§ 2. LA REFORME SOUHAITEE DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES
DIFFERENDS
S'il est vrai que l'ORD présente quelques failles dans
son fonctionnement, il n'en demeure pas moins qu'il présente
l'originalité, du point de vue du contentieux international
interétatique, de pouvoir comporter deux instances344 qu'il
serait intéressant d'améliorer. D'une part, les groupes
spéciaux (A), et d'autre part, l'Organe d'appel
(B).
A. Des réformes relatives aux Groupes
spéciaux
Une multitude de critiques ont été émises
au sujet de la constitution des groupes spéciaux.
L'un des problèmes étaient relatifs à la
sélection des membres de ces groupes spéciaux. Pour
remédier à ces problèmes, le mode de sélection doit
être revu. Au lieu d'un processus unique de sélection, il serait
nécessaire d'alterner les combinaisons. L'ORD pourra par exemple
sélectionner les membres de ces groupes spéciaux sur une liste
préétablie ou recourir à un choix alternatif tel qu'une
désignation à partir d'un mécanisme ad hoc.
De même, pour éviter les accusations relatives
à la transparence qui entachent la crédibilité des groupes
spéciaux, _ car il faut le souligner, les procédures de
règlement des différends sont en principe confidentielles _ il
serait souhaitable que les audiences soient largement ouvertes au public.
344 Le Mémorandum d'accord sur le règlement des
différends aménage un véritable double degré de
juridiction : d'une part, les groupes spéciaux s'analysant comme le
premier niveau de « juridiction » et d'autre part l'Organe d'appel
qui constitue le second niveau de juridiction. V. Mémorandum d'accord
sur les règles et procédures régissant le règlement
des différends, Annexe 2 de l'Accord de Marrakech instituant
l'Organisation mondiale du commerce, 14 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 426.
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En outre, le Mémorandum d'accord dispose que, si un
Membre le demande, une partie à un différend doit «
fournir [...] un résumé non confidentiel des renseignements
contenus dans ses exposés écrits qui peuvent être
communiqués au public ». Mais, dans la pratique les parties se
sentent rarement liées par cette disposition. Les Membres donc doivent
être tenus de rendre publique une partie ou la totalité de leurs
communications. Cette obligation devrait aussi s'élargir à tous
les documents relatifs à un différend porté devant l'OMC,
à savoir les demandes d'établissement d'un groupe spécial,
les communications du Groupe spécial et les rapports finaux des groupes
spéciaux. Tous ces documents importants doivent être librement
accessibles au grand public sur le site Web de l'OMC dans l'ensemble des trois
langues officielles de l'OMC.
Au plan organique, il serait convenable de professionnaliser
les groupes spéciaux. La professionnalisation des groupes
spéciaux serait en effet un moyen nécessaire pour mieux garantir
l'indépendance des « panels » et pour diversifier leur
composition dans l'optique de renforcer davantage le caractère
juridictionnel de l'ORD.
Au plan de la procédure, le Mémorandum d'accord
a entendu conférer une force obligatoire aux décisions de
l'ORD345. Mais le défaut de ce texte, c'est qu'il n'a pas
assorti ces décisions de la force exécutoire, puisque pour
l'exécution de celles-ci, il est simplement demandé aux parties
de faire part de leurs intentions. Résultat, l'application de ces
décisions peut paraître très aléatoire.
L'instauration d'une force exécutoire complétant les
décisions de l'ORD sera ainsi un excellent rempart contre la mauvaise
foi et les procédures dilatoires régulièrement
relevées dans les phases d'exécution des ces décisions.
Afin de résoudre le problème actuel de
l'engorgement de l'ORD, et surtout celui des retards procéduraux,
l'action se doit d'être double : en premier lieu, une procédure
préventive, en réponse à un constat de menace dans le
cadre du Mécanisme d'évaluation des politiques commerciales,
mérite d'être mise en place à l'OMC. Il faudrait
déjà commencer par penser à l'autosaisine de l'ORD.
Ensuite, la mise en place d'une procédure d'urgence paraît aussi
nécessaire pour régler les litiges impliquant d'énormes
enjeux financiers. Cette action en référé qui
intègre la possibilité de prononcer les mesures provisoires ou
conservatoires est d'autant plus nécessaire que, laissé à
la libre disposition des Etats, le mécanisme d'appel est le plus souvent
utilisé comme un excellent prétexte pour retarder le
345 L'article 17.4 du Mémorandum d'accord dispose
à cet égard que « les rapports de l'organe d'appel
seront acceptés sans condition par les parties au différend
».
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processus de règlement de différends. A cet
égard, on pourra s'inspirer du référé
pré-arbitral existant dans le cadre de la Chambre de Commerce
Internationale (CCI) reconnue comme l'instance mondiale des entreprises.
Si la réforme de l'ORD est avant tout destinée
à corriger les défauts des Groupes spéciaux, elle devrait
davantage portée sur l'organe d'appel.
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