Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en afrique centralepar JERVE SIGNI TSAGHO Institut Des Relations Internationales du Cameroun - Master 2 en Relations Internationales 0000 |
3- PROBLEMATIQUE DE L'ETUDELa problématique renvoie à «l'ensemble construit autour de la question principale, des hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui permettront de traiter le sujet choisi»43. C'est en quelque sorte un écart ou un manque à combler dans le domaine de la connaissance entre ce que nous savons et ce que nous devrions ou désirons savoir sur le réel44. Il s'agit de l'approche ou de la perspective théorique que l'on décide d'adopter pour traiter le problème posé en vue d'obtenir de nouvelles informations45. Ervin GOFFMAN l'affirmait déjà de manière claire: « devenir sociologue, c'est poser des questions impertinentes, montrer ce qui se joue derrière la scène ; être au fait des ficelles de la vie sociale, bref dévoiler la face cachée des faits sociaux ». Partant de ces considérations, la problématique apparait comme une étape 42 Acte constitutif de l'UNESCO adopté à Paris en 1945. 43 Michel BEAUD, L'art de la thèse : Comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l'ère du net, Paris, La découverte, 2006, P.11. 44 Madeleine GRAWITZ, Lexique des sciences sociales, 8ème édition, Paris, Dalloz, 2004, P.47. 45 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUD, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 1995, P85-86. 27 Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale charnière de la recherche située entre la rupture et la construction du sujet46, car elle permet de constater et ainsi de combler l'écart entre une situation de départ insatisfaisante et une situation d'arrivée désirable47. Du Sahel aux localités menacées par Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, en passant par la corne de l'Afrique et l'est de la République Démocratique du Congo, les tensions, troubles et conflits en Afrique Centrale présentent tous sans exception une forte dimension de régime de violences dans des configurations de rapports Etats-sociétés tendant à évoluer des « logiques de paix » vers des « logiques de guerre »48. Le modèle de gouvernance de l'ère coloniale construit sur une infrastructure politique autoritaire y a pendant longtemps influencé les relations entre l'État et la société, conduisant à une crise d'identité et d'aliénation dont les séquelles demeurent aujourd'hui encore. Ce modèle voulu ou imposé aux dirigeants a eu comme conséquences immédiates la multiplication de longs conflits nationaux et internationaux, liés peu ou prou à la diversité dans près de la moitié des pays de la sous-région. Le génocide rwandais de 1994, les guerres civiles particulièrement violentes et meurtrières en Angola et au Burundi constituent des cas rappelant encore la large désarticulation entre les différentes régulations à l'oeuvre portées par certains groupes ou communautés, et la création d'un véritable vivre-ensemble pacifique et partagé de tous. L'histoire récente en République Centrafricaine qui se remet difficilement des cendres de la guerre civile de 2011, et l'actualité au Cameroun dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avec l'enlisement des tensions et revendications ayant débouché sur la crise dite «anglophone», nous rappelle encore que ces conflits sont nourris et alimentés de façon contemporaine par « une combinaison de puissants facteurs identitaires et de perceptions plus larges de la justice économique et sociale »49 concernant la répartition des ressources 46 Marie Fabienne FORTIN, Le processus de la recherche : De la conception à la réalisation, Québec, Edition Fortes, 1996, P.41. 47 Gordon MACE et François PETRY, Méthodes en sciences humaines : Guide d'élaboration d'un projet de recherche en sciences sociales, Bruxelles, Université de Boeck, 2000, P.24. 48 Mathias Eric OWONA NGUINI, « Les rapports Etat-société dans le processus politique en Afrique Centrale: Les montages civilisateurs et décivilisateurs du pouvoir et du droit », African journal of political sciences, Volume no2, 1999.P.143-180. 49 Adele JINADU, « Explaining & Managing Ethnic Conflict in Africa: Towards a Cultural Theory of Democracy ». Claude AKE Memorial Paper No.1, Uppsala University, Department of Peace and Conflict Research, Nordica Africa Institute, Uppsala, 2007. 28 Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale économiques, politiques et publiques par l'État. Au Tchad, l'actualité récente faisait encore état de « graves problèmes intercommunautaires», notamment dans l'Est du pays entre d'un côté les autochtones ouaddaiens agriculteurs, et de l'autre des tribus d'éleveurs arabes50. En République démocratique du Congo, la diversité relève aussi des problèmes de gouvernance politique et sociale dans une stratégie qui renvoie l'imaginaire collectif à une rupture de la gestion de la pluralité par les institutions de l'Etat. De ce fait, il faut interroger le «contrat social», notamment les différentes pratiques qui incarnent le vivre-ensemble garanti par des mécanismes et dispositifs spécifiques. Loin d'être un simple débat comme le relève fort à propos Christine INGLIS, la réalité en Afrique Centrale montre qu'il devient de plus en plus nécessaire de définir un modèle de paix qui incarne les sociétés dans leur diversité intrinsèque et mouvante. Dès lors, prévenir les troubles et les tensions ou résoudre les conflits y relève dorénavent de deux sources principales: La volonté de participation à la gouvernance émanant de groupes culturels, politiques, régionaux et socioéconomiques longtemps marginalisés ou exclus d'une part, ainsi que la (re)définition des questions de migration interne associées à la citoyenneté et à l'identité d'autre part. Dans ce contexte, il faut regarder les régulations existantes qui structurent la cohésion et le rapport à l'Etat des divers groupes sociaux, tant il est vrai que c'est au travers des politiques publiques qu'une société peut définir les principes d'interactions qui servent le mieux son vivre-ensemble. La question qui se pose est celle de savoir comment les Etats gèrent-ils la diversité culturelle dans la perspective de la construction de la paix en Afrique Centrale? À cette question principale, viennent s'agripper des problématiques d'ordre secondaire. Dans un contexte de féconde diversité culturelle, quels sont les mécanismes et les stratégies mobilisés à cet effet? Eu égard à la persistance des tensions et des crises au sein de la sous-région, quels sont les limites et les obstacles auxquels ils font face? 50 Article à retrouver sur www.jeuneafrique.com, mis à jour le 14 Février 2019. 29 Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale |
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