Organisation mondiale du commerce à l'épreuve de multiples crises. Perspective du système de régulation du commerce international.par Kossi Kafui SAMBOE Université de Lome - Master 2 droit public fondamental 2017 |
SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION EFFICACEL'OMC est sans nul doute parfois contestée. Néanmoins, bien qu'étant aujourd'hui pointée du doigt par certains, cette organisation n'en reste pas moins l'une des plus grandes réussites internationales de ces dernières années270. Par ses mécanismes, ses procédures et ses résultats, elle a contribué à l'instauration d'un commerce international plus sûr. De plus, son mécanisme de règlement des différends qui apparaît comme le pilier du système commercial multilatéral est l'outil le plus efficace pour assurer l'effectivité des normes relatives à la libéralisation des échanges271. Julien BURDA dira, à cet effet, que : « la place centrale accordée à la règle de droit dans la procédure, les délais plus stricts et la plus grande automaticité qui ont été instaurés, en particulier par l'adoption quasi automatique des rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel par le biais du consensus inversé, 269 Voir l'affaire Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes (Plainte de l'Équateur) (1997), OMC. Doc. WT/DS27/R/ECU (Rapport du Groupe spécial). Dans cette affaire, les pays de l'Amérique latine exportateurs de la banane tels l'Equateur, le Guatemala, le Honduras et le Mexique ont fait bloc pour contraindre juridiquement les Communautés européennes dénoncées pour avoir pris des mesures contraires aux dispositions de l'Accord sur l'agriculture et celles de l'Accord sur les services. 270 Julien BURDA : « l'efficacité du mécanisme de règlement des différends de l'OMC : vers une meilleure prévisibilité du système commercial multilatéral », R.Q.D.I (2005), p.1. 271 Idem. 60 | P a g e renforcent sans conteste la sécurité et la prévisibilité du système commercial international »272. Alors, comment ne pas voir dans tous les développements que le monde a connus, à savoir la croissance économique, les progrès humains, la consolidation de la paix tout au long de ces deux décennies passées, la matérialisation des fulgurants succès de l'OMC ? 273. Ces succès considérables ne sont que la résultante de l'efficacité de l'Organisation. Cette efficacité, si elle est déjà établie (§1), elle ne cesse de se renforcer (§2) §1. UNE EFFICACITE AVEREEDepuis l'instauration de l'OMC en 1995, suite aux Accords de Marrakech, les données274 montrent que l'OMC suscite une adhésion massive de la part des Etats, ce qui témoigne de l'efficacité acquise par l'Organisation. Cette efficacité est à double tour : une efficacité par la procédure mise en oeuvres (A) et une efficacité par les résultats obtenus (B). A. Une efficacité assurée par les procédures mises en oeuvreL'OMC est une organisation member driven c'est-à-dire que l'OMC est directement dirigée par ses membres que constituent les gouvernements représentés, soit par les ministres qui doivent ainsi se rencontrer tous les deux ans ou soit par les déléguées ou les ambassadeurs qui tiennent régulièrement des réunions. Ce qui en fait a priori une institution indépendante aux antipodes des autres organisations internationales comme la Banque mondiale ou le Fond monétaire international (FMI) auxquelles il est régulièrement reproché d'être sous influence américaine ou européenne. Machine de négociations permanentes et continues, le fonctionnement de l'OMC repose sur le consensus. En effet, le consensus est un processus de recherche du consentement le plus large sans recourir à un vote formel au moyen de discussions, en dépassant les blocages, les clivages entre les positions différentes, voire divergentes, pour arriver à un compromis 272 Ibidem. 273 Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p. 22. 274 Selon les tous derniers chiffres de l'OMC publiés ce 29 juillet 2016, ils sont au total 164 Etats membres. 