Paragraphe 3: La diversité linguistique en Afrique
Centrale
Le concept de diversité linguistique, l'une des
composantes de la diversité culturelle décrit une situation dans
laquelle plusieurs langues ou plusieurs groupes linguistiques sont
nécessairement en interaction. Il invoque donc l'ensemble des rapports
entre les langues et se démarque des concepts qui décrivent
seulement les aires de développement d'une langue particulière.
Ensuite, il opère à partir d'un point de vue qui valorise
implicitement la différence plutôt que de la considérer
comme un problème, d'où la nécessité d'en faire un
outil de gestion. Au sein des Etats d'Afrique Centrale, il est fait état
d'une mosaïque de langues (A), mosaïque à laquelle vient se
superposer une forte cohabitation linguistique (B).
A-La mosaïque et les assises linguistiques
La diversité linguistique dans la sous-région
Afrique Centrale s'explique à la fois par l'histoire du peuplement et
des migrations dans la sous-région. L»offre linguistique actuelle
de la sous-région est composée des langues africaines et des
langues occidentales héritées de la colonisation.
La sous-région compte près de 750 langues
vivantes, soit plus de 30 % du total du continent. Quelques grandes langues
remplissent une fonction fédératrice tant à
l'intérieur du territoire, qu'à l'échelle
régionale. A titre illustratif, le tshiluba, langue des Luba en RDC, ne
déborde des
100 Idem
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
frontières nationales que sur une étroite frange
du nord de l'Angola. De même le mongo reste circonscrit à la
cuvette congolaise. Le ngbandi parlé au nord de la province de
l'Equateur trouve son prolongement en RCA sous le nom de sango. Le
tchokwé est parlé sur les frontières méridionales
de RDC, en Angola et en RCA. Mais trois langues se distinguent par leur
caractère largement international. Le kikongo est parlé
au-delà de l'espace Kongo proprement dit, jusque dans le Bandundu.
La communauté de langue favorise naturellement les
échanges économiques ou les mouvements de population. Au plus
fort de la guerre civile en Angola, le Bas-Congo a accueilli sans
problème majeur des centaines de milliers de réfugiés
angolais. Plus récemment, près de 50 000 personnes d'origine
Kongo fuyant la guerre civile au Congo Brazzaville ont trouvé refuge
dans les régions de Mbanza Ngungu et de Luozi. Le lingala est devenu la
grande langue véhiculaire de la moitié occidentale de la RDC ; il
est parlé dans une partie du Congo Brazzaville. Le Lingala a par
ailleurs acquis un statut de langue culturelle comme véhicule de la
musique congolaise dont l'influence dépasse largement les limites des
deux Congo. La moitié orientale de RDC est au contraire
intégrée au grand ensemble swahili. Mélange de langues
bantoues et arabes, le swahili a été diffusé à
partir des côtes de l'Océan Indien par les marchands arabes, y
compris les esclavagistes qui comme Tippo Tib, le dernier d'entre eux, avaient
étendu leurs réseaux jusqu'à Kisangani.
Ces langues internationales constituent des instruments de
rapprochement transfrontalier. Elles constituent des vecteurs culturels qui
prennent place au côté des langues maternelles et des langues
européennes que sont notamment le français parlé dans la
presque tous les Etats de la sous-région, l'anglais, l'espagnol ou le
portugais en Angola usité particulièrement.
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