C- Les obstacles socio-culturels à la gestion de
la diversité culturelle
Les sociétés d'Afrique Centrale se
caractérisent notamment par une forte croissance démographique et
une population majoritairement jeune. 45% de la population a moins de 15 ans,
et 75 % a moins de 30 ans. La pauvreté touche près de 50% de
cette population. Cependant, l'exercice du pouvoir reste principalement aux
mains des aînés et le leadership tarde à se renouveler,
entrainant un déséquilibre
générationnel196.
Sur le plan socioculturel, l'évolution de certains
conflits en Afrique Centrale pourrait être abordée sous l'angle du
conflit générationnel et celui de la rupture du contrat social
entre les «cadets sociaux » et les
aînés197. L'effondrement du système
éducatif et des institutions publiques dans nombre de pays laisse sans
perspective d'avenir une majeure partie de la jeunesse et favorise la
montée d'une culture politique intolérante en rupture avec les
modes de lutte civique pacifiques. Une incapacité à assurer ces
besoins crée dans le pays un « écart d'aptitude »
ou « écart de capacité »198.
Confrontés aux inégalités croissantes du fonctionnement de
l'État et de la société, une partie de la jeunesse remet
radicalement en question la légitimité des institutions
étatiques et se tournent vers l'idéal «
égalitariste » et l'espoir d'un « autre avenir »
incarnés par les bandes armées et les mouvements religieux
sectaires qui écument les territoires étatiques199.
Les systèmes de conflits en Afrique Centrale s'appuient
également sur un contexte de pauvreté et de chômage de
masse, notamment de la catégorie des jeunes, ce qui favorise
196 Selon le descriptif de programme de pays du PNUD pour la
RDC, le chômage concerne les deux tiers de la population en âge de
travailler, principalement les jeunes, alimentant les fortes
inégalités dans le pays. La baisse du taux de chômage des
jeunes constitue l'un des trois facteurs déterminants pour l'avenir de
la RDC. Le descriptif de programme de pays pour le Cameroun précise que
le sous-emploi chronique touche 76 % de la population. En République du
Congo, le taux de chômage des moins de 30 ans atteint 42,2 %. Enfin, les
descriptifs des programmes de pays pour la République centrafricaine, le
Tchad et la Guinée équatoriale mentionnent tous la
nécessité de faire de la création d'emplois une
priorité.
197 Philippe HUGON, « L'économie des conflits en
Afrique », in Revue internationale et stratégique, n°
43, 2001, p. 152-169.
198 Ibrahima GASSAMA, idem
199 Alain DUBRESSON et Jean-Pierre RAISON, Op. Cité.
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
l'enrôlement dans les milices, groupes armés et
autres réseaux criminels. Ce contexte est marqué par la
résurgence ou l'instrumentalisation des référents
identitaires, communautaires porteurs d'un risque supplémentaire de
fractionnement et de tensions sociales. La montée des nouvelles
religiosités et des radicalismes des mouvements tels que Boko Haram au
Tchad et au Cameroun s'inscrit dans ce contexte de crise des «
encadrements »200.
Les sociétés de la sous-région sont
fortement inégalitaires dans l'accumulation du capital social, ce qui
accentue la division entre les pauvres peu éduqués et riches
fortement éduqués. La pauvreté y est légion, et se
transmet de génération en génération selon un
cercle vicieux d'inégalités persistances et d'exclusion sociale
qui finissent par exacerber les tensions et les crises dans l'exploitation, la
gestion et la redistribution des fruits de la croissance. Cette fracture
sociale devient de ce fait source d'inégalités, car elle provoque
des tensions politiques entre les groupes, les groupes les plus influents
conservant alors toutes les chances de l'emporter.
200 Selon A. DUBRESSON et J.-P. RAISON, les encadrements sont
d'ordre divers : système de parenté, structures politiques,
religion, les langues, l'écriture ou la culture au sens large.
« La crise des institutions modernes provoque soit un retour aux
sources soit une adhésion à des encadrements nouveaux, de la
bande guerrière à la secte religieuse ou à l'association
des originaires ». Op. Cité, P. 132.
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culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
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