L'égalité entre catégories d'associés en droit OHADApar Adrienne Yangue Belibi Université Yaoundé 2 Soa - Master 2 2019 |
Paragraphe 1 : La notion d'intérêt socialL'intérêt social est une notion très présente en droit des sociétés186(*) mais aussi très floue . De manière générale deux conceptions se posent en s'opposant en la matière187(*) .Il s'agit de la conception restrictive(A), et de la conception extensive (B) de l'intérêt social. A- La conception restrictive de l'intérêt socialCette conception est celle précisée à l'Art 4al2 AUSCGIE à savoir l'intérêt commun des associés. Elle est essentiellement basée sur la définition de la société comme étant un contrat ,la volonté des associés .Certains auteurs188(*) pensent que cette conception n'est valable que pour les sociétés de personnes et non de capitaux189(*) car dans les premières il y a vraiment cet esprit de communauté du fait de la responsabilité solidaire des uns et des autres. D'autres190(*) pensent le contraire et voient l'intérêt commun contenu dans l'intérêt social s'exprimer dans toutes les formes de société sous le fondement de l'affectio societatis.On considère que quand les associés se réunissent ils débattent des intérêts de la société de sa marche, son fonctionnement, mais vue qu'ils ont créé la société ils le font pour satisfaire à leurs propres intérêts . « L'intérêt qui est commun à tous les associés est de s'enrichir individuellement grâce au partage du profit social »191(*). Cette conception bien entraine certaines implications qu'on ne peut nier à savoir le respect de principe d'égalité des associés .Parce qu'on est tous associés et qu'au final on veut partager les gains pouvant provenir de notre entreprise on se doit de se respecter et traiter tout le monde de la même façon. Raison pour laquelle on va prendre les décisions ensemble, gagner ou perdre ensemble .La société ici est donc traitée comme la chose des associés qui peuvent en faire ce qu'ils veulent sans rendre de compte à personne192(*). Mais cette conception restrictive est si on peut dire très classique et n'a pu résister face au vent de renouveau qui a soufflé dans l'espace OHADA en particulier et dans le monde des affaires en général. Il s'agit de la conception extensive de l'intérêt social qui est celle qui nous intéresse le plus. B- La conception extensive de l'intérêt socialCette conception est la résultante même de la définition de la société, non plus comme un contrat seulement mais aussi comme une institution193(*).Ici, on est en face de l'intérêt de la société. L'intérêt général est supérieur aux intérêts individuels .Dès que la société est créée elle devient une personne morale avec la personnalité juridique, indépendante et autonome. Les associés se doivent donc ici de respecter la personne qu'est la société, en faisant attention à sa vie, sa santé, son patrimoine. Elle cesse d'être une chose c'est-à-dire la chose des associés et devient une personne à part entière qui veut grandir se développer faire du profit. Avant même son immatriculation la société en tant que personne à part entière est prise en compte194(*).Le professeur PAILLUSSEAU affirme à ce sujet que « L'intérêt social ne se confond pas obligatoirement avec la somme des intérêts des associés.». On pourrait aller plus loin notamment même dans le partage du produit social .Avant de procéder à la répartition des dividendes, la loi impose de faire des réserves légales qui ne peuvent être touchées qu'en cas d'extrême urgence195(*).Art 142 AUSCGIE « L'assemblée générale décide de l'affectation du résultat dans le respect des dispositions légales et statutaires. Elle constitue les dotations nécessaires à la réserve légale et aux réserves statutaires. » . Il ressort donc de la conception extensive de l'intérêt social que, l'intérêt de la société personne morale ne prime sur les autres intérêts. C'est donc cette conception qui entraine la non prise en compte de l'identité des associés, l'attribution d'avantages particuliers à certains associés, l'attribution d'actions gratuites aux