Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.par Ghislain Marceau BANGA Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015 |
DEUXIEME PARTIELA STRATEGIE CAMEROUNAISE DANS LA GESTION DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE : UNE ADAPTATION ACTUELLE AUX PROBLEMATIQUES SECURITAIRES CONTEMPORAINES.Dans cette deuxième partie, il s'agira de présenter dans un premier chapitre (chapitre 3), comment le Cameroun se déploie pour être présent dans la gestion des conflits, à travers des missions de formation et des structures y afférentes, mais aussi en terme d'actualisation de sa carte militaire. Nous ne négligerons pas la coordination avec les Etats de l'Afrique centrale, au sein des différentes institutions de cette région de l'Afrique (chapitre 4). CHAPITRE IIILES DYNAMIQUES OPERATIONELLES DE LA PARTICIPATION DU CAMEROUN DANS LA GESTION DES CONFLITSLe Cameroun comme la plupart des Etats au 21ème siècle est préoccupé par les questions de paix et de sécurité tant celles-ci ont un impact direct sur ses perspectives de développement. Pays au potentiel immense112(*) mais miné par de nombreuses situations conjoncturelles difficiles, le Cameroun dans la sous-région d'Afrique ne peut pas se permettre comme on l'a vu, le luxe d'un interventionnisme militaire propre au comportement hégémonique113(*) ; même si pour beaucoup, ce pays est ou devrait être la puissance stabilisatrice de la sous-région. Au contraire, dans une équation assez complexe, le Cameroun tente tant bien que mal, au gré des conjonctures, de ses intérêts mais aussi des principes de non-ingérence et de respect de l'intégrité territoriale (qu'il défend et promeut) de peser sur l'agenda sécuritaire de la sous-région d'Afrique centrale. Sur le plan opérationnel cela se traduit par une participation étagée et méticuleusement calculée au maintien de la paix dans la sous-région qui implique une contribution non seulement au plan de la formation (Section I), mais aussi au niveau du déploiement des missions de paix (Section II). SECTION I : DES MISSIONS DE FORMATION : ENTRE MISE A DISPOSITION DE STRUCTURES DE FORMATION ET PARTICIPATION AUX EXERCICES CONJOINTS...L'analyse de la contribution camerounaise au maintien de la paix et de la sécurité en Afrique met en lumière deux pools principaux, l'un relevant du niveau stratégique et l'autre de niveau opératif. Le premier pool dont il sera question dans cette section nous permet de voir qu'en matière de contribution au maintien de la paix et de la sécurité dans sa sous-région, le Cameroun a su contourner l'obstacle des principes qu'il défend qui de fait, limitaient ses perspectives d'intervention en faveur de la paix sans les pays de la sous-région. En effet, le Cameroun opte pour une équation d'intervention au plan stratégique qui lui permet de peser énormément sur les processus et structures centrales de maintien de la paix en Afrique centrale, sans pour autant avoir nécessairement besoin de se poser en hégémon susceptible d'intervenir à outrance dans les pays voisins en crise. Cette équation fondée sur la mise à disposition par le Cameroun des structures spécialisées de formation en matière de maintien de la paix (A) est consolidée par une contribution tactique à travers la participation aux exercices conjoints organisés par l'instance communautaire responsable au nom de la sous-traitance stratégique, des questions de paix et de sécurité dans la sous-région d'Afrique centrale (B). A -LA MISE A DISPOSITION DE STRUCTURES DE FORMATION SPECIALISEESLa stratégie camerounaise en matière de paix et de sécurité a su dès le départ se passer d'un plein emploi de la puissance au sens le plus classique du terme comme outil de paix. Non seulement parce que cela irait à l'encontre des principes de non-ingérence et de respect de l'intégrité territoriale pour lesquels le Cameroun se pose volontairement défenseur, mais aussi parce que l'état de ses moyens aujourd'hui ne lui permettent pas une telle initiative. Toutefois, les différentes conjonctures et la nécessité de protéger son intérêt a poussé le Cameroun à imaginer des solutions de substitution parmi lesquelles la volonté et même la tentative de peser ou d'impacter sur la formation d'une culture stratégique commune en Afrique centrale. Cette volonté des autorités camerounaises les a amenés très tôt à ouvrir l'entrée dans sa célèbre et mythique Ecole Militaire Interarmées (EMIA) à des soldats originaires des autres pays d'Afrique Centrale et même au-delà. C'est dans cette veine que cette Ecole spécialisée a accueilli des personnalités telles que le Défunt Thomas SANKARA et l'ancien Président Burkinabé Blaise COMPAORE. Cette stratégie camerounaise va monter d'un cran avec la création et la montée en puissance du Cours Supérieur Interarmées de Défense (CSID) (1) et de l'Ecole Internationale des Forces de Sécurité (EIFORCES) (2). Ces deux structures sont depuis leur création, progressivement devenues des références sous régionales en matière de formation dans le domaine de la paix et de la sécurité. 