61 | P a g e acceptable. Ainsi, aucune décision majeure n'échappe à la règle de consensus275, que ce soit pour l'adoption des accords commerciaux multilatéraux issus des négociations ou pour la mise en oeuvre de sanctions économiques à l'encontre d'un membre reconnu fautif, dans le cadre du mécanisme de règlement des différends276. Certes, s'il peut paraître parfois difficile d'adopter des décisions avec un nombre aussi important d'Etats membres, en revanche le choix d'une telle procédure ne manque pas de finesse : le principal avantage reste que les décisions ont plus de chance d'être acceptées ou mieux appliquées par tous les Membres. Il y a là une différence fondamentale par rapport aux autres organisations internationales économiques que sont la Banque Mondiale ou le Fond monétaire international (FMI) puisqu' il n'y a pas de délégation de pouvoirs concédée à un conseil d'administration ou à un quelconque ou à un chef à l'OMC. A cela, s'ajoute une procédure de règlement des différends277dont la principale caractéristique est le respect d'un échéancier. Les décisions des groupes spéciaux sont entérinées par 1'O.R.D. (sauf rejet à l'unanimité, ce qui devrait être très rare) et des mesures de rétorsion à l'encontre des Etats fautifs sont aussi possibles. La mise en oeuvre de ces dispositions procédurales qui tient compte des sensibilités de tous Membres permet ainsi à l'OMC d'assoir une solide légitimité. Preuve de sa solide légitimité, l'OMC jouit d'une base sociologique assez confortable puisqu'elle compte actuellement plus de 164 membres278 répartis sur tous les continents et représentant tous les intérêts ainsi que toutes les sensibilités du monde. Sa base sociologique qui est non seulement l'une des plus étendues mais aussi l'une des plus représentatives de la diversité du monde, constitue sans doute une avancée significative. En effet, le nombre croissant d'Etats membres, de regroupements ou d'alliances279 traduit une diffusion plus large du pouvoir de négociation au sein de l'OMC. 275 Cependant, lorsque le consensus n'est pas atteint, les décisions de la Conférence Ministérielle et du conseil général sont prises, sauf dispositions contraires, par un vote à la majorité. 276 En effet, contrairement au mécanisme de règlement de différends du GATT, le Mémorandum d'accord sur le Règlement des Différends, en son article 2:4, a opté pour le choix d'un consensus inversé pour l'adoption des sanctions. Il y a consensus si aucun membre de l'OMC, présent à la réunion au cours de laquelle la décision a été prise ne s'oppose formellement à la décision proposée. 277 La procédure de conciliation sous l'empire de l'ancien GATT débouchait régulièrement sur le blocage. Faute de consensus, nombre de rapports des groupes spéciaux n'avaient pu être adoptés, la partie « perdante » ne manquant pas de s'y opposer. Cependant, même lorsque les rapports étaient adoptés, les recommandations qu'ils contenaient étaient rarement suivies d'effet. 278 Voir la liste des Membres de l'OMC sur https://www.wto.org/french/thewto_f/countries_f/org6_map_htm 279De nouveaux groupements d'États ont émergé à l'OMC. Il y a par exemple les regroupements de type «G» tels que groupe G-20 qui représente l'alliance des pays en développement sur l'agriculture. ou encore le G-33, En somme, l'ensemble des procédures mises en oeuvre assure à l'OMC une légitimité qui ne fait l'ombre d'aucun doute. C'est ce que rappelait Bernard GUILLOCHON, quand il indiquait que les demandes d'adhésion et le nombre élevé de conflits commerciaux portés devant ses organes de règlement des différends restent les meilleurs indicateurs de la confiance acquise par l'OMC. Il concluait à cet égard qu'« il existe une certaine confiance dans la possibilité d'aller vers un système plus multilatéral et beaucoup de pays veulent manifestement s'appuyer sur l'Î.Ì.Ñ. pour mieux participer au développement attendu du commerce mondial. Cela transparaît dans le dynamisme des échanges mondiaux f...], les demandes d'adhésion et les nombreux recours à l'arbitrage de l'institution pour le règlement des conflits »280. Si les procédures mises en oeuvre confèrent à l'OMC une certaine légitimité, celle-ci est davantage assurée grâce aux résultats qui ont été atteints par l'Organisation au cours de ces deux décennies de fonctionnement. |
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