WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.


par Ghislain Marceau BANGA
Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE II 

LE CAMEROUN DANS LA GESTION DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE : UNE DYNAMIQUE CONJONCTURELLE SOUS-REGIONALE DE RECHERCHE DE LA PAIX

L'Afrique Centrale constitue un site de conflictualité et ces conflits sont tels que leur gestion ne peut plus se faire par un seul Etat. En effet, Les pays d'Afrique centrale ont souvent été considérés comme les pays les plus bouleversés et les plus touchés, à l'échelle du continent, par des conflits et des crises internes profondes. Les guerres génocidaires au Rwanda et au Burundi, la série de coups d'Etat et les tensions conflictuelles en République du Congo-Brazzaville, ainsi que la guerre civile en République démocratique du Congo, laquelle a évolué, au fil des années, en conflit international, la crise Centrafricaine, sont autant de manifestations qui mettent en évidence les problèmes d'instabilité auxquels l'Afrique centrale a été confrontée depuis la dernière décennie.68(*) Au regard de ce qui précède, la gestion de cette conflictualité multiple ne peut être le seul fait des Etats concernés mais relève beaucoup plus d'un effort de conjugaison régionale des efforts au travers de l'intégration régionale.69(*) Le Cameroun fait partie de l'Afrique Centrale et la dynamique de conflictualité mise en évidence plus haut ne lui échappe pas.

Cette dynamique du dehors oblige le Cameroun à être un acteur de la gestion des conflits en Afrique Centrale. Dans le cadre de ce chapitre, il s'agit de montrer que la participation du Cameroun à la gestion des conflits en Afrique Centrale relève d'une conjoncture sécuritaire dont les impacts peuvent être négatifs même pour les Etats qui ne sont pas en crise. La participation du Cameroun à la gestion des conflits en Afrique Centrale s'inscrit donc au-delà de l'intérêt national (Section II) et procède du fait que cette zone constitue un site de conflictualité (Section I).

SECTION I : L'AFRIQUE CENTRALE COMME ZONE DE CONFLICTUALITE PERMANENTE ET REMANENTE

L'Afrique Centrale est une zone qui permet de témoigner des dynamiques sociopolitiques à l'oeuvre sur le continent africain. Ces dynamiques confirment de manière spectaculaire qu'au processus de démocratisation de la fin des années 1980 et du début des années 1990 succède une dynamique de conflictualisation.70(*) Cette dynamique de conflictualisation appelle sans doute un cadre institutionnel (B) de traitement en vue de restaurer l'« ordre ».71(*) Seulement, pour comprendre l'action d'un tel cadre institutionnel, il faut revenir sur les la géopolitique même de cette conflictualité (A).

A- LA GEOPOLITIQUE DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE

Il s'agit de voir dans cette partie quelles sont les causes de la conflictualité en Afrique Centrale (1), quels en sont les principaux acteurs ainsi que leurs stratégies (2).

1- Les causes de la conflictualité en Afrique Centrale 

Une tentative d'analyse des causes de la conflictualité en Afrique Centrale commande de convoquer l'enchevêtrement entre des causes structurelles et des éléments conjoncturels, qui constituent de véritables catalyseurs d'antagonisme.72(*)Au rang des causes structurelles, se classent la question de l'héritage de la colonisation, notamment son impact sur la distribution dupouvoir. On pourrait aussi y classer l'attention portée aux différences ethniques comme mode démobilisation.73(*)

