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Organisation mondiale du commerce à  l'épreuve de multiples crises. Perspective du système de régulation du commerce international.


par Kossi Kafui SAMBOE
Université de Lome  - Master 2 droit public fondamental 2017
  

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Chapitre 2. Une organisation perfectible

Si l'OMC constitue actuellement un foyer de tensions et de contestations, c'est en raison des enjeux économiques, commerciaux, sociaux, politiques qui la traversent. Il en est ainsi parce que premièrement, la base réglementaire sur laquelle le système commercial moderne repose à savoir le principe de non-discrimination, s'est progressivement érodée307. Deuxièmement, c'est aussi parce que la fracture économique entre les Membres continue de s'accroître au lieu de se réduire. Troisièmement, parce que l'Organisation priorise les valeurs marchandes au détriment d'autres valeurs comme les droits de l'homme ou les valeurs sociétales en général. Certes, des dispositions prévoient la possibilité des mesures spécifiques pour le respect de la santé humaine308 ou la protection des espèces végétales ou animales. Mais il ne s'agit que d'une prise en compte marginale de questions qui ne cessent de se faire croissantes.

On peut appliquer le même type de raisonnement à l'égard de la question des normes du travail, en mettant par exemple en relief les différences de protection sociale existant entre les PD et les PED. Cela conduit aux mêmes résultats, en l'occurrence, l'insatisfaction qui va du simple mécontentement à la contestation parfois violente309. Ce sont ces problématiques qui engendrent le doute, l'inquiétude voire le pessimisme quant à l'avenir de l'Organisation.

Cependant, il ne faut pas complètement noircir le tableau parce que la conscience de ces insuffisances existe. Le convenable serait plutôt de faire des propositions qui serviront de correctifs à ces défis en vue de parfaire le fonctionnement de l'OMC et de rehausser sa crédibilité. Aussi, ce chapitre tentera-t-il d'apporter des pistes de solutions aux différents points de friction qui ont été identifiés comme constituant de véritables menaces qui pèsent sur le futur de l'Organisation. Dès lors, deux axes majeurs seront au centre des propositions de réformes. Si le premier concerne le cadre normatif (Section 1), le second portera par contre sur le cadre organique (Section 2).

307 OMC, avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, op.cit., p.22. Ce rapport parle de « l'érosion de la non-discrimination ».

308 On mentionnera ici l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaire (SPS) dans lequel les Membres ont réaffirmé leur volonté de ne pas empêcher un Etat membre d'adopter ou de ne pas appliquer les mesures relatives à la santé sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les Membres.

309 En exemple, on mentionnera les violentes manifestations de la Société civile altermondialiste lors de la Conférence ministérielle Seattle en 1999. Ces manifestations ont été organisées de nouveau à Cancun en 2003.

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SECTION I. DES REFORMES NECESSAIRES AU PLAN NORMATIF

Il est évident qu'actuellement, l'OMC a une multitude de défis à relever. Cependant parmi ces nombreux sujets, il en existe qui requièrent des réponses des plus urgentes. En effet, alors que le cycle de Doha peine à avancer et n'enregistre aucune percée déterminante qui puisse laisser espérer un aboutissement prochain, les accords commerciaux régionaux continuent de se multiplier un peu partout dans le monde. Il s'agit en réalité d'accords bilatéraux de libre-échange qui portent sur bien de points et qui vont plus loin que le droit de l'OMC. « Ce phénomène ne peut laisser penser qu'il restera sans incidence normative ni systémique »310. C'est donc précisément au niveau des normes que devra s'orienter la réforme

du cadre des négociations (§1). Cette réforme ira davantage de pair avec le renforcement du lien entre le commerce et le développement pour corriger les imperfections du cadre normatif tant décrié par les PED. Enfin l'OMC devra aussi suffisamment prendre la mesure de la

critique sociale en incluant les valeurs non marchandes dans le système conventionnel (§2).

§ 1. LA REFORME DU CADRE JURIDIQUE DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES

La réforme du cadre juridique des négociations commerciales devra s'articuler au tour de deux points. D'une part, le renforcement du multilatéralisme (A) et d'autre part, la consolidation du lien entre le commerce et le développement (B).

A. Le nécessaire renforcement du multilatéralisme

Le défi le plus important que l'OMC doit relever est celui du renforcement de la règle de non-discrimination qui est la pierre angulaire de l'Accord instituant l'OMC.

