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Organisation mondiale du commerce à  l'épreuve de multiples crises. Perspective du système de régulation du commerce international.


par Kossi Kafui SAMBOE
Université de Lome  - Master 2 droit public fondamental 2017
  

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B. Des défauts tenant à l'absence de sanction

Une analyse approfondie de la variété des sanctions prévues par le Mémorandum sur le règlement des différends laissent apparaître des insuffisances notables.

D'une part, en faisant une appréciation rétrospective du mécanisme de l'ORD durant ces vingt dernières années, on est saisi par une profonde impression de carence et un fort sentiment de déception : carence parce que seuls les États peuvent saisir l'ORD, alors que curieusement les victimes directes des violations des règles commerciales internationales, en l'occurrence les opérateurs économiques, n'y ont directement pas accès. Cette limitation du droit de saisine laisse indubitablement subsister la crainte que ces derniers soient condamnés à exercer un lobbying insistant auprès de leurs États. D'autre part, le pays en infraction et condamné peut toujours négocier des « compensations commerciales mutuellement acceptables »163, ou « suspendre des concessions ou d'autres obligations en ce qui concerne le(s) même (s) secteurs (s) que celui (ceux) dans lequel (lesquels) le groupe spécial ou l'Organe d'appel a constate une violation »164. Ces mécanismes particuliers de la procédure de l'ORD semblent donc ne pas être conciliables avec l'idée d'une démarche de droit.

Par ailleurs, il faut souligner que les accords de l'OMC font souvent référence à d'autres institutions internationales telles que l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, (OMPI). Ce qui interroge sur une concurrence éventuelle entre ces régimes juridiques.165 Une mention spéciale doit être faite au mécanisme de prélèvement de droits de douane punitifs166 qui est, enfin, totalement impraticable pour les pays pauvres lorsqu'ils sont confrontés à des super puissances économiques qui rechignent à coopérer. Ce phénomène a été très clairement mis en évidence par les problèmes rencontrés par l'Équateur dans l'application des sanctions à l'encontre de l'UE dans le cas des importations de bananes167. De même, tout récemment, l'Afrique du sud est sortie totalement affaiblie du bras de fer qui l'a opposé plusieurs mois durant aux Etats-Unis au sujet de l'importation de la volaille. Face à la menace de suspension

163 Voir l'article 22 §2du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Annexe 2 de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 14 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 426.

164 Ibidem §3 a).

165 Pour des cas de différends commerciaux, voir Hélène RUIZ-FABRI, « Le règlement des différends au sein de l'OMC : naissance d'une juridiction, consolidation d'un droit » in mélanges en l'honneur de Philippe Kahn, paris, Litec, 2000, p. 347. De même voir David LUFF, Le droit de l'organisation mondiale du commerce : analyse critique, LGDJ, 2004, p.15 et ss.

166 On parle généralement de suspension de concession qui une forme de contre-mesure qui prend souvent la forme d'une augmentation des droits de douanes sur les importations.

167 WT/DS27/R/ECU Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes (Plainte de l'Équateur) (1997), OMC. Doc. (Rapport du Groupe spécial).

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du tarif préférentiel de vente sur le marché américain dont l'Afrique du sud est bénéficiaire dans le cadre de l'African Growth Opportunity Act (AGOA)168, Pretoria n'a eu d'autres choix que de se plier à la volonté de Washington. Plus pernicieux encore, le rachat d'obligation instauré par le Mémorandum de règlement de différends peut s'analyser comme une prime à la transgression des règles commerciales.

Ces mesures sont, en tout état de cause, contraires à l'esprit de l'OMC et elles peuvent donner l'impression qu'un pays s'en tire à meilleur compte avec des mesures (de rétorsion) de nature protectionniste ; ce qui, in fine, ne laisse manifestement que peu de crédit au mécanisme de sanction de l'ORD et par extrapolation à l'OMC169. On comprend donc assez aisément qu'aujourd'hui l'Organisation soit l'objet de tant de contestations.

168 «African Growth Opportunity Act» est une loi adoptée en mai 2000 par le Congrès américain ayant pour objectif de soutenir l'économie des Etats africains. A noter que cette loi est régulièrement l'objet de vives critiques. On lui reproche d'avoir instauré un système asymétrique dont le cadre ne permet pas aux petits pays africains de faire valoir leurs conditions alors que les Etats-Unis se réservent un droit exclusif de suspendre les clauses qui menaceraient leurs propres productions. Voir Didier LAURENT, « Régimes préférentiels et système commercial multilatéral : une analyse comparative des accords Europe-ACP et de l'AGOA », Revue juridique de l'océan indien, 2013, no16, p.113-152.

169 Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC », L'Économie politique 2007 (no 35), p. 55.

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