La colonisation a un lien avec les conflits en Afrique Centrale en ce sens qu'elle a orienté la configuration actuelle des sociétés politiques qui sont des anciennes colonies et cette configuration n'est pas sans critique. En effet, le découpage de l'Afrique résulte de l'impérialisme européen. Celui-ci est une forme de domination qui passe par une division sociale et territoriale des entités traditionnelles unies pour des raisons linguistiques, ethniques, religieuses, géographiques, politiques et historiques.74(*)La modification de la cartographie de l'Afrique qui s'accompagne d'un découpage socio-territorial balkanisé est aujourd'hui à l'origine des conflits frontaliers et sociaux constatés en Afrique et particulièrement en Afrique Centrale. A l'observation, l'une des caractéristiques communes des conflits en Afrique Centrale, c'est la distance séparant la capitale du pays concerné du lieu de la rébellion. Pratiquement toutes les rébellions prennent racine et débutent dans les zones frontalières avec des pays voisins. Cette constante est une conséquence de l'organisation territoriale des pays africains héritée de la colonisation et donc de la distribution du pouvoir. De fait, la construction des centres administratifs et économiques s'est faite dans des zones stratégiques au détriment de l'arrière-pays.75(*) Une telle construction, au fil du temps devient source de division et de mécontentement, de la part de ceux qui se sentent délaissés dans la gestion du pouvoir. C'est donc à partir d'une telle dynamique que naissent et se construisent les antagonismes qui finalement débouchent très souvent sur une escalade peu maitrisable car, au fond, il y a des répercussions politiques que sont des disparités en termes d'infrastructures, de développement et, surtout, en termes de contrôlede l'Etat sur certaines régions.76(*) De plus, les sociétés politiques post coloniales en Afrique Centrale sont loin de refléter l' « anima collectiva »77(*) ou encore le « spirit of community ».78(*) Autrement dit, les Etats d'Afrique Centrale sont loin de remplir le préalable de la nation et quand bien même le sentiment national est perceptible, il se trouve toujours plombé par le poids des solidarités ethniques, couloir par excellence dans lequel évoluent ces Etats.

La colonisation catalyse aussi les conflits en Afrique pour une autre raison presque liée aux premiers développements. En effet, au-delà de la territorialisation contestée issue de la conférence de Berlin, il y a une logique de construction de l'Etat en Afrique Centrale, qui n'est pas moins productrice de conflictualité. C'est que, le modèle opératoire à partir duquel ces Etats fonctionnent, trahit un système d'affection tribale.79(*) La conséquence d'une telle situation c'est la consécration de l'ethnie comme site d'affection et comme enjeux de mobilisation politique, non sans constituer un potentiel facteur de crise. A ce sujet, il convient de rappeler que, s'ilest difficile de nier que les tensions ethniques ou religieuses n'existaientpas avant les conflits en Afrique, il faut tout de même reconnaitre que ces tensions en elles même ne constituent pas l'élément déclencheur du conflit mais c'est l'usage qu'on en fait en termes de mobilisation qui est plus tôt dangereux.

L'agrégation de peuples distincts dans une même entité « ethnique », comme la partition de certains groupes en peuples distincts, sont les deux faces de la même stratégie de contrôle et de domination des populations depuis la période coloniale jusqu'à nos jours. Autant on peut observer des rassemblements factices de nombreux peuples dans les mêmes « champs de concentration » sémantiques et territoriaux80(*), autant des exemples illustrant la stratégie de dépècement des groupes ne sont pas moins nombreux. En Afrique du Sud par exemple, la Population Registration Act, promulguée en 1950 par le gouvernement afrikaner répartit la population en deux grands groupes : Les Blancs et les Noirs qui eux-mêmes sont divisés en 9groupes ethniques : les Xhosas, les Zoulou, les Tswanas, etc. Les groupes seront ensuite répartis, en fonction de leurs identités ethnolinguistiques, dans des bantoustans ou homelands, prétendument en vue de préserver et même de promouvoir le génie naturel et culturel de chacun. Or non seulement certains groupes considérés comme homogènes rassemblaient des peuples ayant des parlers différents (les Xhosas), mais aussi d'autres groupes considérés comme distincts ont des langues communes (les Nguni et les Sotho). Les développements qui précèdent ne sont pas anodins, ils ont plutôt pour but de mettre en lumière les usages de la variable ethniques dans la production de la conflictualité en Afrique Centrale. C'est que, l'appartenance ethnique ou religieuse s'avère avant tout unoutil de mobilisation pour des mouvements rebelles et des gouvernements contestés en quête de soutien populaire.81(*)

Il faut aussi préciser que les éléments d'analyses qui ont été évoqués plus haut relèvent beaucoup plus d'une dimension structurelle de la catégorie Afrique Centrale. Il existe aussi des éléments d'analyses dit conjoncturels. En effet, la proximité entre provinces en rébellion aux frontières renforcela probabilité d'une alliance ad hoc entre les mouvements rebelles et les pays avoisinants82(*) même si cet aspect des conflits africains est généralement sous-estimé. Au-delà de cet aspect de la réalité, il y a que l'Afrique Centrale représente un fort potentiel en termes de ressources naturelles, ce qui forcément va conduire à des divisions liées à la gestion et au partage des ressources. L'histoire des liens entre ressources naturelles et conflits est du domaine de la longue durée. Depuis des siècles, sociétés et Etats ont utilisé certaines ressources naturelles afin de promouvoir leurs intérêts et de poursuivre leurs objectifs politiques.83(*) Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle par exemple, le bois a été d'une importance primordiale pour les puissances navales. De nos jours, c'est le pétrole qui fait la une des médias internationaux, aussi bien comme élément indispensable à la politique des grandes puissances que comme source de conflit. Il est question d'une véritable géopolitique des conflits liés aux ressources naturelles.84(*)Même lorsque les gouvernements africains souhaitent mieux encadrer ou réglementer les ressources naturelles de leur pays, ils n'en ont souvent pas les moyens. C'est le cas de la Centrafrique ou encore de la République Démocratique du Congo.