1 - Le Cours Supérieur Interarmées de Défense (CSID)Le rôle des écoles de formation militaire dans la formation de la culture stratégique des forces armées n'est plus à démontrer114(*), ces écoles constituent de ce fait des lieux par excellence de prise en compte et même d'ailleurs de facilitation de la mise oeuvre de l'interopérabilité dans les futures actions des forces sous régionales. Nous analyserons dans cette partie le Cours Supérieur Interarmées de Défense désormais connu sous le nom d'Ecole Supérieure Internationale de Guerre de Simbock. Le CSID est créé par décret présidentiel le 13 janvier 2005. Regroupant les futurs brevetés de l'enseignement militaire supérieur du 2nd degré des trois armées et de la gendarmerie, le CSID a pour mission de préparer les officiers supérieurs à assumer de hautes responsabilités au sein de leur armée d'appartenance, dans les états-majors de haut niveau, les grandes directions et les organismes interarmées, interalliés et internationaux et éventuellement à mettre au service de la FAA. C'est pourquoi après une première année purement nationale, le CSID a accueilli en 2006 trois stagiaires étrangers venant du Burkina Faso, Gabon, Niger ; puis sept en 2007. En 2008-2009, la 4e promotion était composée de 33 stagiaires de 19 nationalités et finalement on est arrivé avec La 6e promotion de 20 nationalités différentes dont un français et un américain. En mars 2009 l'Ecole fut récompensée par la CEEAC qui l'a distingué en la rangeant parmi ses institutions d'excellence « de niveau stratégique dans le cadre de la formation du soldat de la paix ». L'Ecole Supérieure Internationale de Guerre de Simbock offre une formation d'une durée de dix mois sanctionnée par l'attribution du Brevet d'Etudes Militaire Supérieur (B.E.M.S)115(*). Conformément au décret N°2005/015 du 13 janvier 2005, le CSID est placé sous l'autorité d'un commandant, assisté d'un commandant en second, exerçant les fonctions de Directeur de l'enseignement, officier nommé par décret du Président de la République. La direction des études et programmes assure : la préparation, la programmation et l'organisation de l'enseignement ; les études relatives à l'évolution des programmes et du contenu des enseignements. L'enseignement général de défense dispensé au CSID intègre la stratégie, la géopolitique, le droit, les relations internationales, le management, la communication, l'économie...cet enseignement vise à enrichir la culture générale des officiers stagiaires, à approfondir leur réflexion sur la défense et l'institution militaire, à développer l'ouverture vers des instances extérieures, civiles et militaires, nationales et internationales. L'enseignement opérationnel, quant à lui a pour objectif de donner aux stagiaires les connaissances indispensables à la planification et à la conduite des opérations interarmées nationales ou multinationales. A cet effet, l'enseignement dispensé porte sur : les études opérationnelles communes ; les études opérationnelles spécifiques à chaque armée. C'est ce justement qui permet aux stagiaires de développer une culture stratégique collective, laquelle permettrait de faciliter l'interopérabilité dans le cadre d'actions militaires communes. On le voit donc, la place du CSID dans le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique centrale. * 112 Michel KOUNOU, Pétrole et pauvreté au sud du Sahara. Analyse des fondements de l'économie politique du pétrole dans le Golfe de Guinée, Yaoundé, Clé, 2006, p. 36. * 113 Cité par Charles KINDLEBERGER, The world in Depression, 1973.(sur la puissance hégémonique à chercher dans théories et concepts des RI et dans le dictionnaire des RI) * 114 Aicha PEMBOURA, Le processus de formation de la culture stratégique camerounaise : Analyse du rôle des Ecoles militaires, Mémoire de Master2 en Science Politique, Université de Yaoundé 2-Soa, 2005. * 115 Voir article 9 du décret N° 2005/014 du 13 janvier 2005. |
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