exceptions nécessitées par le particularisme de la
matière. Si la transaction a pour principal effet d'éteindre
l'action publique, il reste que la portée d'une telle pratique suscite
encore des scepticismes.
Section I - EFFETS DE LA TRANSACTION.
Les effets de la transaction pénale sont
commandés par une distinction essentielle entre le cas
d'exécution de la mesure et le cas de non-exécution. Tout comme
la mise en oeuvre de la transaction, les effets dépendent pour beaucoup
du comportement ou de l'attitude de l'auteur de l'infraction.
Para.1- En cas d'exécution.
Outre les difficultés liées au maintien
ou non de l'auteur en détention provisoire, la transaction pose le
problème de l'intervention des tiers en cas d'extinction de l'action
publique. L'exécution peut emporter une autre conséquence que
l'extinction de l'action publique.
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A-Extinction de l'action publique
L'exécution de la transaction constitue la
situation normale d'extinction définitive de l'action publique
destinée à sanctionner l'infraction commise, même à
l'égard des peines d'emprisonnement - lorsque celles-ci ne sont pas
proposées comme mesure sanctionnant la transaction - et de l'amende qui
pourrait lui être substituée par le jeu des circonstances
atténuantes.
De l'idée d'extinction de l'action publique
découlent plusieurs conséquences importantes. Tout d'abord, le
ministère public doit s'abstenir de mettre en mouvement l'action
publique. En effet, si l'ordonnance de validation de l'accord donne à
celui-ci l'autorité de la chose jugée, l'exécution de la
mesure, et par conséquent l'extinction de l'action publique
consécutive, rend la transaction irrévocable et la personne
poursuivie ne pourra plus être inquiétée de quelque
manière que ce soit. Autrement dit, la personne jadis poursuivie
s'étant acquittée de sa dette envers la société,
elle bénéficie désormais de la protection du principe non
bis idem ou mieux redevient un citoyen normal.
Ensuite, l'extinction de l'action publique
entraîne pour le délinquant qui était détenu
provisoirement sa mise en liberté immédiate, aucune raison de
fait ou de droit ne justifiant plus la continuation de la détention,
sauf hypothèse de plaider coupable où une peine d'emprisonnement
proposée et acceptée doit être exécutée. Dans
ce cas précisément, la procédure ne prendra fin qu'avec
l'exécution totale de la peine. Autrement dit, l'extinction de l'action
publique emportera impossibilité future d'exécution d'autres
mesures.
Par rapport à l'exécution de la mesure,
il s'est posé la question de savoir si celle-ci devait être faite
personnellement par l'auteur ou par un tiers en son nom. En droit pénal,
il existe le principe dit de la personnalisation des peines ou de
l'individualisation de la sanction selon lequel la sanction est individuelle.
Ceci implique, non seulement que la sanction doit
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prendre en compte la personnalité de l'individu
à laquelle elle s'applique, mais aussi et surtout qu'elle est
personnelle. Sur un plan strict, la prise en compte de ce principe exclut
l'intervention des tiers dans l'exécution. Bien plus, si un tiers devait
supporter l'indemnisation, le but ne sera pas atteint du fait que la
transaction confond très souvent la réparation et la sanction.
Simplement, le but ici est de permettre au délinquant de s'assurer, l'on
comprend que le tiers soit exclu de la mesure puisqu'elle doit être
personnelle.
Une telle position est cependant à relativiser
car le nouveau code de procédure pénale prévoit la
possibilité de l'intervention d'une caution dans l'exécution des
condamnations pécuniaires (art 558 al 1). Sous-jacent à ce
problème d'intervention des tiers en général, il y a la
question de la participation des complices et coauteurs.
1- La transaction ne peut profiter aux
tiers
La transaction peut-elle profiter ou nuire aux
complices et coauteur ? En vertu du principe de l'effet relatif de la
transaction, une transaction conclue entre un prévenu et le procureur ne
peut profiter à ses complices ou coauteurs. Cette solution a
été réaffirmée avec force à plusieurs
reprises.121 Suivant la formule employée par certains
arrêts : « Si en raison du caractère de réparation
il ne peut être prononcé, en cas de pluralités de
contrevenants, qu'une seule série de pénalités
pécuniaires pour la même infraction, la transaction intervenue
à l'égard de certains d'entre eux ne peut mettre obstacle
à l'action pénale subséquente à engager contre les
autres tant que le préjudice n'a pas été
complètement réparé » 122
Cependant des limitations doivent être
apportées à cette solution. Lorsque l'auteur de la transaction
peut être considéré comme gérant d'affaire de tous
les contrevenants, la sanction profite aussi à ces derniers.
121 Crim. 8 mars 1951,Bull. crim. No 71;
22 janv. 1958; 26 nov. 1964, ibid, no 314.
122 Gassin (R.), La transaction, Ency. D.
Rép. Droit Pen. D. no72
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2- La transaction ne peut nuire aux tiers
La transaction ne peut par ailleurs nuire aux tiers.
Elle ne peut donc être opposée aux coauteur et complice ou
même au civilement responsable du contrevenant qui a transigé (art
2051 C. civ.). Mais il existe ici une difficulté pratique car
très souvent, l'aveu du transigeant citera ses complices et coauteurs.
Pourrait-on utiliser cet aveu contre ces coauteurs ou complices ? Que non.
L'interdiction demeure et on ne saurait obtenir l'aveu de celui-ci par des
pressions. Biens plus, en cas d'échec de la transaction, la
procédure reprend le chemin normal de droit commun mais en aucun cas,
les aveux donnés pour la transaction ne seront pris en compte dans les
pièces du dossier.
En matière de douane, la transaction intervenue
entre le contrevenant et une douane étrangère est « res
inter alios acta » à l'égard de la douane camerounaise.
Mais dans la zone CEMAC cette affirmation est à relativiser car
d'après les articles 312, 329 et 330 du code des douanes, la poursuite
est diligentée par une autorité de l'un des pays dont les
intérêts ont été lésés pour le compte
de tous les Etats.
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