Organisation mondiale du commerce à l'épreuve de multiples crises. Perspective du système de régulation du commerce international.par Kossi Kafui SAMBOE Université de Lome - Master 2 droit public fondamental 2017 |
§ 2. LES LACUNES DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES DIFFERENDSEn vertu de l'article 3.2 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends de l'OMC, « le système (..) est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral ». L'objectif visé par ses promoteurs était donc double : d'un côté, le mécanisme se voulait préventif c'est-à-dire améliorer la prévisibilité du système commercial multilatéral et de l'autre coté, curatif puisqu'il s'agissait avant tout de renforcer la sécurité du mécanisme de régulation dans son ensemble. C'est donc au regard des deux objectifs, au demeurant ambitieux qu'il nous importera d'évaluer l'efficacité de l'ORD sous le prisme de la procédure mise en oeuvre (A) mais aussi au travers de la nature des sanctions (B). A. Des insuffisances tenant à la procédure mise en oeuvreAu plan de la procédure, le système présente de graves insuffisances. La prévisibilité et la sécurité du mécanisme tant vantée dans les textes est loin de faire ses preuves dans la pratique d'autant plus que non seulement des lenteurs procédurales sont à relever dans la phase d'examen mais plus pernicieux encore, à l'étape d'exécution, le dilatoire demeure l'obstacle principal. En ce qui concerne le premier point, malgré les délais prévus, une procédure complète de règlement de différends exige encore un temps considérable durant lequel le plaignant continue de subir le préjudice économique si la mesure contestée est effectivement incompatible avec les règles de l'OMC. En effet, selon une étude réalisée récemment par le General Accounting Office américain sur 42 règlements des différends, 19 cas ont pu être résolus avant la phase contentieuse de l'ORD. Mais, dans 15 cas, les délais moyens 159 Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a accouché finalement que d'un accord à minima en décembre dernier à Bali », le nouvel economiste.fr, consulté le 10juin 2016. 29 | P a g e atteignaient 21 mois. Ces lenteurs procédurales laissent les Etats et leurs entreprises dans une incertitude difficilement acceptable. De même, il a fallu attendre pas moins de trois années avant que l'affaire de l'amendement Byrd160 ne connaisse son dénouement, alors même que, par principe, le délai de réponse de l'ORD est généralement de 60 jours. Ce délai a été encore plus allongé dans le contentieux commercial sur la banane161 où l'arbitrage de l'OMC s'est étalé sur une durée record de 12 ans. De ce point de vue, il ne fait aucun doute que le système paraît désaxé au regard de son ambition de prévisibilité. Ensuite, les problèmes rencontrés dans l'exécution des décisions de l'ORD sont encore plus importants d'autant plus que le manque de volonté de coopérer est le plus souvent manifeste, comme en témoignent éloquemment le différend de la viande aux hormones162. A cela s'ajoute le déséquilibre réel malgré l'apparente égalité de droit de tous les Etats entre les pays pauvres et le pays riches. En effet, les honoraires très coûteux des cabinets d'avocats dissuadent les PMA de recourir à l'ORD. Il s'en suit que ces pays ne peuvent véritablement se prévaloir des droits induits par le système commercial international. Enfin les défauts du système résident aussi dans l'absence de transparence des procédures puisque les délibérations sont confidentielles et les experts demeurent anonymes. Aussi importe-t-il de conclure que la longueur du processus, le déficit de transparence ainsi que le déséquilibre dans la saisine de l'ORD constituent autant de pesanteurs à l'encontre des ambitions de prévisibilité et de sécurité du système. A ces pesanteurs s'ajoutent des avatars tenant à l'absence de sanction. 160 Voir l'affaire WT/DS/217/2003 Etats-Unis - loi sur la compensation (Rapport de l'organe d'appel). Le 21 décembre 2000 les plaignants, entre autre l'Australie, l'UE le Brésil le Chili le Canada avaient saisit l'ORD sur l'amendement Byrd qui prévoyait l'obligation pour les autorités douanières américaines de distribuer des droits compensateurs aux producteurs locaux touchés par des mesures de dumping. Le groupe spécial mis en place par l'ORD a considéré que la mesure était incompatible avec certaines dispositions de l'accord antidumping. Le 16 janvier 2003, l'Organe d'appel a confirmé la constatation du groupe spécial. 161Débuté en 1996, l'affaire de la Banane III (WT/DS27/2008 CE -_ Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution de la banane) a connu moult rebondissements. Il a fallut attendre le 8 novembre 2012 pour voir cette affaire réglée ou classée (demande retirée ou solution convenue d'un commun accord). 162 Voir l'affaire Communautés européennes - Mesures communautaires concernant les viandes et les Produits carnés (Plainte des États-Unis) (1998), OMC Doc. WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R (Rapport de l'Organe d'appel) [Hormones]. Dans cette affaire en particulier, en dépit de leur engagement à se conformer aux recommandations de l'ORD, les communautés européennes ont refusé à se mettre en conformité vis-à-vis de cette décision. L'ORD a alors autorisé les Etats Unis à prendre des mesures de rétorsions prenant la forme de suspension de concessions à l'égard des communautés européennes. Aux dernières nouvelles, les deux parties ont trouvée un terrain d'attente : les Communautés européennes s'engagent à importer la viande bovine provenant d'animaux non traités avec certaines hormones en échange de droits majorés appliqués par les Etats-Unis. 30 | P a g e |
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