La tentative d'analyse des causes de la conflictualité en Afrique Centrale ne saurait faire sens si parallèlement on ne s'arrêtait pas sur les acteurs de ces conflits ainsi que leurs stratégies, c'est à cela que s'attèle la suite de la réflexion.

* 68 Angela Meyer, L'intégration régionale et son influence sur la structure, la sécurité et la stabilité d'Etats faibles, L'exemple de quatre Etats centrafricains, Thèse de Doctorat en Science Politique, Institut d'Etude Politiques de Paris, Décembre 2006, p.50.

* 69 Ibid.

* 70Lire Filip Reyntiens, L'Afrique des grands lacs en crise, Rwanda-Burundi, 1988-1994, Paris, Karthala, 1996.

* 71 Daniel Bach et Luc Sindjoun, ordre et désordre en Afrique, Bordeaux, Polis, vol. 4, n. 2,1997/11, p. 2

* 72 Yann Bedzigui, Annuaire Français de Relations Internationales, Bruxelles, Bruylant, la documentation française, 2008, volume IX, p.163.

* 73 Ibid.

* 74SalifKâ, La problématique des conflits en Afrique: le cas de la Somalie, de la Côte d'Ivoire et de la RDC, Mémoire de Maitrise en science politiques, Université Gaston Berger de Saint-Louis, 2012, p.17.

* 75Yann BEDZIGUI, Op.cit, p.164.

* 76 Ibid.

* 77EliasNorbert,La société des individus, Paris, Fayard, 1991, 301 p.

* 78McMillan D.W, Sense of community.Journal of Community Psychology, 24(4), 1996, pp.315-325.

* 79Luc Sindjoun,lapolitique d'affection en Afrique noire : société de parenté, 'société d'Etat' et libéralisation politique au Cameroun, Boston : GRAF, 1998.

* 80 Les circonscriptions administratives ont généralement essayé de procéder à un rassemblement spatial des groupes ethniques. Au Cameroun, chacune des dix régions correspond à des entités culturelles plus ou moins vastes rassemblant des peuples ayant entre eux certains liens culturels. De sorte qu'avec la reviviscence des tensions interethniques, les Mbo, habitants d'un village administrativement situé dans la province de l'Ouest, peuplée de Bamilékés, revendiquent leur rattachement à la province du Littoral où se trouvent les autres tribus voisines. Il convient toutefois de signaler l'exception congolaise, où, au nom de la révolution marxiste, le pays fut divisé selon des contours beaucoup plus géographiques qu'ethniques, pour éviter les polarisations ethniques non compatibles avec le marxisme (DorierApprill, 1997, 164). Ce qui n'empêcha pas une vaste mobilisation de l'ethnicité avec la naissance du multipartisme et des compétitions électoralistes.

* 81 Yves-Alexandre Chouala, «Patriotes rebelles. Légitimation et civilisation patriotiques des luttes politiques armées en Afrique», Revue juridique et politique, n° 4, 2006, p. 563.

* 82 Voir à ce sujet les travaux d'Olivier Lanotte, Guerres sans frontières, GRIP / Complexe, Bruxelles, 2003, p. 94.

* 83Laurent Goetschelet Didier Péclard, « Les conflits liés aux ressources naturelles. Résultats de recherches et perspectives », Annuaire suisse de politique de développement [En ligne], Vol. 25, n°2 |  2006, mis en ligne le 19 mars 2010, Consulté le 16 novembre 2014 à 12h09. URL: http://aspd.revues.org/255.

* 84 P. Le Billon, « The Geopolitical Economy of «Resource Wars» », dansGeopolitics of Resource Wars, Ph. Le Billon (ed.), London; New York, Frank Cass, 2005, pp. 1-28.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway