§2. LES DIMENSIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES DES
FRUSTRATIONS
A l'image de la contestation politique, il existe de
même à l'encontre du libéralisme prôné par
l'OMC une critique qui est à la fois économique et sociale. Si la
critique de nature économique est représentée par les
milieux économiques (A), la contestation sociale, quant
à elle, est essentiellement portée à bout de bras la
société civile internationale (B).
A. La critique économique du
libéralisme
Pour l'OMC, la libéralisation du commerce favorise la
croissance quelque soit le niveau de développement du pays
concerné221. Cependant depuis quelques années
déjà, il y a une floraison de théories économiques
qui concluent au scepticisme quant au lien entre le commerce et le
développement, entre l'ouverture et la croissance222. Ces
critiques sont vérifiées à l'examen des faits. En effet
les PED qui se sont intégrés depuis les années 1980
à l'économie mondiale libéralisée n'ont pas ou ont
peu bénéficié de la croissance à l'instar de la
majorité des pays de l'Amérique latine (comme l'Argentine
l'Uruguay ou le Mexique). A l'opposé, ceux qui en ont largement
profité, ce sont des pays qui se sont abstenus de respecter tous les
règles du jeu. Au nombre de ces pays, nous pouvons citer les pays
asiatiques qui ont pratiqué la politique d'orientation du crédit
et différentes formes du protectionnisme. Certains
220 Chloé MAUREL, Géopolitique
des impérialismes, op.cit., p. 176-177.
221 OMC, Rapport annuel 1998, OMC, Genève, 1998,
p.6.
222 Frederic Rodriguez et Dani
Rodrik, «Trade policy and economic growth: A skeptic's Guide to
the National Cross Evidence» NBR Working Papers, n
o7081.Voir Lahsen ABDELMALKI et
René SANDRETTO, les cahiers français de la
Mondialisation et commerce international, no 325, Paris, la
documentation française 2005, pp. 73-78.
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économistes trouvent qu'aujourd'hui si la Chine et
l'Inde progressent rapidement sur le plan économique c'est grâce
à la combinaison intelligente qui alterne les phases de
libéralisme et de contrôles223. De même, certains
donnent l'exemple de la Malaisie qui a réussie à sortir d'une
crise financière grâce au contrôle des mouvements de
capitaux.
Finalement, ce ne sont pas les pays les plus ouverts qui ont
bénéficié de la croissance. Ce constat tranche
radicalement avec certaines affirmations de l'OMC qui soutient que «
les pays en développement ouverts ont des résultats meilleurs
que les pays en développement fermés. »224.
Le prix Nobel d'économie Joseph STIGLITZ ne partage pas lui non plus
cette vision. En 2001, cet économiste de renom n'a pas
hésité à monter au créneau pour dénoncer de
telles aberrations. Pour lui, il est évident que « les pays en
développement ayant réussi [...] ont profité de la
mondialisation pour augmenter leurs exportations et leur croissance en a
été accélérée. Mais ils n'ont levé
leurs barrières protectionnistes qu'avec précaution et
méthodes225 ».
En somme, la critique économique avance que le
libéralisme « intégral » tant
célébré autant par les institutions internationales que
par l'esprit de Marrakech n'a pas profité à grand monde.
Paradoxalement, c'est le contraire qui s'est produit puisque au lieu de
réduire les inégalités, il a plutôt contribué
à les accentuer n'arrangeant rien au retard accusé par les
pauvres en l'occurrence les Etats africains.
La contestation émanant des milieux économiques
constituent donc un cinglant désaveu à la récurrente
propagande de l'OMC qui s'appuie davantage sur les pseudos bienfaits sociaux du
libéralisme.
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