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Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en afrique centrale


par JERVE SIGNI TSAGHO
Institut Des Relations Internationales du Cameroun  - Master 2 en Relations Internationales  0000
  

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B- L'instrumentalisation de la diversité culturelle dans le déclenchement des tensions et des conflits en Afrique Centrale

L'approche instrumentaliste a fortement marqué la science politique africaniste où l'utilisation des variables manipulables atteste du fait que, l'identité naturelle qui s'imposerait par la force des choses ressort d'une véritable illusion105. Après les indépendances, la plupart des États multiethniques d'Afrique Centrale affichaient des diversités qui constituaient un défi pour la construction de l'unité nationale. Dans cet ordre d'idées, il n'existait que des stratégies d'instrumentalisation rationnellement conduites par des acteurs identifiables. Très souvent, la question de l'ethnicité a été évoquée comme une donnée structurelle des causes principales des conflits africains. C'est justement l'occasion d'esquisser une réflexion sur le vécu démocratique des pays africains à travers quelques questionnements pour essayer de comprendre pourquoi le processus de démocratisation relève-t-il ce rapport de forces? À bien des égards, nous conviendrons avec MAALOUF que les relations conflictuelles même les plus meurtrières, sont souvent précédées de relations pacifiques d'échanges et de commerce, les conflits ou les guerres ne survenant que lorsqu'un élément perturbateur s'est glissé dans le règne de l'équilibre, transformant ainsi les identités conviviales en « identités meurtrières».106

Dans la plupart des crises et des tensions, la diversité culturelle en elle-même ne semble pas être souvent le problème, mais le prétexte pour des manipulations exacerbées sur les sensibilités ethniques, religieuses ou linguistiques des groupes et des communautés. Ainsi, la plupart des guerres civiles qui ont eu ou continuent d'avoir cours dans la sous-région peuvent résulter de l'instrumentalisation de ces fibres par des acteurs rationnels en quête des intérêts et bénéfices particuliers et égoïstes107.

Il ne fait l'objet d'aucun doute que le fait ethnique est une réalité de l'Afrique Centrale et que les causes qui essaiment les conflits politiques et les guerres civiles ont pour beaucoup une implication ethnique, plus ou moins forte ici ou là. En dépit de cela, la thèse selon laquelle la

105 Jean François BAYART, L'illusion identitaire, Fayard, 1996, Paris, P.45.

106 MAALOUF, cité par Ernest MBONDA, « La justice ethnique comme fondement de la paix dans les sociétés pluriethniques, Le cas de l'Afrique in Souveraineté en crise », Québec, L'Harmattan et Presses universitaires de Laval, PP.451-500.

107 David KEEN, « The economic functions of violence in civil wars », Oxford University Press, Oxford, 1998, P.34.

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Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

conflictualité est un phénomène structurel de l'ethnicité nous semble très limitée. Et pourtant la question continue de se poser. Pourquoi alors l'ethnicité est-elle un facteur récurrent, voire central des conflits ? Encore une fois, la « balkanisation ethnique » est le fait des élites qui, dans leur ensemble exploitent la sensibilité de cette réalité comme un fonds de commerce au centre de leurs stratégies de conquête et de conservation des fiefs électoraux. La défaillance de l'État (donc de l'élément fusionnel) du fait de son pillage par les gouvernants, ne laisse pas autre choix que le recours à la solidarité familiale (élément discriminant), comme seule voie de survie dans un contexte de pauvreté absolue108.

Plus que la diversité ethnique, religieuse et linguistique en définitive, c'est l'instrumentalisation qui en est faite dans un contexte de frustrations accumulées qui est le déclencheur des conflits. La polarisation ethnique est en Afrique Centrale apparue comme un outil de contrôle des masses utilisé par les différents protagonistes. Dans ce contexte, dont la clef est la pauvreté, aucun des acteurs n'a finalement intérêt à oeuvrer pour l'intégration et l'unité nationale. Les élites au pouvoir cherchent à corrompre les ethnies proches et les dressent les unes contre les autres pour renforcer leur position dominante et éviter tout partage du pouvoir, tandis que les forces d'opposition mobilisent les ethnies « opprimées » pour affaiblir le pouvoir en place109.

À titre d'illustration, même l'exemple paroxystique du Rwanda semble bien indiquer que le génocide des Tutsis en 1994 ne fut pas une violence fondamentalement ethnique, mais une violence de masse de nature politique inhérente à la lutte pour le pouvoir d'État. Le génocide n'était pas le fait de l'identité Hutu ou de toute autre ethnie, ces réflexions étant aussi valables dans d'autres cas de génocides ayant eu lieu en dehors de la sous-région (ex-Yougoslavie notamment).

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