Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.par Ghislain Marceau BANGA Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015 |
B. LE CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL DE GESTION DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALELa résolution et la gestion institutionnelles des conflits en Afrique Centrale obéissent à un cadre dual qui comprend aussi bien la CEEAC que la CEMAC. D'ailleurs la nature duale de ce cadre montre clairement la complexité institutionnelle de l'intégration régionale en Afrique Centrale. Dans le cadre cette analyse, il s'agit d'étudier aussi bien les mécanismes au pan normatif (1) mais aussi au plan institutionnel et opérationnel (2). 1. Les aspects normatifs du cadre de gestion des conflits en Afrique Centrale.La gestion des conflits en Afrique centrale ne relève pas d'une autonomie ex-nihilo mais plutôt du principe de subsidiarité sur la base du quel fonctionnent les organisations régionales pour assurer la paix et la sécurité dans leurs périmètres respectifs.88(*) C'est dire que le cadre de gestion des conflits en Afrique Centrale procède d'un méso niveau d'autant plus que le macro niveau se situe dans l'architecture de paix et de sécurité de l'Union Africaine. L'Acte constitutif de l'Union Africaine fut adopté lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement africains des 6 au 11 juillet 2000 au Togo. L'institution ainsi créée devait donc s'inscrire dans la perspective du renforcement de la résolution des conflits en Afrique.89(*)Prenant ainsi acte de l'incapacité de l'OUA à proposer des solutions opérantes et crédibles pour sortir le continent de l'insécurité et reconnaissant que le fléau des conflits en Afrique constitue un obstacle au développement, les signataires du Traité instituant l'UA ont placé les questions de la prévention, de la résolution et de la gestion des conflits au coeur de leur projet de renaissance politique africaine.90(*) Cette philosophie africaine de la paix s'est donc traduite à travers un cadrage normatif incarné par le Protocole relatif à la création du CPS, le 9 juillet 2002 à Durban. A partir de ce document, ont été établis les principaux piliers de l'architecture de paix et de sécurité africaine (APSA ou AAPS) appelée à constituer le nouveau cadre dans lequel les crises vont être gérées sur le continent.91(*)Aussi peut-on y classer le Protocole d'accord de coopération entre l'UA et les CER/Mécanismes régionaux, signé le 28 janvier 2008, qui articule l'essentiel de l'APSA92(*). Cette architecture constituée de quatre piliers principaux: le CPS lui-même ; le Groupe des sages; le Système Continental d'Alerte Rapide (SCAR); la Force Africaine en Attente (FAA) - ou « pré positionnée » (selon l'article 2, alinéa 2 du protocole), se trouve complétée par les mandats et activités des organisations sous-régionales (CER) reconnues pour abriter les brigades constitutives de la FAA : CEDEAO, SADC, CEEAC, IGAD et UMA. C'est à ce titre qu'il existe un cadre normatif de gestion des conflits en Afrique centrale. En effet, l'article 16, alinéas 1 et 3, du Protocole du CPS traduit avec emphase les développements qui précèdent en ce sens que « les mécanismes régionaux [pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits - le COPAX en Afrique centrale] font partie intégrante de l'architecture de sécurité de l'Union (APSA en l'occurrence) » d'une part ; et d'autre part, «Dans le cadre de ces efforts, les Mécanismes régionaux concernés doivent, à travers le Président de la Commission, tenir le Conseil de paix et de sécurité pleinement et régulièrement informé de leurs activités et s'assurer que ces activités sont étroitement coordonnées et harmonisées avec le Conseil de paix et de Sécurité (...) ». En outre, l'article 7 (j) du même texte conforte la conviction, lui qui tend à indiquer la prééminence du CPS sur le COPAX93(*) en ces termes : Le CPS « assure une harmonisation et une coopération étroites entre les mécanismes régionaux et l'Union dans la promotion et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique». Le cadre normatif de gestion des conflits en Afrique centrale repose donc sur le Pacte du 8 juillet 1996, « Pacte de non-agression entre les Etats membres de la Commission Consultative des Nations Unies pour les Questions de Sécurité en Afrique Centrale »94(*) (UNSAC). Dans son préambule les Chefs d'Etat de cet ensemble régional indiquent l'étroitesse de leurs liens avec le Mécanisme du Caire, en ces termes : « Considérant la déclaration (...) de la vingt-neuvième session ordinaire des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine, de juin 1993, portant création au sein de l'Organisation de l'Unité Africaine d'un mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique, (...) ». Et son article premier, les mêmes Etats membres « (...) s'engagent à ne pas recourir, dans leurs relations réciproques, à la menace ou à l'emploi de la force, ou à l'agression (...), soit de toute autre manière contraire (...) à la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (...) ». A priori, cette disposition du préambule est la première, parmi les textes endogènes à l'Afrique centrale, à établir un lien entre un instrument d'Afrique centrale voué à sa sécurité et le mécanisme continental : le Pacte de non-agression de l'Afrique centrale et le Mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique. Le Protocole relatif au Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale (COPAX), adopté à Malabo, le 24 février 2000, bien avant l'institution du CPS rentre également dans le cadre normatif de la gestion des conflits en Afrique Centrale. Ce texte constitue d'ailleurs le fondement juridique central du Mécanisme d'Afrique centrale de prévention et de règlement des conflits. Son association avec le Pacte de non- agression et le Pacte d'assistance mutuelle constitue l'architecture juridique d'Afrique centrale en matière de paix et de sécurité. Au-delà des aspects normatifs du cadre de gestion des conflits en Afrique Centrale, il existe aussi des aspects institutionnels et opérationnels. * 88 Charles TENENBAUM, « Négociations et médiations dans la résolution des conflits » in Franck Petiteville (dir) Négociations Internationales, Paris, Presses de Science po, 2013, pp.257-284. * 89 YERO BA, « Fléau des conflits et défi sécuritaire en Afrique » in RJPIC, n° 1, 55e année, janvier-avril, 2001, p.24. * 90 Alain FOGUE TEDOM, « L'Union Africaine face au défi titanesque de la prévention, du règlement et de la gestion des conflits », in Juridis, n° 75, janvier-aout-septembre 2008, p.77. * 91http://www.operationspaix.net/15-fiche-d-information-de-l-organisation-ua.html, consulté le 21 Novembre 2014 à 11h22. * 92 Lire la note de cadrage de la réunion entre la Commission de l'UA, les CER et les mécanismes de coordination des brigades régionales de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique du Nord, sur la mise en oeuvre du protocole d'accord de coopération dans le domaine de la Paix et de la sécurité, tenue à Akosombo, au Ghana, du 9 au 11 décembre 2009, p. 1. * 93 Voir à ce sujet, Jean KENFACK, « le Conseil de Paix et de sécurité de l'Union africaine », in De la Paix en Afrique au XXIe siècle, Presses de l'UCAC, Yaoundé, 2007, p 147. * 94 Tel est l'intitulé exact de ce texte. Par ailleurs, la Commission consultative est créée sous les auspices des Etats membres de la CEEAC et le Secrétariat Général des Nations Unies, le 28 mai 1992. D'où le lien entre ladite Commission et la CEEAC. |
|