Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.par Ghislain Marceau BANGA Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015 |
SECTION II :L'ATTITUDE GEOSTRATEGIQUE DU CAMEROUNLa zone bordière de l'Atlantique en Afrique Centrale, selon Eustache AKONO ATANGANE56(*) se présente comme une superposition d'aires géographiques à la fois composites et composantes dont l'occupation territoriale et humaine se détermine par des réalités stratégiques qui assignent à cette sous-région une place géostratégique indéniable en Afrique. Le maillage géopolitique, distribué de la sorte, débouche sur un certain nombre d'ensembles dont le poids stratégique fonde leurs comportements sur l'échiquier sous régionale. Ainsi, Stéphane ROSIERE considère les acteurs géopolitiques comme « toute entité qui élabore des représentations territoriales, qui exprime ces représentations, agit sur un territoire et entre en compétition avec d'autres acteurs »57(*). Il est alors intéressant de voir comment le Cameroun, en fonction de ses intérêts sécuritaires peut passer d'une posture à une autre dans le but de défendre ceux-ci. L'attitude présentée plus haut n'est pas une exclusivité camerounaise. En effet, Pascal BONIFACE démontrait fort opportunément que le comportement d'une entité est fonction de ses aspirations, mais surtout de son environnement. Il dit d'ailleurs que plus loin de nous, « Aristote estimait que l'environnement naturel avait un impact sur le caractère humain des citoyens et sur les nécessités militaires et économiques d'un Etat idéal. Pour lui, le climat et le caractère national étaient très liés, l'hétérogénéité d'un territoire nourrissait l'hétérogénéité parmi la population et empêchait l'unité et la paix dans le pays »58(*). Ce qui précède montre à suffisance que l'attitude du déploiement du Cameroun sur la scène continentale, qui adopte une attitude qui tend au maintien de son statu quo sécuritaire (A) et éventuellement à son changement ou à son bouleversement (B), n'est qu'une logique des Etats lorsqu'ils se projettent sur la scène internationale. A - LE MAINTIEN DU STATU QUOLa locution "statu quo" est une abréviation francisée de l'expression latine "in statu quo ante" qui signifie dans la situation où cela était auparavant. Elle sert à désigner une situation figée ou un état d'immobilisme. Le statu quo est considéré comme la référence légitime par rapport à laquelle les performances d'autres options doivent être calculées. L'aversion du risque et des pertes fait de tout changement par rapport à la situation actuelle, un risque qu'il n'est pas évident de prendre. En outre, le statu quo se révèle moins impliquant qu'une prise de décision qui fait courir le risque de l'erreur ou de l'échec59(*). Le maintien du statu quo sécuritaire pour le Cameroun, lui est important pour la préservation de ses intérêts sociaux et économiques. Les Etats dans leur politique extérieure, ont pour objectif principal la défense des intérêts nationaux. La notion d'intérêt national étant difficile à cerner objectivement, elle donne une ouverture à des compréhensions diverses. Ainsi, tous les Etats cherchent à préserver un certain équilibre encore appelé le « statu quo ». La position géographique du Cameroun, qui se situe à la croisée de deux grands ensembles régionaux : l'Afrique de l'ouest et l'Afrique centrale est de nature à faire subir au Cameroun les soubresauts des aléas sécuritaires de ses voisins. En effet, le Cameroun est frontalier du Nigéria sur 2100 Km60(*), et il désenclave également par son accès maritime deux autres Etats voisins : le Tchad et la RCA. Les deux paramètres cités plus hauts sont de nature à compromettre la stabilité et la sécurité du Cameroun, qui est souvent considéré comme un îlot de paix dans l'océan conflictuel de l'Afrique centrale. Ainsi le défi est clair, il s'agit pour le Cameroun de mettre sur pieds des mécanismes visant à maintenir sa sécurité (1) et sa stabilité (2), afin d'éviter toute ingérence extérieure de la part d'autres Etats. 1 - Le maintien de la sécurité nationaleLa sécurité nationale désigne l'objectif de parer aux risques ou menaces susceptibles de porter atteinte à la vie d'une nation. Il s'agit notamment d'assurer la protection de la population, l'intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République. En tant qu'outil militaire subordonné au pouvoir politique, la mission de sécurisation du territoire est dévolue à l'armée. Mais la sécurité ne concerne pas seulement la défense militaire et les forces armées, mais aussi toutes les administrations responsables de grandes catégories de fonctions ou de ressources essentielles à la vie du pays. Elles incluent notamment : ordre public et sécurité civile, relations extérieures et diplomatie, finance, matières premières, énergie, alimentation et produits industriels, santé publique, transport et télécommunications, travaux publics et sécurité des systèmes d'information61(*). La sécurité d'un Etat est d'abord interne, et est assurée en premier lieu par la police et la gendarmerie qui interviennent lorsque l'Etat fait face à des troubles sociaux, à la criminalité, au terrorisme et à l'instabilité politique. La gestion de la sécurité est très souvent extravertie à cause d'un certain nombre de phénomènes, notamment la globalisation et la faillite de l'Etat qui sont de nature à favoriser l'ingérence dans les affaires intérieures. Ces deux phénomènes sont devenus pour moult Etats et organisations internationales, des instruments de politique extérieure62(*) ; ce qui fait du maintien de la sécurité interne un enjeu des plus importants pour les Etats. Assurer soit même le maintien de la sécurité de son territoire, ne pas subir les interventions externes est un pan de ce maintien, qui est indissociable de la stabilité (2), la maîtrise parfaite des deux constituant pour un Etat comme le Cameroun le maintien du statu quo sécuritaire. * 56 Eustache AKONO ATANGANE, « Les problèmes de délimitation des espaces maritimes en Afrique centrale », in Revue africaine d'études politiques et stratégiques N° 4, Université de Yaoundé II, 2007, p. 247 * 57 Stéphane ROSIERE, Géographie politique et Géopolitique. Une grammaire de l'espace politique, Ellipses Editions, Paris, 2000, p. 216. * 58 Pascal BONIFACE, La géopolitique les relations internationales, Paris, Eyrolles, 2011, p. 6 * 59 www.toupie.org/Biais/Biais_statu_quo.html consulté le 08/11/2014 à 22h. * 60 En avril 2013, le Cameroun et le Nigéria se sont mis d'accord sur la délimitation de leur frontière maritime ainsi que sur le tracé de 1 893 km de leur frontière terrestre dont la distance totale est estimée à environ 2 100 km. Voir le « Communiqué de la 30e réunion de la commission mixte Cameroun Nigéria », 23 avril 2013. * 61www.wikipedia.org/wiki/sécurité_nationale, Consulté le 05/11/2014, à 20h. * 62Mwahila TSHIYEMBE, « Les principaux déterminants de la conflictualité », in La prévention des conflits en Afrique centrale, Prospective pour une culture de la paix, (éd.) P. ANGO ELA, Karthala, Paris, 1999, p. 23. |
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