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Organisation mondiale du commerce à  l'épreuve de multiples crises. Perspective du système de régulation du commerce international.


par Kossi Kafui SAMBOE
Université de Lome  - Master 2 droit public fondamental 2017
  

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B. Les accords commerciaux préférentiels

Au sens du droit de l'OMC, les « accords commerciaux préférentiels » (ACPr) sont des accords qui offrent des préférences commerciales unilatérales. Ils sont régis par le Système Généralisé de Préférences (SGP)113 ainsi que par d'autres systèmes préférentiels non réciproques jouissant d'une dérogation particulière. Sans doute, ces accords sont ceux qui relèvent de la Clause d'habilitation114, Ainsi, les ACPr s'analysent comme une autre

109OMC, Rapport sur le commerce mondial 2011. L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de la coexistence à la cohérence, OMC, 2011, p. 61.

110Habib GHERARI, « Organisation mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international ».op. Cit., p. 266.

111 Jagdish BHAGWATI et Anne KRUEGER, «The dangerous drift to preferential trade agreement», AEI Press, 1995 p.43; Robert Baldwin, « Multilateralising regionalism: spaghetti bowls as building blocks on the path to global free trade», World Economy, vol. XXIX, n° 11, 2006, aux pp. 1 451-1 518.

112 OMC, L'avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, op.cit.p.21.

113 Le SGP est une exception au principe de la clause de la nation la plus favorisée. En effet, par le système généralisé de préférence, les pays développés s'engagent à abaisser ou à supprimer leur droit de douane sur les produits manufacturés en provenance des pays en développement qui souffrent d'une protection effective élevée. Concrètement, il s'agit d'accorder une préférence aux pays en développement, sans abaisser leurs droits sur les produits équivalents provenant d'autres pays développés. On pourra ainsi citer les conventions de Lomé de 1975 entre la CEE et les pays dits ACP (Afrique Caraïbe et Pacifique).

114 Prévu par le § 4 a) du GATT, la clause d'habilitation évoque des traitements tarifaires préférentiels accordés par les parties contractantes développées pour les pays en développement conformément au SGP. Cette disposition reste applicable dans le cadre de l'OMC.

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dérogation au principe de la clause de la nation la plus favorisée. Mais cette dérogation est de nature différente : les accords ont une « portée partielle », dans la mesure où ils ne couvrent que certains produits, les autres faisant l'objet d'exclusion. En guise d'illustration on mentionnera les accords de Lomé puis de Cotonou entre l'UE et les 78 Etats ACP dont l'évolution la plus spectaculaire fut les récents Accords de partenariat économique (APE)115.

La raison d'être de ces accords est tout sauf illogique. Au départ les ACPr étaient conçus comme des solutions adaptées aux besoins du développement, des finances et du commerce des pays en voie de développement. A cet effet, la Clause d'habilitation qui les sous-tend est mue par une double finalité : d'abord il s'agit de donner un soubassement juridique acceptable à la non-réciprocité dans les échanges entre pays développés et pays en développement, dans le cadre des SPG; ensuite, elle devrait permettre aux « parties contractantes peu développées » de convenir entre eux des « arrangements régionaux ou mondiaux » [...] « en vue de la réduction ou de l'élimination de droits de douane sur une base mutuelle »116. Mais au fil du temps, leurs domaines se sont vite élargis à la fois au commerce, à la réduction des obstacles, aux propriétés intellectuelles. Tout récemment, ce sont les services qui ont été envahis par de tels accords. Ainsi, selon les données de l'OMC, près d'un tiers des ACPr en vigueur contiennent des engagements concernant les services, et cette tendance s'est encore accélérée récemment117.

S'il est évident que les ACPr ont connu une forte croissance ces dernières années alors toute la question est de savoir quels sont leurs impacts sur le multilatéralisme. Ont-ils un effet d'entrainement positif sur le multilatéralisme ou engendrent-ils un effet d'éviction?

115 Les APE sont le prolongement des Accords de Lomé de 1975 et l'Accord de Cotonou de 2000. Cependant, si ces derniers levaient les barrières tarifaires, pour les exportations des pays ACP tout en permettant à ces pays de maintenir leur droits de douane sur les importations en provenance des pays développés, en revanche, les APE sonnent le glas de ces préférences commerciales non réciproques. C'est ainsi qu'en septembre 2014, des accords intermédiaires furent signés entre l'UE et la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la communauté de développement d'Afrique Australe (SADC) et la communauté d'Afrique de l'Est (CAE). Pour la CEDEAO en particulier, l'accord provisoire prévoit une suppression des droits de douanes de 75% pour les produits en provenance de l'Union Européenne. Voir Di Gore SIMALA, « Accords de partenariat économique entre l'Union européenne et l'Afrique : entre ambition d'émergence et risque de stagnation » in Jean Didier BONKONGOU, émergence de l'Afrique, Presse de l'UCAC, 2015, p. 205 et ss. ; Jean-Jacques GABAS, Bruno LOSCH, « La fabrique en trompe oeil de l'émergence », in Christophe JAFFRELOT, l'enjeu mondial : les pays émergents, Paris, Presses de sciences po, 2008, p. 25-40 ;

116Cf. § 2 c du GATT.

117 OMC, « Rapport sur le commerce mondial 2011. L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de la coexistence à la cohérence », OMC 2011, p. 6.

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Sur cette question, les avis sont partagés. Si pour une bonne partie de la doctrine, la seconde option semble la plus évidente118, d'autres préfèrent plutôt parler d' « interaction possible entre l'OMC et les ACPr »119. C'est ainsi que l'OMC, dans son Rapport de 2011, évoque une « coexistence pacifique »120 entre le multilatéralisme et les ACPr.

En tout état de cause quelque soit l'esprit qui anime la conclusion de tels accords, il est évident que ceux-ci minorent la portée du multilatéralisme dont le ferment demeurent la nondiscrimination. Pour le professeur Jean-Marc SIROËN, ces accords permettent « aux grandes puissances commerciales de retrouver un rapport de force qui leur est plus favorable qu'à l'OMC et aggrave la marginalisation des pays qui n'auront pas les moyens ou la volonté politique de raccrocher le train des accords "préférentiels" exigeants. »121

Au-delà des entraves à la clause de la nation la plus favorisée, la fragilisation du système normatif de l'OMC tient aussi aux obstacles à la clause du traitement national.

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