B- Les obstacles économiques à la gestion
de la diversité culturelle
De nombreuses études révèlent que
l'Afrique centrale enregistre la plus forte population vivant sous le seuil de
pauvreté de toutes les sous-régions africaines. Les
conséquences tragiques de ces taux de pauvreté
élevés sur le développement humain apparaissent
également dans les données disponibles. En Afrique centrale, et
comme souvent ailleurs, l'extrême pauvreté et le
sous-développement voisinent avec des ressources naturelles
abondantes192. Les pays d'Afrique centrale obtiennent
également de très mauvais résultats en ce qui concerne les
indicateurs de gouvernance et de fragilité: La corruption, le
contrôle des richesses nationales par les acteurs politiques, les faveurs
politiques et la cooptation sont fréquents dans nombre de ces pays,
entraînant une mauvaise répartition du pouvoir et de fortes
inégalités, qui à leur tour empêchent la population
de tirer parti des possibilités du progrès économique et
de renforcement de leurs capacités humaines. La plupart des pays de la
région sont toutefois tributaires des secteurs minier et
pétrolier, qui tirent parti de l'abondance des ressources
minérales et des réserves d'hydrocarbures. Le Cameroun, la
Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la
République démocratique du Congo, la République du Congo
et le Tchad figurent au bas du classement des indices de gouvernance de
Transparency International et de la fondation Mo Ibrahim. L'espace politique
fermé et la tendance à la corruption du secteur public sont
notamment dans le viseur de ces indices193.
En outre, la redistribution des ressources économiques
entre les différents groupes sociaux en Afrique Centrale est susceptible
d'entrainer des tensions, troubles et/ou conflits. En effet, la mauvaise
répartition des richesses nationales est à l'origine d'un
sentiment de frustration et d'exclusion que peuvent ressentir les groupes
sociaux dits minoritaires. Les demandes
191 Jean François MEDARD, États d'Afrique
noire : Formation, mécanisme et crise, Paris, L'Harmattan, 1990, P.
405.
192 L'Afrique centrale, une région en retard
?, Premier rapport d'évaluation stratégique sous
régionale du PNUD, Mars 2017.
193 PNUD, 2013, Rapport intitué « Strategy for
Supporting Sustainable and Equitable Management of the Extractive Sector for
Human Development ». Disponible en anglais à l'adresse :
http://www.undp.org/
content/undp/en/home/librarypage/poverty-reduction/inclusive development.
116
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
démocratiques exacerbées notamment par la crise
des ajustements au début des années 1990 n'ont pas
contribué partout à la pérennisation d'une gouvernance au
service des populations.
La fragilité de l'État a notamment
été accentuée par les politiques d'ajustements structurels
imposées par le FMI et la Banque mondiale au cours des années
1980. Ces mesures d'austérité et de rigueur comptable, en
recommandant notamment une baisse drastique des dépenses publiques ont
retiré à la plupart des appareils gouvernementaux les moyens de
mener de véritables politiques publiques ainsi que leur capacité
de redistribution. Cette carence dans la gestion politique et
socio-économique du territoire est une source d'instabilité et un
facteur de fragmentation de l'espace national. Il en résulte dans bien
des cas une rupture du monopole de la violence légitime,
alimentée par une démultiplication d'acteurs concurrents à
l'État : Groupes armés, milices, réseaux criminels
nationaux, régionaux ou internationaux, etc194.
A n'en point douter, le faible niveau économique des
Etats de la sous-région Afrique Centrale constitue un obstacle majeur
à l'implémentation des politiques publiques de gestion de la
diversité culturelle. Dans la majorité des cas, ce faible niveau
économique déstabilise l'équilibre sociétal en
construisant auprès des groupes sociaux l'idée suivant laquelle
la pauvreté et le chômage des jeunes est dû à
l'inégale répartition des richesses nationales entre le centre et
la périphérie. Celles-ci seraient l'objet d'un accaparement par
une sorte d'« élites prévaricatrices » peu
soucieuses des populations paupérisées et laissées pour
compte195. Ces distorsions observées dans
l'inégale répartition du « gâteau national »
est très souvent source de frustration, susceptible
d'entraîner des revendications politiques et sociales auprès des
jeunes qui pour la plupart, sont en proie à un chômage
diachronique quoique très souvent diplômés de
l'enseignement supérieur. Un tel climat social ne saurait être
favorable à faire place à une implémentation sereine des
politiques publiques favorables à la diversité culturelle.
En sus, ces tensions latentes sont portées en substrat
par des revendications bien plus orientées vers des
considérations d'ordre ethnique, religieux, ou culturel, comme c'est
actuellement le cas en République Centrafricaine avec l'accord de paix
torpillé par les différents groupes et chefs rebelles qui
refusent de l'appliquer sous prétexte de ce qu'il ne serait pas assez
194 Ibrahima GASSAMA, « Les politiques d'ajustement
structurel et leurs conséquences sur les crises sociales en Afrique
», Center blog, 4 avril 2008.
195 Jean François BAYART, Idem.
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
représentatif des différents
intérêts de l'ensemble des communautés socio-culturelles ou
religieuses de l'Etat.
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