Organisation mondiale du commerce à l'épreuve de multiples crises. Perspective du système de régulation du commerce international.par Kossi Kafui SAMBOE Université de Lome - Master 2 droit public fondamental 2017 |
§ 2. LES OBSTACLES A LA CLAUSE DU TRAITEMENT NATIONALOfficiellement, la plupart des pays membres de l'OMC sont adeptes du libre-échange. Mais au cours de ces deux décennies d'existence de l'OMC, en dépit de l'existence d'un cadre réglementaire restrictif mettant en avant la clause du traitement national122, l'on a plutôt assisté à l'explosion des mesures protectionnistes à l'échelle internationale. Celles-ci peuvent soit se présenter sous une forme tarifaire (A) soit relever d'une nature non tarifaire (B). A. Les mesures protectionnistes de nature tarifaireCes types de mesures sont des taxes prévues par les tarifs douaniers nationaux et celles qui reçoivent cette dénomination dans les règlementations internes des Etats membres. 118 Roberto FIORENTINO, Luis VERDEJA et Christelle TOQUEBOEUF, The Changing Landscape of Regional trade agreement: 2006 update, discussion paper no12, WTO, Geneva 2006, disponible sur http://www.wto.org 119 OMC, « Rapport sur le commerce mondial 2011. L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de la coexistence à la cohérence », op.cit., 44. 120 Idem p1. 121Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une institution en crise », op.cit., n°240, p.4. 122 La clause du traitement nationale qui se retrouve à l'article III du GATT §1est un autre principe-clé du dispositif normatif de l'OMC. Elle impose une égalité de traitement d'un produit quelle que soit son origine. 20 | P a g e En réalité, l'OMC prévoit les exceptions qui peuvent être faites au libre-échange. On peut ainsi citer en exemple les Accords sanitaires et phytosanitaires (SPS)123, ou les Obstacle techniques liés au commerce (OTC)124. Néanmoins pour éviter d'entraver complètement le libre-échange, l'Organisation met en place un cadre de réglementation assez strict destiné à limiter autant que possible le recours aux mesures protectionnistes. Ainsi, conformément à cette procédure, dans l'hypothèse où un pays accusé n'arrive pas à démontrer qu'une mesure incriminée était nécessaire et rentre dans le cadre des exceptions prévue125, ce pays devra s'exposer alors à une condamnation. Pourtant, en dépit de l'existence de telles dispositions fortement dissuasives, force est de constater que celles-ci n'ont pas permis d'enrayer le retour, l'évolution, ou l'expansion des obstacles tarifaires au libre-échange. On en voudra pour preuve la notion de « Taxe d'effet équivalente à des droits de douane » (T.E.E.D.D.). Il s'agit d'un concept englobant visant à prendre en considération une très grande diversité de taxes perçues à l'occasion des opérations d'importation notamment des cautions financières. Dans l'affaire Etats-Unis - Mesures à l'importation de certains produits en provenance des Communautés européennes, plainte des communautés européennes (WT/DS165/1), les communautés européennes faisaient valoir qu'une telle mesure équivalait en l'espèce à une augmentation des droits de douanes et entraîne une augmentation des droits consolidés. Comme on le note, la notion de T.E.E.D.D. présente une ambigüité plus grande que celle de droit de douane126. Il s'agit donc d'une forme cachée de protectionnisme tarifaire qui diminue significativement les exportations et les activités des entreprises d'envergure modeste. Leur étude est plus compliquée que celle des barrières tarifaires traditionnelles et les points de vue divergent127 sur leur nature. Plus encore, la tendance protectionniste est à la mode même dans les pays traditionnellement considérés comme des chantres du libre-échange. En effet, le repli sur soi, la démondialisation, la relocalisation, emporte actuellement les faveurs de nombreux gouvernements. On mentionnera ici le cas de l'administration TRUMP qui insiste pour faire payer des pays qui ont un excédent commercial vis-à-vis des Etats-Unis comme l'Allemagne 123 Cet accord SPS précise les nouvelles règles qui régissent les pratiques commerciales au niveau international. Substantiellement, il indique quels sont les droits et les obligations que les membres qui souhaitent prendre des mesures de restriction des importations dans le but de protéger la vie ou la santé des personnes des animaux et des végétaux. 124 Article XX de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et Commerce (GATT de 1947). 125 Article XX b) et g) du GATT voire encore, le Préambule de l'Accord SPS, article XIV de l'AGCS, etc. 126 Impôt prélevé sur une marchandise importée lors de son passage à la frontière. Il peut être soit forfaitaire ou représenter un pourcentage du prix (droit « ad valorem »). La finalité de cette pratique est de rendre plus chers les produits étrangers pour favoriser les producteurs locaux. 127 Christian HARBULOT et al, « les nouvelles formes et méthodes de protectionnisme » op.cit., p.29. 21 | P a g e ou le Mexique. Le nouveau président américain a, par ailleurs, promis d'augmenter jusqu'à 45 % les droits de douane sur les produits chinois et pour couronner tout, il envisage même de faire sortir son pays de l'OMC qu'il a qualifié de « désastre »128. Ces dernières années, le protectionnisme tarifaire a nettement évolué. Si par le passé déjà, notamment dans les années 1930 les mesures protectionnistes avaient fait recette, et ont conduit à l'effondrement de l'économie mondiale ayant entraîné par ricochet la seconde guerre mondiale, le risque de contournement des engagements tarifaires est bien réel aujourd'hui et ne fait qu'augmenter les peurs. Il en va aussi des mesures protectionnistes de nature non tarifaire. |
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