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Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.


par Ghislain Marceau BANGA
Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015
  

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SECTION II :...ÀL'ENVOI DES UNITES CONSTITUEES SUR LE THEATRE DES OPERATIONS

La participation du Cameroun dans les conflits en Afrique, s'inscrit dans une perspective aujourd'hui suffisamment routinière et ritualisée qu'elle semblerait apparaitre comme une institution. Dans certains cas de figure, cette contribution est proche du symbole dans le sens où elle se limite à un envoi au minima des forces en vue de la simple représentativité ; tandis que dans d'autres cas, les plus nombreux, elle s'inscrit dans une logique majoritaire dans laquelle le Cameroun, du moins, ses forces armées et sa police arrivent à jouer un rôle déterminant ; c'est-à-dire structurant. Les cas des crises en RCA (A) et en RDC (B) l'attestent à suffisance.

A - le cas de la crise centrafricaine

Le simple prononcé de la crise centrafricaine renvoie dans les imaginaires, à une situation de « désordre » politique et constitutionnel qui s'est enracinée depuis la période des indépendances. Dans ce pays, les changements anticonstitutionnels de gouvernement par le truchement des coups d'Etats sont devenus légions. Il va s'agir dans cette perspective d'analyse et d'étude de la stratégie camerounaise de gestion des conflits, de rappeler davantage ces situations ou épisodes de conflits ou crise en RCA (1), avant d'en préciser l'essence même de cette contribution (2).

1. De la rétrospective sur les crises politiques en République centrafricaine...

La RCA est la cible depuis des années de groupes rebelles et de bandes de pillards venus des pays voisins (Tchad, Soudan, Ouganda, RD Congo notamment). La situation s'est à tel point dégradée ces dernières années que l'on parle désormais d'Etat failli. La RCA, l'un des pays les plus pauvres au monde, dispose de ressources naturelles largement inexploitées et ne revêt pas de réel intérêt stratégique, ce qui a autorisé son effondrement progressif.

Le 24 mars 2013, la Séléka, une coalition de groupes rebelles venus du Nord de la République centrafricaine mais comptant des combattants à la fois centrafricains, tchadiens et darfouris, prenait le pouvoir, renversant le président François BOZIZE. Les motivations de la Séléka ont pris un tour religieux depuis le mois de septembre dernier lorsque des milices chrétiennes se sont formées en réaction à ses exactions. Le président de transition que la Séléka a porté au pouvoir, Michel DJOTODIA, a dissous le mouvement à la suite des exactions commises par les membres des différentes forces qui le composaient. Mais les bandes armées semant la terreur dans les rues de la capitale sont toujours légion, leur capacité de nuisance n'ayant pas été altérée par leur intégration à ce que le gouvernement de transition présente comme les nouvelles forces de sécurité centrafricaines. Michel DJOTODIA joue lui-même un jeu trouble, à la fois débordé et tenu en respect par les bandes de pillards qui l'ont placé au pouvoir. Les autres responsables politiques en poste à l'époque de la prise de pouvoir de DJOTODIA ont été laissés en place, notamment le premier ministre Nicolas TIANGAYE, et sont aujourd'hui visiblement dépassés par une situation qui ne fait qu'empirer et qu'ils n'ont pas activement combattue.

Face à la dégradation de la situation, la France a soumis une proposition de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies visant à renforcer la Mission Internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA), force africaine présente en RCA. Cette résolution autorise également la France à soutenir la MISCA militairement, avec la possibilité que cette dernière devienne ultérieurement une force onusienne si les soldats africains ne devaient pas parvenir à gérer la situation. La MISCA renforcée doit se déployer pour une période de douze mois, révisable au bout de six mois, et aura un mandat l'autorisant à recourir à la force, un mandat de chapitre VII de la Charte des Nations unies.

Le premier ministre centrafricain, Nicolas TIANGAYE, interlocuteur principal de la communauté internationale depuis le début de la crise et interface avec le président DJOTODIA, avait lui-même appelé à un vote donnant à la MISCA et son appui français un mandat de chapitre VII. Figure militante de la défense des droits de l'homme en Centrafrique, M. TIANGAYE semble espérer une sortie de crise orchestrée par la communauté internationale. La résolution 2127 a été votée à l'unanimité par le Conseil de sécurité le 5 décembre 2013. Un conseil de défense a été tenu en France le même jour, à l'issue duquel François Hollande a annoncé l'envoi immédiat des troupes visées par la résolution onusienne. Il s'agit ici pour la France d'appuyer une force déjà existante et non d'entrer en premier, ce qui fait une différence notable avec l'opération Serval au Mali. L'ONU a menacé de sanctions certains membres de l'ex-Séléka, dont son numéro deux et homme fort, Noureddine Adam. Un embargo sur les armes à destination de Bangui fait également partie de la résolution.

Le nom donné à l'opération française en Centrafrique, lancée le 5 décembre, est Sangaris. Cette opération est dirigée par le général Francisco Soriano et les troupes qui la composent ont été déployées très rapidement. Les troupes françaises ont en effet déjà atteint 1.600 hommes et doivent se stabiliser à ce chiffre pour demeurer sur place jusqu'à ce que la mission soit remplie. Lors d'une conférence de presse en marge du sommet sur la paix et la sécurité en Afrique samedi dernier, François Hollande a annoncé que la mission première des troupes françaises serait de désarmer les milices et de rétablir la sécurité pour permettre la tenue d'élections libres.