salariés, qui détache le pouvoir dans la société à l'apport...etc. Tout ceci pour financer la société, attirer des investisseurs ou améliorer l'image de l'entreprise. C'est cette conception qui a en grande partie inspiré le législateur au moment de la réforme. * 186 Art 4 al2 AUSCGIE « La société commerciale est crée dans l'intérêt commun des associés.» « Un concept majeur du droit moderne des sociétés » A.VIANDIER, Règlementation des offres publiques en droit des sociétés, l'expérience française, Bull. Joly bourse, 1993, p.4 cité par Monique Aimée MOUTHIEU épouse NJANDEU, L'INTERET SOCIAL EN DROIT DES SOCIETES, L' Harmattan 2009, p.27 * 187« Faute de définition légale, la jurisprudence et la doctrine commencèrent, à tracer les contours de cette notion au gré des besoins. La conception que l'on fait de l'intérêt social étant naturellement étroitement liée avec celle que l'on a de la société(...) Ainsi, la caractérisation de la société à savoir le choix entre la qualification de contrat ou institution, emportera inévitablement un certain nombre de conséquences sur le contenu de l'intérêt social » Monique Aimée MOUTHIEU épouse NJANDEU ,L'INTERET SOCIAL EN DROIT DES SOCIETES ,L' Harmattan 2009 ,p.28 * 188 DUCOULOUX -FAVARD * 189 On est responsable à la limite de son apport et la personne de l'actionnaire n'est pris en compte le plus important est l'apport * 190Le professeur SCHMIDT, P.GOUTAY, F.DANOS, * 191 Monique Aimée MOUTHIEU épouse NJANDEU, L'INTERET SOCIAL EN DROIT DES SOCIETES, L' Harmattan2009 ,p. 37 * 192 Selon Didier Porachia ,rien dans le droit des sociétés ne s'oppose à ce que les associés puissent décider une dissolution anticipée alors même que la société serait in bonis ou encore transmettre par une décision unanime les actifs de cette dernière à un organisme ad hoc dominé par quelques-uns parmi eux ;Cit M.Ndiaye,l'inégalité entre associés en droit des sociétés, thèse, p.121 * 193 M.HAURIOU « Une institution est une organisation sociale ,c'est-à-dire une organisation faite d'une collectivité d'individus .En même temps, cette organisation doit avoir elle-même une individualité assez forte pour être connue et nommée .Par ce double fait qu'elle intéresse une collectivité et qu'elle a une existence propre due à son organisation ,elle dépasse l'individu humain .Elle subsiste malgré les mutations qui peuvent se produire dans son intérêt personnel .L'institution est la véritable réalité sociale séparable des individus . » cité par Monique Aimée MOUTHIEU épouse NJANDEU, L'INTERET SOCIAL EN DROIT DES SOCIETES, L' Harmattan 2009 ,p. 63 « Une institution est un ensemble de règles qui organisent de façon impérative et durable un groupement de personnes autour d'un but déterminé » Philippe MERLE, Droit commercial. Sociétés commerciales, Dalloz 2003 cité par Déborah ESKINAZI, La qualité d'associé, Thèse, 2005, p.3 * 194 Art 106-113 AUSCGIE la fondateurs peuvent prendre des actes pour le compte de la société avant qu'elle ne soit même encore constitué ou après qu'elle soit constitué mais il faudrait que celle soit accepté par l'assemblée générale ou alors que cela soit précisé dans les statuts avant la signature. Ainsi, les actes pris ou passées en dehors de l'objet de la personne morale, de ses capacités, ou alors dans l'intérêt personnel des fondateurs ne peuvent être repris par la société. Cette image de société comme étant la chose des associés recule car la personne morale a un patrimoine qui lorsqu'il est utilisé à des fins personnelles par les associés, la société peut les poursuivre pour abus de biens sociaux. Car son patrimoine doit être utilisé pour ses intérêts à elle et non celle des associés ou dirigeants. * 195 Lorsque la société est malade et en a grand besoin pour continuer à vivre. En plus le partage des dividendes n'est pas automatique, on se doit d'abord d'enlever les pertes de la société les charges de la société, avant de voir comment donner à chaque associé un bénéfice corollaire de son apport dans la société. |
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