B- Les politiques de quota
En Afrique Centrale, le terrain est favorable à la mise
en oeuvre des politiques et des pratiques de gestion de la diversité, au
regard de ses préoccupations sociales et de ses principes de base qui
s'appuient notamment sur l'égalité de droit et de traitement et
sur la nécessaire représentativité de la population dans
le personnel de la fonction publique153. Une analyse des
150 Institut de la gestion publique et du développement
économique, « Diversité : un enjeu de performance dans les
services publics », Perspectives- Gestion Publique, IGPDE, 22
Février 2007.
151 Guy-Landry HAZOUME, 1986, Idéologies
tribalistes et nation en Afrique : le cas dahoméen, Paris,
L'Harmattan, 1986.
152 Luc SINDJOUN, Notes de synthèse de l'ensemble des
travaux du Colloque Francophonie-Commonwealth-Cameroun sur le thème
« Démocraties et sociétés plurielles»,
Yaoundé, Mars 1999.
153 Hubert MONO NDZANA, « Le rôle des quotas dans
la gestion d'une société multiethnique », Impact Tribune 16,
2001.
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
pratiques montre de fait une préoccupation
d'égalité des chances et de lutte contre les discriminations. La
plupart des pays africains ont pris des dispositions en vue d'intégrer
des mesures spéciales dans leur constitution, y compris des quotas. Pour
les pays qui appliquent la politique des quotas comme le Burundi, l'Angola, le
Rwanda et le Cameroun, il est tout aussi important que les individus qui
s'identifient comme appartenant à tel ou tel groupe ethnique se sentent
également bien représentés dans les administrations
nationales et locales et aux postes de responsabilité de la fonction
publique.
Il importe de veiller à ce que l'appareil judiciaire et
la fonction publique, y compris la police et l'armée reflètent
toute la diversité de la société. Visant à assurer
«l'égalité réelle», il s'agit pour
VERSINI de «...diversifier la fonction publique pour qu'elle soit plus
représentative de la nation qu'elle sert », et rendre de ce
fait les viviers de recrutement plus représentatifs des minorités
visibles au sein de l'Etat. La gestion de la diversité peut s'appuyer
sur les valeurs de base des services publics comme l'égalité de
traitement, la justice et l'équité mais doit aussi s'appuyer sur
des arguments d'efficience (mieux utiliser les compétences et ressources
existantes) et d'efficacité (meilleure satisfaction des usagers des
services publics).
Plusieurs pays en Afrique Centrale ont mis au point des cadres
politiques en vue d'intégrer les groupes marginalisés, en
particulier les femmes. Dans de nombreux autres pays tels que le Cameroun et le
Gabon, même si le système politique a été
réformé, le contenu de la réforme et ses effets concrets
sur la situation des femmes restent modestes, et sont de surcroit
contestés par les forces patriarcales. La pratique semble frappée
par la lente marche qui empêche toute évolution vers un
système de gouvernement incluant un nombre important de femmes.
Contrairement à ces Etats, le Rwanda a réussi à placer des
femmes à des postes de responsabilité politique aux niveaux
national et local154. Par exemple en 2003, le Rwanda a adopté
l'égalité des sexes dans son système de gouvernance, et
les femmes occupaient 56 % des sièges de la chambre des
députés, 35 % du Sénat et 27 % du gouvernement. Les femmes
représentent aussi 35 % des secrétaires permanents, 61 % des
juges des cours suprêmes et 32 % des maires et maires adjoints, ce qui
montre les avancées en matière d'égalité des
sexes155.
154 CEA, Elections et gestion de la diversité en
Afrique, note conceptuelle de la Commission économique pour l'Afrique,
Addis-Abeba, 2010, P75.
155 Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD) et Commission économique pour l'Afrique (CEA), Actes du
huitième Forum sur « La gouvernance en Afrique:
égalité des sexes, élections et gestion de la
diversité en Afrique », Huitième Forum sur la gouvernance en
Afrique, Kigali, 1-2 novembre 2011.
91
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
L'exemple du Burundi illustre cette nécessité de
définir des modalités d'interaction qui répondent à
des enjeux spécifiques. Les accords d'Arusha, négociés
à la sortie de la guerre civile du Burundi, avaient pour objectif de
pacifier une situation vectrice de haine et de ressentiments. Il s'agissait
alors de trouver une réponse aux revendications et demandes de
représentation de toutes les franges de la société
burundaise qui ne puisse générer un sentiment
d'inégalité. Pour cela, un modèle institutionnel inclusif
fut négocié, passant notamment par la mise en oeuvre de quotas
dans l'intégralité des institutions de l'État burundais.
Cette étape était indispensable pour que chaque composante de la
société burundaise puisse se sentir représentée et
se projeter dans un avenir commun. Il est stipulé par exemple au
paragraphe 4 de l'article 9 de la Constitution qu'au moins 30 % des postes sont
attribués aux femmes dans les instances de prise de décisions.
Au chapitre de la participation des femmes à la vie
publique en Angola, des résultats ont montré qu'en 2016, le
pourcentage de femmes par rapport aux hommes était de 36,8% au
Parlement, avec une représentation dans le gouvernement central
et local de 19,5% des ministres femmes, 16,4% des
secrétaires d'État, 11,1% des gouverneures, 19,5% des
vice-gouverneures, et dans la représentation diplomatique 29,9%, dans la
magistrature publique 34,4%, dans la Magistrature judiciaire 31,0%, dans la
haute fonction publique 30,5%. Dans le cadre de la politique de promotion du
genre, le gouvernement angolais a développé des actions qui ont
permis une représentation considérable des femmes dans diverses
positions de l'État et du gouvernement156. Ces mesures
formelles sont renforcées par des stratégies d'action visant une
meilleure implémentation de la diversité culturelle.
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