§2. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES VALEURS SOCIALES
DANS LES ACCORDS DE L'OMC
En privilégiant les valeurs commerciales, le droit de
l'OMC est resté largement fermé aux autres valeurs notamment
celles liées aux enjeux sociétaux323, qu'il
gère comme des externalités. Comme l'a relevé la
Commission du droit international, ce choix « rend pratiquement impossible
» la possibilité de faire référence à des
traités internationaux
321 Cf. Paragraphe 57 de la Déclaration de Hong
Kong de 2005.
322 La mondialisation peut se définir comme le «
processus d'élargissement de l'espace économique
d'intervention des agents économiques associée à la
libéralisation des échanges. La mondialisation débouche
sur la perte d'autonomie des politiques économiques locales ou
nationales ». Au titre de synonymes, on évoque parfois les
termes voisins tels que la Planétarisation,
Transnationalisation ou encore globalisation. Voir
Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI (Sous la
dir.), Lexique de l'économie, 6e éd., 1999,
Paris, Dalloz, p. 408. Mais, la mondialisation c'est aussi un
phénomène voulant caractériser, depuis la chute de l'URSS,
une sorte d'universalisation de principes gouvernant aussi bien
l'économie (avec comme principe de base l'économie de marche) que
l'organisation interne des Etats (démocratie et droits de l'homme) comme
la nécessaire couverture des Etats dans les partenariats divers. Voir
Gérard CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire
juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.382.
323 Pour d'amples détails, voir Catherine Le
BRIS, l'humanité saisie par le droit international public,
Paris, L.G.D.J., 2012, p.12 et ss.
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extérieurs à l'OMC324. Pour Catherine
Le BRIS « cet isolement du droit international économique est
révélateur d'une conduite schizophrénique des États
sur la scène internationale qui, bien qu'ayant consacré
universellement les droits de l'homme, [rechignent manifestement]
à les appliquer dans leurs accords commerciaux
»325. L'élaboration d'une politique sociale
internationale nécessite donc une « responsabilisation des
États par une réintégration des enjeux sociétaux
dans le champ du droit de l'OMC »326. Sont en particulier
visées, d'une part, les normes sociales (A) et d'autre
part, les normes liées à l'environnement (B).
A. La nécessaire inclusion des normes sociales
dans les accords de l'OMC
Si le dossier des normes sociales fait actuellement
débat à l'OMC, c'est en partie à cause du traitement
laxiste327 que l'OMC réserve à la question mais c'est
aussi en raison de la divergence de perceptions dont elle est l'objet. D'abord
les PED dénoncent l'utilisation du commerce comme sanction pour faire
appliquer les normes sociales. Les normes sociales constitueraient alors une
forme de protectionnisme cachée, ce que contestent les pays
riches328. Pour les pays riches, en l'occurrence l'UE et les
Etats-Unis, il s'agit avant tout de se protéger contre le dumping
social329 qui entraîne une concurrence déloyale.
L'OMC doit prendre cette problématique en
considération et lui trouver une réponse des plus adaptée.
Evidemment, même si la question n'a pas été prise en compte
dans le cadre du
324 Voir CDI, « Fragmentation du droit international :
difficultés découlant de la diversification et de l'expansion du
droit international », Rapport du Groupe d'étude de la Commission
du droit international établi sous sa forme définitive par Martti
Koskenniemi, 13 avril 2006, A/CN.4/L.682 ,§ 450.
325 Catherine Le BRIS, « Remédier
à l'irresponsabilité des États : intégrer les
enjeux sociétaux dans le droit international économique »,
Communication du 10 juin 2015 au Collège de France le 10 juin 2015
présentée dans le cadre du séminaire Inter-réseaux
« ID » « Le changement climatique, miroir de la globalisation -
12 propositions sur les responsabilités des Etats et des ETN ».
326 Idem.
327 Il n'y avait eu aucune avancée à l'OMC sur
la question du travail depuis la Conférence ministérielle de
Singapour de 1996.
328Pour les européens, l'UE avait
l'obligation, conformément à ses traités internes, de
promouvoir la démocratie, la règle de droit et les droits de
l'homme dans ses accords internationaux.
329 selon le lexique des termes juridique, « le
dumping social est un néologisme désignant la politique de
certains Etats consistant à établir une législation
permettant de pratiquer des rémunérations de moindre niveau et
des règles de droit du travail et de droit syndical moins rigoureux que
ceux qui sont en vigueur dans les Etats réputés concurrents
économiques, dans le but d'attirer l'implantation de d'entreprises sur
leur territoires ». Voir Gérard CORNU (Sous
la dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.234. Le
dumping social résulte donc de la différence de traitement des
salariés d'un pays pauvre comparé aux salariés d'un pays
riche. Cette différence de traitement en termes d'allocations ou de
prestations sociales génère un coût différentiel qui
est défavorise les producteurs concurrents des pays riches.
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cycle de Doha, les négociations ne sont pas encore
épuisées. Il conviendrait alors de l'inscrire au titre de
priorité dans l'ordre du jour des prochaines réunions.
Toutefois, l'OMC pourra se servir des exemples d'instruments
conventionnels au plan international qui accordent de l'importance à la
question de normes sociales. Ainsi, existe -il dans le cadre de
l'ALENA330 un avenant dont le but est d'assurer le respect, par
chaque Etat membre, de sa propre législation du travail. Cet accord
prévoit des consultations régulières entre les
administrations à ce propos et met en oeuvre un mécanisme de
règlement des différends doté du pouvoir de
sanction331 .
L'OMC peut davantage puiser des références utiles
dans les dispositions du Système de Préférences
Généralisées américain. Dans le cadre de ces
programmes de coopération avec les pays pauvres, les Etats-Unis
appliquent systématiquement des dispositions relatives aux normes du
travail. Il s'agit d'une forme de conditionnalité, plus ou moins souple.
Ce peut être par exemple des normes qui mettent en place un
contrôle accru de l'OIT en lui permettant par exemple d'accéder
aux usines. Le processus d'examen est confié à un
sous-comité du SGP qui examine les requêtes
présentées par des tiers.
Enfin le singulier modèle européen pourra aussi
utilement servir de guide à l'OMC afin d'accorder un meilleur traitement
à la question des normes sociales. En effet, le SPG européen,
opère d'une manière différente du SGP américain.
Concrètement, des préférences additionnelles sont
accordées aux pays qui ont adopté et respectent trois des
conventions de l'OIT : celle relative à la liberté syndicale,
à la négociation collective, et à l'abolition du travail
des enfants. Ces dispositions sont assorties de sanctions commerciales qui
peuvent être prises en cas du non respect des conventions relatives au
travail forcé et de l'interdiction d'exportation de marchandises
fabriquées par des détenus.
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