Dès l'annonce du déploiement de renforts français pour épauler la MISCA, de nombreux ex-Séléka avaient quitté Bangui. La situation à Bangui semble plus calme depuis samedi matin, la présence des Français dans la ville dissuadant les groupes de s'affronter dans le centre-ville. Mais les violences et massacres continuent dans les faubourgs populaires de Bangui, les soldats français doivent donc maintenant ramener l'ordre dans ces quartiers. Les troupes françaises ont entrepris ces derniers jours de se déployer hors de Bangui, notamment à Bossangoa, ville du Nord du pays très touchée par les affrontements. Lors du mini-sommet sur la situation en Centrafrique le 7 décembre, en marge du sommet sur la paix et la sécurité en Afrique qui se tenait à Paris, le président français a pu s'entretenir avec ses partenaires sur le dossier. Se trouvaient notamment à ce mini-sommet BAN KI-MOON, le premier ministre centrafricain Nicolas TIANGAYE et les dirigeants des pays voisins. Le Secrétaire général de l'ONU a à cette occasion chaleureusement salué l'implication de la France dans la réaction internationale face à la crise.

De leur côté, les partenaires africains de la France dans cette opération font montre d'un volontarisme certain. La MISCA compte 2.500 hommes venus des pays voisins (Gabon, Cameroun, Congo et Tchad) et doit être portée à 3.600 soldats africains, épaulés par un millier de soldats français, dans les prochaines semaines. Il a même été annoncé que la force africaine coordonnée par l'UA devrait atteindre 6.000 hommes, ce qui semble être un objectif de plus long terme.

La France a obtenu le soutien de l'Union européenne, Hermann VAN ROMPUY ayant notamment témoigné son adhésion à l'action française. L'UE a également annoncé qu'elle entendait soutenir la MISCA, notamment financièrement. Le déploiement du Battle group européen aurait également été évoqué dans les discussions mais ne serait pas à l'ordre du jour, la France n'ayant pas sollicité une telle aide. Le Royaume-Uni va de son côté fournir des avions de transport militaire pour soutenir l'intervention française. L'Allemagne a également proposé son aide à la France en matière de transport aérien.

Les Etats-Unis sont très réticents au possible basculement de la mission en force de maintien de la paix de l'ONU, considérant que les forces africaines de la MISCA pourront gérer seules la situation, dans une logique affichée de sécurisation de l'Afrique par les Africains. Mais le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a fait part de ses préoccupations, affirmant que 6.000 à 9.000 hommes correctement entraînés et équipés seraient nécessaires pour ramener la situation sous contrôle.

Les affrontements entre chrétiens et musulmans, essentiellement dans la partie Nord du pays, sont très violents et ont fait des milliers de morts et des dizaines des centaines de milliers de déplacés (un dixième de la population centrafricaine selon les dernières estimations). La situation sécuritaire est telle que les journalistes ne sont plus autorisés à s'y rendre ; les comptes rendus concernant cette partie du pays émanent donc d'ONG de défense des droits de l'homme telles que HumanRights Watch. Les milices d'auto-défense chrétiennes, appuyées par une partie des anciennes forces armées demeurées fidèles au président BOZIZE, disposent aujourd'hui des mêmes armes que la Séléka et les combats entre les groupes paramilitaires sont extrêmement violents.

A Bangui, la situation est également très tendue, des pick-up transportant des combattants de groupes difficilement identifiables paradant et semant la terreur dans la ville. Les restes des forces loyales à l'ancien président BOZIZE, alliées avec les milices chrétiennes, s'opposent notamment aux combattants de l'ex-Séléka. Les centaines de corps jonchant les rues de Bangui, évacués par la Croix Rouge, témoignent de ces combats à l'arme lourde. La crainte est qu'une insurrection générale ait lieu à Bangui contre l'ex-Séléka, avec pour résultat des pogroms contre la population musulmane considérée par les chrétiens comme proche et complice de la Séléka. Les agences des Nations unies se sont dites particulièrement préoccupées par la dégradation de la situation humanitaire en Centrafrique, qui pourrait entraîner davantage encore de déplacements de population et une aggravation du chaos ambiant.

L'Etat centrafricain ne survit depuis mars que grâce à l'aide très substantielle fournie par la République du Congo de Denis SASSOU NGUESSO, et un redressement même relatif de la situation d'ici aux élections générales annoncées pour 2015 semble très improbable. La situation sécuritaire empêche la plupart des ONG humanitaires qui étaient précédemment présentes d'oeuvrer en Centrafrique. Les deux dernières qui sont restées sont MSF et le CICR, ce qui est insuffisant pour faire face à la crise.

Des ONG de défense des droits de l'homme comme HumanRights Watch font état depuis plusieurs mois, d'attaques et de pillages systématiques contre des villages, notamment au Nord, et du recours par les bandes armées à des enfants de moins de 15 ans pour des tâches diverses en lien avec les attaques (transporter le matériel, les armes, participer aux attaques, etc.). De nombreuses mises en garde ont été lancées par ces acteurs pour prévenir de la possibilité de la mutation du conflit en guerre interreligieuse et de la sanctuarisation terroriste de la partie nord du territoire, ce qui semble une menace réelle. Les razzias visant les populations villageoises, principalement les non-musulmanes, ainsi que les pillages et agressions sont en effet très fréquents. Les forces de sécurité et les représentants des autorités étatiques et locales sont inexistants, faisant de la RCA une zone de non-droit où le chaos ne trouve aucune entrave.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe