Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.par Ghislain Marceau BANGA Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015 |
B - LE DEFICIT DE COORDINATION ENTRE LES ETATSLe souverainisme sécuritaire, sans être une exclusivité africaine, encore moins de l'Afrique centrale, marque le profond attachement classique wébérien à l'idée d'Etat, monopolisant au sens de Norbert ELIAS146(*). Ainsi, les Etats cherchent à s'accommoder à la préservation de leurs intérêts tout en ménageant l'opinion publique nationale. L'épisode de la coordination échouée entre le Cameroun et le Nigéria pour la lutte contre « BokoHaram » est un exemple édifiant, car on a l'impression que l'Etat nigérian ne lutte pas efficacement contre la secte islamique ; les exactions de ce groupe semblent être instrumentalisés à des fins de politique interne. Cette vision disparate des Etats essayant de préserver leurs propres intérêts déstabilise souvent les tentatives de gestion des conflits, car les Etats privilégient leurs préoccupations spécifiques au détriment de la paix et de la sécurité sous régionale. Le déficit de coordination dont nous parlons ici, se traduit entre autre par une défaillance du partage des informations (1), et une collaboration quasi inexistante (2). 1 - Une défaillance du partage des informations entre les différents pays sur les menaces potentiellesLa faible structuration d'une diplomatie sécuritaire convergente dans l'espace géographique Afrique centrale n'est plus à démontrer. Cela est en partie dû à ce que nous avons appelé plus haut souverainisme sécuritaire et souverainisme tout court. Cet état de choses empêche une interopérabilité entre les différents pays, toute chose qui pourrait conduire, le cas échéant à une gestion efficace des conflits et de fait, à une amélioration du cadre sécuritaire de l'Afrique centrale. Le manque d'organisation est à mettre également au registre des griefs du défaut communicationnel. L'information et son traitement lors des conflits permet une meilleure gestion de toute éventualité. Une cellule de veille informationnelle avait déjà été pensée au niveau de l'UA, mais manifestement, son fonctionnement est inopérant. En effet, le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), dans le cadre sous régional dispose d'un mécanisme d'alerte précoce chargé de recueillir toutes les informations utiles pour prévenir les crises et les conflits. Le CPS utilise donc le système d'alerte précoce pour faciliter une réponse opportune et efficace à des situations de conflits ou de crises en Afrique147(*). En tant qu'observatoire des situations de crise sur le continent, son rôle est de compiler et d'analyser les indicateurs sociologiques, économiques, militaires et humanitaires sur des situations de crise et de proposer des modules d'alerte rapide ainsi que des recommandations d'actions à entreprendre. En plus, il publie quotidiennement un bulletin d'information sur les situations de crise148(*). Toutefois un constat s'impose, c'est celui selon lequel cette structure du CPS ne parvient pas encore à disposer d'une base de données fiable pour alerter la communauté africaine sur d'éventuelles menaces qui affecteraient le continent. Le rapt de ressortissants étranger et même des locaux, qui se retrouvent quelques fois dans les pays voisins, montre bien qu'il y a une nécessité d'avoir des structures interconnectées pour partager et coordonner l'ensemble des informations ayant trait à de potentielles menaces sur le continent. L'interconnexion des uns et des autre est aujourd'hui une nécessité impérieuse pour pouvoir prendre à temps les mesures idoines pour lutter efficacement contre toutes les formes de menaces. Bien que paralysé par le manque de moyens et des rivalités entre les CER et l'UA, ce mécanisme pourrait jouer un rôle déterminant dans la gestion des crises et des conflits. Les Etats devraient donc s'en inspirer et l'améliorer pour avoir un cadre viable de partage des informations, pouvant permettre une meilleure collaboration en matière de gestion des conflit. * 146 Norbert ELIAS, La dynamique de l'Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1975. * 147 Protocole relatif à la création du conseil de paix et de sécurité de l'Union Africaine, 9 juillet 2002, Art 2. 2. * 148 L'Union africaine et la sécurité collective www.psi.ulaval.ca/publications/sécurité_mondiale/ consulté le 24 novembre 2014 à 16h. |
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