Pour cela, la clarification des règles relatives aux accords commerciaux s'impose, même si certains pensent qu'une telle orientation ne mettra pas complètement fin au problème de fond

310Habib GHERARI, « Organisation mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international ».R.G.D.I.P, 2008, p. 292.

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que soulève la prolifération des accords préférentiels, dans la mesure où ces accords ne sont tout de même pas dénués d'intérêts311.

Néanmoins, puisque le problème se fait persistant, la doctrine n'a alors pas manqué de formuler des propositions. Parmi celles qui reviennent le plus souvent, nous en retiendrons quatre.

Une première proposition consisterait à revoir certains principes qui peuvent paraître quelques fois rébarbatifs. Au rang de ceux-ci, figure le principe général du consensus. En effet, comme le rappelle le professeur SIROËN, « L'absence de règles de majorité flatte la souveraineté des États, mais, avec 148 pays, elle conduit à l'échec, à des compromis boiteux ou à des règles contradictoires qui, en retour, affaiblissent l'organisation. L'échec de la Conférence de Seattle en 1999 a empêché l'ouverture d'un nouveau cycle dit du millénaire, celui de la Conférence de Cancun en 2003 a ravivé les inquiétudes sur l'avenir de l'OMC. »312 Ainsi, lors des négociations ou au moment de l'examen des accords commerciaux, il serait convenable de mettre en parenthèses le principe du consensus et lui substituer la technique du vote qualifié qui demeure nécessaire pour adopter ou faire amender les accords lorsque certaines de leurs dispositions font l'objet de désaccords. Cependant, il faut aussi bien reconnaître qu'une telle option, s'il est amené à se généraliser, pourrait bien être suicidaire pour le multilatéralisme. Pour cela, il faut qu'elle concerne les cas où les désaccords paraissent des plus insurmontables.

Une seconde proposition consisterait à s'inspirer du droit international en l'occurrence de l'expérience européenne pour mettre en oeuvre le principe de subsidiarité dans le cadre du système commercial multilatéral. Pour rappel, ce principe vise à privilégier le niveau inférieur de décision aussi longtemps que le niveau supérieur n'est pas en mesure d'agir de manière efficace. Concrètement, il s'agira donc d'attribuer des compétences à l'OMC par délégation de pouvoir d'autorité politique.

Par ailleurs, l'élargissement du recours au mécanisme de règlement des différends et l'extension de sa portée aux accords commerciaux seraient des options qui mériteraient d'être étudiées avec minutie. Une telle solution serait utile d'autant qu'elle offrirait une voie légale

311 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une institution en crise », op.cit., p.73. En effet, pour Siroën, « Ces accords visent autant à réduire les tarifs douaniers qu'à introduire les "sujets" repoussés à l'OMC : normes de travail, concurrence, investissement, marchés publics, environnement."

312 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une institution en crise », op.cit., p.73.

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aux contestations externes s'exprimant de manière inappropriée lors des négociations313. L'on devrait aussi permettre au Conseil général d'intervenir par voie d'autorité pour préserver l'intérêt collectif et assurer la progression des dossiers.

Enfin, la dernière proposition s'inscrit dans la droite ligne des recommandations faites par Richard BALDWIN dont les travaux314ont profondément inspiré le Rapport sur le commerce mondial de 2011. Son analyse est simple mais assez pragmatique. Puisque le régionalisme est une pratique appelée à durer, il propose alors de le « multilatéraliser » pour qu'il soit en phase avec le cadre multilatéral. Il suffirait pour cela de « lier les grands groupes régionaux entre eux par de multiples accords, en regroupant les accords bilatéraux pour en faire des accords plurilatéraux, et en étendant aux autres membres de l'OMC les préférences contenues dans les nouveaux accords »315. En guise d'illustration, on peut évoquer les accords tels que le Partenariat Trans-Pacifique (TPP)316 entre la zone Amérique et la région Asie-Pacifique ; le Partenariat Transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI, TTIP ou TAFTA)317 ou encore les Accords de Partenariat économiques entre l'UE et la CEDEAO.

Outre, le renforcement du multilatéralisme, il importe aussi de consolider lien commerce et développement dans les accords de l'OMC.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore